Que sur toi se lamente le Tigre d'Emilienne Malfatto, Mise en scène d'Alexandre Zeff © Victor Tonelli
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Que sur toi se lamente le Tigre, le théâtre d’impression d’Alexandre Zeff

Aux Célestins, avant d'investir la Tempête, Alexandre Zeff présente son adaptation opératique de Que le tigre sur toi se lamente d'Emilienne Malfatto.

Que sur toi se lamente le Tigre d'Emilienne Malfatto, Mise en scène d'Alexandre Zeff © Victor Tonelli
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Adapter un roman au théâtre, lui donner vit sur les planches, n’est jamais chose aisé. Après avoir brillamment donner corps en septembre 2021, à l’œuvre de Nathacha AppanahTropiques de la violenceAlexandre Zeff s’attaque cette fois au prix Goncourt du premier roman 2021, Que sur toi se lamente le tigre d’Emilienne Malfatto. Présentée aux Célestins – Théâtre de Lyon avant d’investir le théâtre de la Tempête à Paris, cette nouvelle création esquisse une fresque humaine, l’histoire trop courte d’une enfant, tout juste devenue femme, dans l’Irak rurale d’hier comme d’aujourd’hui. 

Dans un pays en guerre, au bord du Tigre, une jeune fille (Lina El Arabi, découverte au théâtre en 2017 dans Mon Ange d’Henry Naylor) insouciante aime à se promener. Les cheveux au vent, elle se laisse porter par ses envies. Pour la première fois, le sang coule entre ses jambes. C’est le début de la fin. Comme sa mère et sa grand-mère avant elle, c’est derrière une abaya, un immense voile noir, que sa vie se résume. Amoureuse d’un voisin, elle franchit le plus grand des interdits, une relation hors mariage. Enceinte, elle ne peut cacher son état. Son amant décédé sous les bombes, elle doit faire face à ses juges, ses bourreaux, sa propre famille. L’issue ne peut être que fatale. Ayant souillé l’honneur des siens, seule sa mort peut les sauver tous de l’opprobre. Morte avant d’avoir vécue, elle hante le plateau tel un spectre vivant. Courageuse, elle affronte la ronde de ses proches, leurs reproches, leur incapacité à enrayer la mécanique implacable d’une tradition séculaire où le destin des femmes ne tient qu’au bon vouloir des hommes. Bientôt rayée du monde et des mémoires, elle aborde la mort, celle de son enfant à naître avec autant de rage que d’abnégation. 

À gros renfort d’effets visuels et sonores, trop certainement, Alexandre Zeff donne corps de manière opératique aux mots d’Emilienne Malfatto. Se glissant dans l’œuvre fragmentée, la déclinant en multiples tableaux, il signe une mise qui emprunte aux impressionnistes la fugacité de l’instant, l’instantanéité du moment. Faiseur d’images d’une rare beauté, il saisit le spectateur par un travail musical envoûtant et par un jeu de lumières – alternant les clairs-obscurs et les flashs stroboscopiques – qui sculpte l’espace, le cisèle pour mieux enfermer la jeune fille dans l’étroitesse de son existence. Bien qu’il nous invite à pénétrer dans l’intimité d’une société totalement repliée sur elle-même, le metteur en scène n’arrive pas faute d’un souffle véritablement tragique à incarner le drame humain qui se joue au plateau. Plus plastique que théâtrale, son adaptation de Que sur toi se lamente le Tigre perd en émotion ce qu’elle gagne en esthétisme ! 


Que sur toi se lamente le tigre d’après le roman d’Emilienne Malfatto
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie – Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris.
Du 12 janvier au 11 février 2024.
Durée 1h15.

Création au théâtre Les Célestins – Théâtre de Lyon
4 rue Charles Dullin
69002 Lyon
jusqu’au 6 décembre 2023.

adaptation et mise en scène d’Alexandre Zeff
avec Lina El Arabi, Nadhir El Arabi, Hillel Belabaci, Amine Boudelaa, Afida Tahri, Mahmoud Vito, Myra Zbib
Musiciens – Wassim Halal et Grégory Dargent

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