Véritable référence pour la jeune génération de circassiens, le label Circusnext, actuellement dirigé par Sabrina Abiad, regroupe une vingtaine de partenaires dans toute l’Europe. Il a pour principale mission de repérer de nouveaux artistes, de mettre en lumière la singularité des projets et de favoriser l’éclosion d’écritures novatrices. Chaque année, au printemps, un temps fort est organisé au Théâtre de la Cité internationale afin de mettre en lumières une étape de travail des quatre lauréats, fruit d’un long travail de repérage et d’une sélection drastique sur plus d’une centaine de candidatures.
À voir la foule qui se masse dans le hall du théâtre, il est clair que le cirque contemporain est en pleine explosion. En hybridant les arts et en se féminisant — sur les huit auteurs présents ce soir, six sont des femmes —, la discipline, qui a su se renouveler, offre à voir une diversité d’univers et une inventivité des esthétiques allant d’un jeu d’ombres et lumières subtil à une ambiance très granguignolesque. En plein processus créatifs, les quatre formes courtes présentées ne sont qu’un avant-goût des spectacles qui verront le jour dans les deux ans à venir.
En apesanteur
Le Bruit des Pierres de la compagnie Maison Courbe ouvre le bal. Entre suspension et rituel, Domitille Martin, plasticienne, et Nina Harper, danseuse brésilienne, habitent l’espace, l’une en prenant soin des pierres qui jonchent le sol, l’autre pour s’en servir d’agrès et virevolter dans les airs. Le duo, dirigé par Ricardo Cabral, s’amuse des équilibres et se sert des propriétés de chaque élément utilisé — le poids des pierres, les propriétés statiques de l’or, etc. — pour imaginer une performance sur le lien fragile qui unit l’homme et la nature qui l’entoure.
Autre salle, autre ambiance : avec Là où la nuit n’est pas si loin puisque le jour s’en va déjà, Noa Aubry invite à se laisser porter par l’hypnotique mouvement des vagues. S’appuyant sur les propriétés de la roue allemande et sur un effet de son étouffé de rave party, la jeune circassienne travaille sur la résistance de l’air et sur l’itération des mouvements. Semblant surfer sur les planches, elle esquisse une première création certes très classique, mais qui n’a pas dit son dernier mot.
Au corps de l’absurde
Après une petite pause, il est temps de découvrir Saucisson des Lituaniennes Elena Kosovec et Izabele Kuzelyte. Rien que le titre a de quoi faire attiser les curiosités. Emballées dans des sacs plastiques, les deux circassiennes, suspendues dans les airs, n’ont pas fini de nous surprendre. Entre absurdité des temps présent et surréalisme d’une fin de soirée, l’une grimace tout en simulant un état d’ébriété avancé, l’autre, le corps ultra-souple, semble incapable de tenir debout. Drôle et décalée, leur proposition, bien qu’inaboutie, a de quoi séduire et faire saliver les appétits de découverte.
Venus d’Espagne, Vinka Delgado et Diego Hernando font souffler sur la scène de la galerie un vent de folie. Fragmentos dessine par fragments un portrait de femme entre fantasme et réalité, entre sensualité et maternité. Divisé en morceaux, le corps démultiplié de s’expose dans la lumière entre violences subies, injonctions des normes et tendance à l’automutilation. Ce spectacle à dominante noire, dont nous n’avons vu qu’un teaser, s’annonce comme une petite merveille tant l’esquisse, déjà, est aboutie. Affaire à suivre à l’automne 2025 !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Circusnext Révélations 2024
Théâtre de la cité internationale
21 A Bd Jourdan
75014 Paris
jusqu’au 6 juin 2024
