Le Cabaret de la Rose Blanche de Radhouane El Meddeb © Agathe Poupeney
Le Cabaret de la Rose Blanche de Radhouane El Meddeb © Agathe Poupeney

Au « Cabaret de la Rose blanche », la gravité sous les paillettes

Créée au Manège de Reims, la dernière pièce de Radhouane El Meddeb a fait escale à June Events. Dans cet espace hors du temps, dans une ambiance à la fois festive et mélancolique, le chorégraphe évoque en musique, en mots et en danse le chagrin de l’exil.

Bienvenue au Cabaret de la Rose Blanche ! Bienvenue dans une bulle où chacun oublie vite où il se situe, mais pas où il est né. Bienvenue. L’interjection revient souvent. Qu’est-ce que souhaiter la bienvenue à quelqu’un ? Comment lui faire bon accueil ? Il est bon de se répéter ce mot, en apparence anodin, promesse faite à tous les exilés, tous ceux qui fuient leur pays en quête d’un havre de paix et de sécurité et d’une nouvelle vie.

Le Cabaret de la Rose Blanche de Radhouane El Meddeb © Agathe Poupeney
© Agathe Poupeney

Bienvenue dans la nouvelle pièce du chorégraphe Radhouane El Meddeb qui renoue ici avec l’une de ses sources d’inspiration préférée : la culture méditerranéenne. Le Cabaret de la Rose Blanche renvoie au film égyptien éponyme de 1933, mais également à un mouvement allemand de résistance au nazisme apparu en 1942. « Cette double référence donne donc la couleur d’un cabaret qui rend hommage à la liberté joyeuse d’une époque et s’inscrit en résistance contre l’obscurantisme d’aujourd’hui. » Selon la note d’intention du chorégraphe, « il transcrit également cette dimension nostalgique mais pleine d’espoir, le rôle de l’art comme discours politique et socia.l »

Pièce pour six interprètes, trois danseurs, une chanteuse et deux musiciens, Le Cabaret de la Rose blanchenous prend dans ses filets grâce à ces présences au plateau. Impériale, digne héritière des magnifiques divas, Saliha, Fairuz ou Dalida, dont elle convoque la mémoire, la chanteuse tunisienne Lobna Noomene rayonne. Sa voix troublante nous conte des récits d’âmes tourmentées par le chagrin, ce poison lent qui tue en secret lorsque « [la] terre s’éloigne un peu plus chaque jour. »

Le Cabaret de la Rose Blanche de Radhouane El Meddeb © Agathe Poupeney
© Agathe Poupeney

Comme antidote, Radhouane El Meddeb invente un spectacle festif et généreux. Ici, on salue la joie d’être ensemble, de boire du champagne dans l’outrance, l’extravagance et le burlesque tout en égrenant la prose poétique de Marianne Catzaras. Le contrebassiste a une rose rouge piquée au-dessus de la tête, les danseurs se déplacent crânement en faisant voleter leurs épaulettes à franges et en rajustant leur perruque à fleurs ou leurs lunettes roses. Mais le souvenir des «  cartes d’identité sans nom rejetées par la mer » affleure à tous moments.

Créé au Manège de Reims dans un dispositif circulaire, Le Cabaret de la Rose blanche, perd-il de sa magie, présenté dans une version frontale ? Même pas… Ce cabaret est celui du partage et non du repli sur soi, de l’ouverture à la différence. La bouleversante reprise de Lettre à France de Polnareff par le vibrionnant Selim Arjoun s’éclaire d’une dimension nouvelle et nous accompagne longtemps après être sorti de ce cabaret.


Le Cabaret de la Rose blanche de Radhouane El Meddeb
Vu au Théâtre de l’Aquarium – Atelier de Paris / CDCN dans le cadre du festival June Events – du 22 mai au 8 juin 2024
Durée : 1h15

Tournée
Les 25 et 26 mars 2025 au Cent-Quatre à Paris.

Conception et chorégraphie de Radhouane El Meddeb
Création musicale de Selim Arjoun
Ecriture des textes de Marianne Catzaras
Interprètes danse, chant et musique : Selim Arjoun, Radhouane El Meddeb, Philippe Lebhar, Guillaume Marie, Lobna Noomene, Sofiane Saadaoui
Collaboration artistique – Philippe Lebhar
Création costumes – Sari Brunel
Création lumières et direction technique – Manuel Desfeux
Régie Son: Clément Baysse

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com