Gimme a break !!! de Baptiste Cazaux - © Nelson Schaub

La Bâtie, un festival des singularités

À la Bâtie, Baptiste Cazaux et Sarah Calcine présentent deux créations étonnantes qui entrent en résonnance avec l'ADN du Festival.

Au cœur de la ville, au pied de la colline sur laquelle s’érige la Cathédrale Saint-Pierre, haut lieu du calvinisme genevois, presque caché dans un coin de la place de Madeleine se trouve l’Abri, lieu singulier, qui accompagne depuis 2015 des artistes émergents. Cette énorme cellule de béton, composée de plusieurs alvéoles et qui fut longtemps un abri aérien, destiné à protéger des milliers habitants en cas de conflit armé, s’est transformée, sous l’impulsion de François Passard, ancien danseur de Béjart, en un espace culturel pour jeunes talents. C’est donc logiquement que Baptiste Cazaux, Bayonnais de vingt-six ans installé depuis une poignée d’années à Genève et soutenu par le Klap de Marseille, présente sa nouvelle création, Gimme a Break !!!. Soit un solo électro-survolté où le corps rentre en résonance avec le son. 

En quête de catharsis…
Gimme a break !!! de Baptiste Cazaux © Julie Folly
Gimme a break !!! de Baptiste Cazaux © Julie Folly

Au centre d’un espace pensé en quadri frontal, la scène est nue. Rien ne présage de ce qui attend le public. Assis sur les gradins, un jeune homme, cheveux péroxydés coupés ras, chemise rayée large et slip noir, prend possession de l’espace. Gestes précis, regard déterminé, il s’empare d’un haut-parleur portatif, le place sur le plateau, le branche et écoute le son qu’il produit. Puis recommence avec un autre baffle. Et ainsi de suite, il place six de ses instruments et observe la manière dont ils se répondent, dont le son circule dans l’espace. Il cherche la bonne combinaison, la bonne rythmique, celle qui le fera vibrer.

Pris d’une sorte de transe, il répète à l’infini le même mouvement, buste plié rapidement vers l’avant, mains glissant sur ses cuisses tendues. Imperceptiblement, des variantes apparaissent. Le geste est rapide, l’exécution change de direction. Comme traversé par une musique qui se fait de plus en plus pulsative, il habite la scène. S’inspirant autant d’une grammaire techno que de pratiques méditatives permettant l’oubli de soi dans l’itération, Baptiste Cazaux lâche prise avec le réel et se laisse porter par une force qui l’emporte au plus près de ses aspirations spirituelles. L’objet qui s’en dégage est une sorte d’ovni performatif, qui distille sa puissance vitale, complexe, sur le long cours. Un artiste singulier à suivre…

L’absurdité du monde dans une caravane
Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van den Berg, mise en scène Sarah Calcine © Rebecca Bowring
Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van den Berg, mise en scène Sarah Calcine © Rebecca Bowring

Loin de Genève, de l’autre côté de la frontière, à Ville-la-Grand, sur un parking quasi désaffecté, un vieux camping-car abandonné sert de terrain de jeu de Sarah Calcine, dont la compagnie Boule à facettes est basée à Lausanne. S’inspirant du road-movie de Ridley ScottThelma et Louise, elle porte au plateau le texte étonnant de Magne van den Berg et signe un spectacle décalé, hyper référencé, qui invite à partager une journée particulière de deux femmes en cavale totalement déconnectées du monde extérieur. 

Humour pince-sans-rire, présences évanescentes, dialogues sans queue ni tête, non-jeu donnent à cette fable contemporaine des airs de folle absurdité. Avec intelligence et ingéniosité, la jeune metteuse en scène n’hésite pas à perdre le spectateur pour mieux le rattraper plus tard. Enchaînant les saynètes, elle invite à travers ces deux portraits de marginales, à sentir le pouls du monde, sa course vers le néant. Porté par deux comédiennes épatantes, Barbara Baker et Jeanne De Mont, et malgré quelques creux dans la rythmique, Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas séduit par son charme désuet autant que déjanté. Clairement, c’est une œuvre qui sort de l’ordinaire et qui donne à la banalité des échanges du quotidien des airs d’extraordinaire… 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Genève 

La Bâtie
Du 31 août au 19 septembre 2023 

Gimme a break !!! de Baptiste Cazaux
Musique d’Être Peintre
Son de Gaspard Perdrisat
Lumière  de Justine Bouillet
Assistanat – Lisa Laurent
Dramaturgie de Johanna Hilari

Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van den Berg
Traduction d’Esther Gouarné
Mise en scène de Sarah Calcine assistée de Chloë Lombard
Avec Barbara Baker et Jeanne De Mont
Scénographie & lumière de Victor Roy
Son – musique de Fernando De Miguel
Costumes d’Augustin Rolland
Coiffure et maquillage deKatrin Zingg
Accessoires de Janice Siegrist

 

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