Until We Sleep, Botis Seva © Tom Visser
© Tom Visser

« Until We Sleep », le monde en clair-obscur de Botis Seva

Pour sa deuxième venue en France, le jeune chorégraphe anglais présente une nouvelle création qui creuse le sillon de son premier opus dans ses forces comme dans ses faiblesses, peuplant la scène du Théâtre de la Ville de guerriers à plumes.

1h02 : le programme de salle du Théâtre de la Ville affiche la durée d’Until We Sleep avec une précision d’horloger suisse. On comprendra que le calcul n’est pas seulement dû à l’extrême discipline des danseurs du collectif Far From The Norm. C’est aussi que la bande-son, une fois lancée, ne s’arrêtera qu’avec le baisser de rideau, et qu’elle régira toute la pièce de son ordre de marche électrique.

Ainsi est pensée la danse de Botis Seva : efficace, millimétrée, boostée par une musique sans répit (Torben Sylvest) où les accents de dark jazz côtoient des percussions martiales. En France, on connaissait ce nom pour avoir vu à Points Communs BLKDOG, déflagration d’images traumatiques, mais ultra-stylisées dans une chorégraphie faite d’influences break et krump sur un mode danse-théâtre (la pièce sera à l’affiche du Festival de Marseille cet été). Aux Abesses, le chorégraphe anglais élevé dans la banlieue londonienne revient pour affirmer son style. Et si les premières minutes suggèrent une composition ouverte à d’autres vents imaginaires, cette nouvelle pièce s’articule ensuite sur un mode allégorique, esquissant un embryon de récit entre la dystopie en milieu naturel de Hunger Games et le conte fantastique.

Until We Sleep, Botis Seva © Tom Visser
© Tom Visser

S’il ne dure qu’une heure, le spectacle est ample, maximaliste, et fait naître de nombreux tableaux, sombres et graves. On distingue une héroïnes et des guerriers ; les humains se voient pousser des plumes et des figures de cauchemar disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues. Mais ce que le chorégraphe conforte en ambition dramatique et en maîtrise chorégraphique, il le perd ici en clarté. Les corps dansent, et ils dansent même très bien : les danseurs de Far From The Norm sont particulièrement habiles. Mais ils sont masqués par les costumes, condamnés à la pénombre et noyés dans une machine scénique qui tourne parfois au son et lumière.

Il ne fait aucun doute que cet artiste formé au break cultive une vraie singularité dans sa chorégraphie, dans cette danse spasmodique et expressive qui animalise volontiers le corps et tire ses influences de danses urbaines à la force du narratif. Mais c’est précisément sur ce dernier point que le muscle faiblit, et le spectacle a beau déployer une certaine efficacité esthétique, celle-ci ne compense pas les errements dramaturgiques, sauf par instants, quand est assumée par exemple la théâtralité d’un dialogue où les mouvements remplacent les mots, suivant une grammaire qui leur est propre. C’est là, quand une simple vision réussit à contenir un tout un univers imaginaire, que l’identité artistique de Botis Seva se fait vraiment jour.


Until We Sleep de Botis Seva
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
Place des Abbesses, 75018 Paris
Du 4 au 7 juin 2024
Durée 1h02

Direction & chorégraphie Botis Seva
Avec Shangomola Edunjobi, Jordan Douglas, Larissa Koopman, Joshua Nash, Rose Sall Sao, Botis Seva, Victoria Shulungu, Joshua Shanny Wynter
Lumière Tom Visser
Composition musicale Torben Sylvest
Costumes Ryan Dawson-Laight
Direction des répétitions Hayleigh Sellors
Musique Omar Aboreeda, Kevin Allison, Chief Chebe, Charlotte Clark, Coll Daniels, Moustaha Gadiaga, Mohamed Gueye, Erick Mauricia, Gideon Ohene, Paul Shofolahan, Teodor Sjöqvist, Norman Willmore
Mixage & Mastering Pär Carlsson Décor Matter Design

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