Le Mois Molière, festival de théâtre et de musique à Versailles dirigé par François de Mazières, est un rendez-vous incontournable du printemps. Incubateur de talents depuis 1996, cette manifestation s’appuie sur plusieurs troupes en résidence à l’année, dont celle de Ronan Rivière. Apprenant que le Petit Louvre à Avignon cherchait un nouveau programmateur, ce dernier a suggéré à François de Mazières de postuler. Avec l’Ancien Carmel, repris l’an passé, et le Petit Louvre, Le Mois Molière sera présent dans trois salles au Festival Off Avignon.
Comment Le Mois Molière est-il entré dans votre vie ?

Ronan Rivière : Avec mes camarades du cours Simon, Jérôme Rodriguez, Michaël Giorno-Cohen et Tatiana Spivakova, nous avions présenté notre premier spectacle au Festival Off. C’était Chapeau Melon et Rond-de-cuir, des courtes pièces de Courteline, mis en scène par Denis Souppe. François de Mazières est venu nous voir et nous a proposé de nous programmer au Mois Molière. Il nous a fait confiance tout de suite.
Et il décide de vous suivre…
Ronan Rivière : Oui, quand je me suis lancé dans la mise en scène avec Le Révizor que l’on avait créé au Petit Louvre, à la Chapelle des Templiers, il nous a proposé d’être en résidence à Versailles.
Ce qui signifie ?
Ronan Rivière : La ville de Versailles met à disposition des locaux gratuitement. En échange, on s’engage à faire des actions scolaires avec des ateliers qui sont en général en lien avec nos spectacles, dans les écoles primaires pour les CM1, CM2. C’est une rencontre où l’on explique certains principes de jeu, où l’on s’amuse avec les enfants et on essaye de leur faire découvrir un répertoire. Versailles est un territoire un peu spécial avec des quartiers très différents. Entre celui de Saint-Louis (près du château) et celui de Montreuil (plus excentré), les cultures, les préoccupations, les ambiances de classe ne sont pas les mêmes. Chaque classe est un nouveau microcosme, une nouvelle rencontre. On participe aussi aux événements de la ville et on est programmé au Mois Molière, le grand festival de juin.
Que représente le Mois Molière pour une compagnie ?

Ronan Rivière : Le Mois Molière est un festival d’amitiés et de fidélité. C’est très formateur de jouer dans un lieu en extérieur, devant un public très nombreux. On est obligé d’aller à l’essentiel. Depuis 2016, j’y ai créé tous nos spectacles comme Le double de Dostoïevski, Le roman de Molière de Boulgakov, La foire de Madrid de Lope de Vega, Le journal d’un fou et les reprises du Révizor et Le nez de Gogol.
Dans des conditions que l’on imagine assez réjouissantes…
Ronan Rivière : Le public versaillais, très fidèle à son festival qui est gratuit, est très bienveillant. Comme cela se déroule en extérieur et en plein jour, il n’y a pas le stress de la lumière ou d’une installation technique un peu plus compliquée.
L’an dernier, le Mois Molière, s’est installé au Carmel à Avignon, créant la continuité d’un label ?

Ronan Rivière : Malgré son emploi du temps très chargé, François de Mazières sillonne tous les ans les rues d’Avignon à la recherche de spectacles pour son festival. Le lien entre Avignon off et Le Mois Molière est un peu sa ligne de programmation. Avignon est une terre de théâtre aussi particulière que celle de Versailles. À la création du Mois Molière, il avait repris les grands axes des débuts d’Avignon, un festival accessible à tous, avec des formes variées, mais intelligentes et qui s’inscrit, avec les compagnies en résidence, dans la durée. Les grands principes du théâtre populaire de Copeau, Vilar…
Vous êtes le déclencheur pour le Petit Louvre… Comment cela s’est-il passé ?
Ronan Rivière : J’ai fait dix saisons au Petit Louvre, dans la chapelle des Templiers. Claude Sévenier et Martine Spangaro, qui avaient dans le passé dirigé le CDN de Sartrouville, y faisaient une programmation que je trouvais intelligente pour Avignon. Ils avaient réussi à mixer des grands noms du théâtre public avec des troupes indépendantes et des grosses productions privées. Ensuite, Jocelyne Langlois a repris le flambeau puis l’a passé à Julien Gelas. Après son départ, préférant se concentrer sur son théâtre du Chêne Noir, les propriétaires du Petit Louvre devaient trouver un nouveau programmateur.
Et c’est là que vous avez pensé à François de Mazières ?
Ronan Rivière : J’aime l’esprit du Mois Molière et celui du Petit Louvre. C’était un mariage idéal à mes yeux. Je savais qu’il venait régulièrement au Petit Louvre et qu’il aimait bien le lieu. Il y avait une cohérence dans l’identité du Mois Molière et celle mise en place par Claude et Martine. François a contacté Sylvie Gourdan, l’une des propriétaires du Petit Louvre. Deux jours plus tard, c’était fait. Il est très impressionnant, il est Maire de Versailles et a une force de travail unique. Il y a deux salles et donc quinze spectacles à trouver.
En habitué des lieux vous y reprenez votre Journal d’un fou mais aussi, et c’est une première, vous y produisez deux spectacles…

