Les fury rooms, ces salles où l’on paie pour défoncer des objets à coups de marteau, de hache ou de masse, fleurissent un peu partout. Défouloir capitaliste pour citadin·es sous tension. Mais qui y va vraiment ? « Presque exclusivement des femmes », observe — un rien acide — Fanny Krähenbühl, lunettes de protection sur le nez et salopette d’ouvrier sur le dos. Plutôt qu’un quart d’heure en solo, elle propose sa propre version collective et scénique du concept : Fury Room, une performance aussi drôle que violente, où les mots cognent au moins autant que les gestes.
Dès les premières minutes, un aspirateur vole en éclats. « C’est con, mais ça fait du bien », lance-t-elle en tapant dedans à la hache. Mais l’essentiel est ailleurs : dans ce qui fait naître la colère. L’abandon post-partum après trente-six heures d’accouchement. Le père jamais là. L’enfant qui crie, puis l’enfant plus grand qui hurle en public et fout la honte. Les autres enfants, eux, ont toujours l’air mieux élevés.
Des mots pour les maux
Puis il y a ce souvenir : une agression à coups de canif, à quinze ans, à la sortie du métro de Lausanne. Et cette autre scène, silencieuse et terriblement banale, où un homme insiste, devient menaçant, et elle cède. Et cette idée qui s’infiltre, à trente-huit ans, que ses rêves de mariage n’étaient que des foutaises. Robe de princesse incluse.
Fanny Krähenbühl enchaîne les confessions, le rire chevillé au texte. Elle explose dix meringues sur un plateau, une pour chaque fois où elle a envisagé de tuer son enfant — « qu’elle aime pourtant plus que tout ». On rit beaucoup. Mais de ce rire qui dérange, qui réveille, qui libère. « J’espère que mes histoires seront les universelles possibles », glisse-t-elle au début. À la fin, on n’en doute plus : Fury Room touche juste. Et fort.
Fury room de Fanny Krähenbühl
Les 1 et 2 juillet 2025 au Festival de la Cité, Lausanne
Concept de Fanny Krähenbühl, Clea Eden, Luca Depietri
Écriture et mise en scène de Fanny Krähenbühl
Jeu – Fanny Krähenbühl, Clea Eden
Direction d’actrice – Clea Eden
Dramaturgie de Luca Depietri