Arthur Amard ©Manon Aubel
©Manon Aubel

Arthur Amard, la fièvre de jouer

À l'affiche du Maif Social Club dans le "Beau Monde", un rituel méta-théâtral qu'il co-signe, le comédien Arthur Amard se livre.

Arthur Amard ©Manon Aubel

Dans Le Beau Monde, qu’il co-signe avec Rémi Fortin, Blanche Ripoche et Simon Gauchet, Arthur Amard est l’un des meneurs d’un rituel théâtral aussi conceptuel que burlesque. Volontiers hagard mais toujours précis, ce comédien, également vu chez Pierre Maillet ou chez le duo Vigier-Di Fonzo Bo, se livre, quelques jours avant la reprise de la pièce au Maif Social Club.

© Manon Aubel

©Manon Aubel

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Sans certitude sur la chronologie c’est ce souvenir qui me vient : Je devais avoir six ou sept ans quand j’ai vu Le Roi Grenouille dans le petit Théâtre du Moulin de Toul. Je me souviens d’un élan de folie et de liesse dans la salle quand la comédienne s’est retournée, a baissé son pantalon et a mis une petite couronne par-dessus ses fesses pour interpréter le roi grenouille.

Le Beau Monde d'Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet, Blanche Ripoche ©Mohamed Charara
© Mohamed Charara

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
À l’adolescence, j’aimais très fort le théâtre, en voir ou en jouer. J’avais déjà pleuré quelques fois de joie, en tant que spectateur. Et comme acteur, j’avais beaucoup de plaisir et — ce fut très important comme déclencheur, je pense — on m’avait parfois encouragé par quelques compliments. Alors, quand il a fallu choisir une voie d’études, j’ai choisi de d’essayer de devenir comédien professionnel. J’ajouterais que c’est aussi, en grande partie, un désir de célébrité et de réussite sociale qui m’a nourri, au départ. Avec le recul, je trouve que c’est un bien triste désir. Se sentir aimé et respecté dans son travail, d’accord, mais j’espérais encore secrètement être meilleur que les autres, me servir du théâtre pour monter dans la hiérarchie sociale : dominer. Petit à petit, avec le temps, la réflexion et un entourage chaleureux, ça a tendance à passer. Mais c’est quand même bien du boulot de se départir de ce genre de fantasmes compétitifs et usants dans une société qui les encourage.

Quel est le premier spectacle auquel vous avez participé ? Quel souvenir en retenez-vous ?
Je jouais le fils d’un couple qui se retrouvait par miracle à la fin d’une pièce dont je ne me souviens plus du nom, montée par des jeunes de mon village. J’avais neuf ans et je devais dire que j’en avais sept. Je me souviens de l’envie de rire et du petit frisson qui me prennait quand je « mentais » pour la fiction. J’avais aussi passé toute la pièce à attendre dans un courant d’air dans la petite coulisse de la salle des fêtes. Je suis tombé malade, j’avais trente-neuf de fièvre en sortant de scène. J’avais mis un pied dans ce drôle de métier qui consiste à se rendre malade pour mentir très sérieusement et raconter des histoires à la communauté.

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’hésite entre Einstein on the Beach de Bob Wilson et Letzlove de Pierre Maillet, ou encore Rakatakatak de Logan De Carvalho. En fait, ça dépend des jours. Je crois que ce qui me touche dans les deux derniers, c’est la simplicité du dispositif théâtral en regard de la grande intensité émotionnelle qu’il convoque. Et peut-être tout à fait l’inverse pour Einstein on the Beach : un dispositif démesurément raffiné qui s’achève sur le récit d’une déclaration d’amour simplissime.

Le Beau Monde d'Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet, Blanche Ripoche ©Mohamed Charara
©Mohamed Charara

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Celles que je n’attendais pas.

En quoi votre métier est-il essentiel à votre équilibre ?
Je dirais plutôt, au contraire que mon métier me déséquilibre : il me perturbe, me fatigue, me déplace. Ce qui est, dans une certaine mesure, une chose appréciable.

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les gens avec qui je vis.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Elle me fascine, comme un lieu de pouvoir. Elle me fait un peu peur, comme un lieu de pouvoir. « Pouvoir » est aussi à lire comme le verbe : la scène est un lieu où l’on peut beaucoup.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je dirais que c’est toujours pareil : ça dépend. Dans les jambes peut-être.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Des musicien·nes baroques.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Monter Bizarra de Spregelburd avec la compagnie de la Dernière Baleine et le Théâtre des Lucioles. C’est une série théâtrale de dix épisodes qui nécessite environ quatre-vingt acteur·ices.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un poème de Flora Souchier.

Lire ici notre critique du Beau Monde

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore et Samuel Gleyze-Esteban

Le Beau Monde d’Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet et Blanche Ripoche
Prix impatience 2022
Maif Social Club

37 rue de Turenne, 75003 Paris
du 2 au 4 novembre 2023

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