Ronan Rivière : C’est bien d’accompagner en coproduction d’autres projets où je ne suis pas metteur en scène. Comme François cherchait des spectacles j’ai pensé à deux camarades de la troupe qui avaient des projets. Il y a Les Dactylos de Murray Schisghal, adapté par Laurent Terzieff, mise en scène par Eric Chantelauze, avec Valentine Revel-Mouroz et Jérôme Rodriguez. Ce dernier, le plus ancien membre de la troupe, rêvait de monter cette pièce depuis l’époque du cours Simon. C’était le moment idéal.
Le second est, Monsieur Jean ou l’homme poubelle de Matéi Visniec, mis en scène par Amélie Vignaux, avec Hassan Tess au jeu. Cela fait dix ans que ce clown formidable le joue dans des bars, des librairies, en extérieur, mais jamais en salle. Donc là aussi, c’est un peu une première. Ils seront programmés en avant-première au Mois Molière afin d’éprouver leurs spectacles.
Cette année, vous créez au Mois Molière votre nouveau spectacle, Les Nuits Blanches de Dostoïevski. Pourquoi ce choix ?
Ronan Rivière : C’est une œuvre qui m’a bouleversé parce que je l’ai trouvée très romantique. C’est l’histoire d’un homme un peu marginal. Il ne parle à personne et son passe-temps est d’observer la vie de Saint-Pétersbourg en déambulant dans les rues. Une nuit il entend une jeune femme qui sanglote. Comme elle se fait embêter par quelqu’un, il se sent obligé d’éloigner l’importun et de lier connaissance avec cette fille. Ce qui est génial, c’est qu’on a vraiment envie qu’ils se mettent ensemble. Il y a quatre nuits et à partir de la troisième nuit, il y a une sorte de mécanique qui se grippe. Et ça tourne au désastre. Sur scène, nous sommes trois, Laura Chetrit et moi-même, accompagnés du pianiste Olivier Mazal qui joue du Rachmaninov. La mélodie va prendre en charge toute la mélancolie, la tristesse. C’est à la fois drôle et tragique.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Le Mois Molière
78000 Versailles
Du 31 mai au 29 juin 2025
Le Mois Molière – Off d’Avignon
L’Ancien Carmel
3 rue de l’Observance
84000 Avignon.
Du 5 au 23 juillet 2025
Le Petit Louvre
23 rue Saint-Agricole
84000 Avignon
Du 5 au 23 juillet 2025
Les Nuits Blanche d’après une nouvelle de Dostoïevski
Les 3 et 6 juin 2025 au Mois Molière
Mise en en scène de Ronan Rivière
Avec Ronan Rivière, Laura Chetrit et Olivier Mazal (piano).
Les dactylos de Murray Schisgal
Adaptation de Laurent Terzieff
Mise en scène d’Éric Chantelauze
Avec Jérôme Rodriguez, Valentine Revel-Mouroz
1er juin 2025 au Mois molière
4 au 26 juillet 2025 au Festival Off Avignon au Petit Louvre (salle Van Gogh)
Monsieur Jean ou l’homme poubelle de Matei Visniec
Mise en scène d’Amélie Vignaux
avec Hassan Tess
14 juin 2025 au Mois Molière
5 au 26 juillet au Festival Off Avignon au Petit Louvre (Salle Van Gogh)
Le journal d’un fou d’après Gogol
Adaptation et mise en scène Ronan Rivière
Avec Ronan Rivière, Amélie Vignaux et au piano Olivier Mazal
Du 5 au 26 juillet 2025 au Festival Off Avignon au Petit Louvre (Chapelle des Templiers)