La Suisse, ses verts pâturages, le lac Léman, le chocolat, Genève, Lausanne et le suicide assisté. De l’autre côté des Alpes, depuis 1942, il est possible sous certaines conditions extrêmement strictes de mourir dans la dignité. Chose impossible pour l’instant chez nous en France, la loi devant légiférer sur l’euthanasie ayant été suspendue avec la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. En portant au plateau le documentaire de Fernand Melgar, Charles Templon propose une réflexion sur le sujet à partir de faits concrets qui sont autant d’histoires réelles et fictionnées.
Ils sont cinq sur scène et vont alternativement jouer plusieurs rôles. Aidants, accompagnants, famille ou malades, ils donnent corps à des récits de vie humains et singuliers. Il y a tout d’abord cette dame au corps douloureux (admirable Nanou Garcia) qui n’en peut plus de souffrir, qui demande qu’on l’aide à partir, doucement, entourée des siens, c’est-à-dire sa dame de compagnie et ses orchidées. Ensuite, ce jeune Français d’une trentaine d’années (troublant Benjamin Gauthier) touché par la maladie de Charcot, qui refuse que sa mère le voit dépérir. Enfin, cette jeune femme atteinte de sclérose en plaques (excellente Lucie Gallo), amoureuse du médecin (détonnant Philippe Awat) qui l’accompagne en douceur vers son éternel repos.
En face, il y a tous ces bénévoles, qui offrent du temps contre la souffrance, contre ces maux qui rongent, bouffent, détruisent et qui deviennent insupportables, invivables. La doyenne qui boit et prend des antidépresseurs pour ne pas perdre pied. Le coordinateur qui danse le soir face à un miroir pour ne pas se confronter à sa solitude. Manu (lumineuse Marie-Sohna Condé), la gentillesse même, mais qui lutte contre un cancer du sein. Le médecin, un peu bourru, toujours pressé. Et la dernière, une future maman, un peu gauche mais tellement serviable.
Exit n’est ni un plaidoyer, ni une apologie du suicide assisté. C’est une fiction réaliste drôle, touchante, émouvante, qui donne à réfléchir. Adapté avec intelligence et un humour salvateur par Karine Dubernet et Benjamin Gauthier, le documentaire de Fernand Melgar touche au plus juste, à l’humain, et interpelle sur l’absolue nécessité de penser autrement le droit à mourir dans la dignité. Mise en scène ciselée, décors ad hoc et jeux précis, troublants, la nouvelle pièce de Charles Templon est une belle réussite : un coup de cœur de ce Off 2024.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Exit d’après le documentaire de Fernand Melgar
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014 Paris
Du 5 au 23 novembre 2024
Durée 1h25
Festival off d’Avignon
Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Saïn
84000 Avignon
à 13h20 du 4 au 20 juillet – les jours pairs
Durée 1h15
Mise en scène Charles Templon assisté d’Alexandre Paradis
Avec Philippe Awat, Suzanne de Baecque en alternance avec Lucie Gallo, Marie-Sohna Condé, Nanou Garcia et Benjamin Gauthier
Adaptation Karine Dubernet et Benjamin Gauthier, d’après le documentaire de Fernand Melgar
Lumières de Loris Gemignani
Régie Générale – Thomas Guiral
Costumes d’Alma Bousquet et Charles Templon
Son de Camille Vitté
Scénographie de Charles Templon, Caroline Decroix et Camille Perrotin
Construction d’Atelier Omnicolore