Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir chorégraphe ?
Pierre Rigal : J’ai d’abord été danseur. Être sur scène, exprimer des émotions et des intentions à travers le mouvement m’animait profondément. Pour continuer à exercer ce métier-passion, j’ai fini par créer mes propres spectacles. Je suis devenu chorégraphe en 2003 avec mon premier solo, Érection.
Dans mes premières pièces, j’étais sur le plateau. Puis, petit à petit, j’ai accepté de ne pas toujours y être. Toutefois, je garde un lien étroit avec la scène : comme pour beaucoup d’artistes, c’est un lieu qui nourrit mon processus créatif. Lorsque je répète avec mes interprètes, j’ai besoin de leur montrer physiquement les choses. Cette double posture me permet de mieux comprendre les enjeux du mouvement, d’affiner ma vision et de guider les danseurs de manière plus organique.
Vous présentez, les 27 et 28 février prochains au Tandem, R.onde.s, votre dernière création. Quelle en est la genèse ?

Pierre Rigal : De façon assez inattendue ! J’animais un stage avec des adolescents et souhaitais explorer la danse-contact. Mais le toucher était compliqué pour eux, sans doute par timidité ou pour des raisons culturelles. J’ai donc simplifié l’exercice en leur demandant simplement de se tenir la main et de former des rondes.
Ce qui devait être un exercice de base s’est révélé extrêmement riche. J’ai perçu un potentiel immense dans cette forme simple et universelle. La ronde est une des figures les plus instinctives, mais elle recèle une infinité de variations, de dynamiques et de configurations. À la fin du stage, je savais que j’en ferais un spectacle. J’ai approfondi mes recherches en observant des pratiques traditionnelles et contemporaines autour de ce motif, ce qui a enrichi mon approche.
Justement, le titre R.onde.s, tel que vous l’écrivez, cache plusieurs significations…
Pierre Rigal : Oui, il y a « ronde », au singulier comme au pluriel, mais aussi « onde ». Cette double approche me plaisait beaucoup. La ronde évoque le collectif, la convivialité, la fête, mais c’est aussi une structure qui génère du mouvement, de la transmission, de l’échange.
L’onde, elle, symbolise une perturbation de l’environnement, une résonance, une propagation. Par ailleurs, la ronde est une forme universelle. Toutes les cultures en ont une trace, depuis l’Égypte ancienne jusqu’aux danses folkloriques modernes. C’est une métaphore du lien humain et du cycle perpétuel des relations. L’idée n’était pas de reproduire des motifs existants, mais d’inventer de nouveaux rituels.
Comment avez-vous travaillé avec vos danseurs ?

Pierre Rigal : En leur donnant des règles d’exploration et des exercices, puis en travaillant ensemble par famille de mouvements. La ronde ouvre un champ très vaste : des danses rythmiques aux formes géométriques plus abstraites.
J’aime cette méthode de création participative, où les interprètes ne sont pas de simples exécutants mais des contributeurs au langage du spectacle. Nous avons beaucoup expérimenté sur la vitesse, la fluidité, les interruptions, les ruptures de rythme, afin de faire émerger un vocabulaire chorégraphique singulier et organique.
En mars, vous présentez également Hasard au Théâtre de la Cité internationale à Paris, une pièce qui explore la perturbation des règles. Quel en est le concept ?
Pierre Rigal : Le hasard est fascinant car il est impossible à définir clairement. On ne peut l’expliquer qu’avec des exemples : une rencontre fortuite, un événement imprévisible qui bouleverse une vie.
La pièce met en scène ces petits accidents qui influencent nos trajectoires. Elle interroge la destinée, le cosmos, voire la notion de divin. C’est une réflexion sur la manière dont nos existences sont tissées d’aléas, sur l’impact d’une décision, d’un mouvement, d’un geste. J’ai cherché à mettre en tension le contrôle et l’aléatoire, la structure et l’accident, pour créer un espace où tout semble pouvoir arriver.
Comment provoque-t-on le hasard sur scène ?

Pierre Rigal : Bonne question, qui a nourri tout le processus créatif ! Puisque le hasard est par définition insaisissable, j’ai imaginé des situations où il semble surgir.
Un élément clé est un ballon de rugby : un objet conçu pour être imprévisible. Contrairement à un ballon rond, il rebondit de manière aléatoire, obligeant les danseurs à s’adapter en temps réel. Il introduit une part d’imprévu qui modifie chaque représentation.
Mais au-delà de cet objet, nous avons mis en place des partitions de jeu ouvertes, où certaines interactions entre danseurs ne sont jamais totalement prédéterminées. Cette part de liberté leur impose d’être dans l’instant, à l’écoute, et de réagir à ce qui se produit sur scène. C’est une manière de chorégraphier l’incertitude.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
R.onde.s de Pierre Rigal
créé le 11 octobre 2024 au Panthéon – Centre des Monuments nationaux dans le cadre des Hors-les-murs de la MC93
Tournée
27 et 28 février 2025 au TANDEM Scène nationale – Douai
01 avril 2025 Au Tanzmainz Festival, Mayence
17 mai 2025 au Château de Chambord en partenariat avec La Halle aux Grains scène nationale de Blois
4 et 5 juin 2025 à L’Estive scène nationale de Foix et de l’Ariège
19 et 20 juin 2025 à la Völklinger Hütte en partenariat avec le Carreau scène nationale de Forbach
28 juin 2025 au Centre culturel R.Desnos / Scène nationale de l’Essonne, Ris-Orangis
29 juin 2025 au Domaine de Chamarande / Scène nationale de l’Essonne
Conception, chorégraphie et mise en scène de Pierre Rigal
Musique originale de Gwenaël Drapeau et Mélanie Chartreux
Avec Ismaël Belabid, Camille Hinsinger, David Mazon, Camilo Sarasa Molina, Maé Nayrolles, Jacob Neff, Léa Pérat, Emma Rouaix
Diffusion son – George Dyson
Création lumières de Christophe Bergon
Collaboration artistique – Roy Genty
Costumes de Pierre-Louis Mascia assisté de Victor Deneumoustier
Hasard de Pierre Rigal
spectacle créé le 7 octobre 2022 au Théâtre Molière de Sète
Tournée
6 mars 2025 à CIRCa, Auch
26 et 27 mars 2025 au Théâtre de la Cité internationale, Paris
Conception de Pierre Rigal
Avec Yohann Baran, Clara Bessard, Carla Diego, Camille Guillaume, Mathilde Lin, Elie Tremblay
Musique de Gwenaël Drapeau
Lumières de Frédéric Stoll
Collaboration artistique – Roy Genty, Mélanie Chartreux, Antoine Terrieux et George Dyson