Quel est votre lien avec ce lieu ?
Kylie Walters : Mon histoire avec Sévelin 36 remonte à la décennie où j’étais danseuse et chorégraphe en Suisse, entre 1995 et 2005. J’y ai performé, produit mes créations et même remplacé une interprète au pied levé dans une création de Philippe Saire. À cette époque, dans le cadre du Programme Commun, un festival lausannois regroupant plusieurs structures culturelles de la ville, dont la dernière édition a eu lieu l’an passé, je présentais aussi des concerts punk dansés avec mon groupe appelé Mutant Slappers & the Planet Bang.
C’est un espace qui a toujours résonné profondément en moi. J’ai aussi souvent assisté à des spectacles et participé à des jurys, notamment avec Patrick De Rham, actuel directeur de l’Arsenic. Lorsque l’annonce du poste de direction est sortie, plusieurs collègues m’ont encouragée à postuler. Le timing était parfait, j’ai saisi l’opportunité.
Comment définissez-vous l’identité du Sévelin 36 ?

Kylie Walters : Ce n’est pas un simple théâtre, c’est avant tout un lieu de création. Nous accueillons une cinquantaine de résidences par an, ce qui en fait un espace essentiel pour le développement des artistes émergents et émergentes notamment. Avec trois espaces – le théâtre, le grand studio l’Annexe 36 et la mini-annexe – nous pouvons offrir un accompagnement sur mesure. Nous avons aussi un programme d’artistes associés, qui sont souvent en début de carrière, mais pas uniquement. Depuis 2024, nous soutenons les parcours d’Auguste de Boursetty, Mamu Tshi, David Zagari, Oscar M. Damianaki, lisa laurent, Mathilde Invernon et Géraldine Chollet. Il y a aussi des compagnies en résidence, dont celle de Philippe Saire, qui est résidente permanente.
Quel rôle joue Sévelin 36 dans le paysage de la danse contemporaine en Suisse ?
Kylie Walters : Le lieu a toujours été un tremplin pour de nombreux artistes émergentes. Des chorégraphes comme Mélissa Guex ou Baptiste Cazaux ont débuté ici via la plateforme des Quarts d’heure. C’est un format court, 15 minutes, qui permet aux artistes de tester des idées dans un cadre bienveillant. Beaucoup de chorégraphes passés par ce programme ont ensuite été repérés et accompagnés par d’autres institutions. Cette dynamique est essentielle pour la scène suisse contemporaine.
Vous venez de programmer votre premier Festival du Printemps de Sévelin. Quels sont vos choix artistiques ?

Kylie Walters : J’ai voulu mettre en avant des artistes qui interrogent les traditions et les réinterprètent. Par exemple, en ouverture, nous démarrons avec une Carte blanche spécialement créée pour Sévelin 36 par Soa Ratisfandrihana et son équipe artistique. Le lendemain, nous présenterons sa pièce de groupe – Fampitaha, fampita, fampitàna en partenariat avec l’Arsenic sur leur grand plateau. Ensuite, Johanna Heusser questionne la lutte suisse, une pratique à la fois physique et chargée d’un héritage masculiniste. La Chachi, elle, revisite le Flamenco d’un point de vue féministe. Tom Cassani, un magicien-performeur, déconstruit la prestidigitation dans une réflexion chorégraphique et philosophique.
La pièce MEGASTRUCTURE de Sarah Baltzinger et Isaiah Wilson explore la relation humaine à travers le mouvement, en silence, sans musique. C’est une proposition radicale qui repousse les limites de la danse. Puis nous accueillons aussi Bless this mess de Katerina Andreou. L’idée est autant de mettre en lumière nos artistes associé·x·es que de permettre au public d’avoir un éventail de ce qui se fait de plus enthousiasmant aujourd’hui sur la scène contemporaine.
Vous lancez en juin un nouveau festival, MAGMA. Pouvez-vous nous en parler ?
Kylie Walters : MAGMA est pensé comme un moment de rencontre entre la création contemporaine et les pratiques urbaines. Nous allons proposer trois jours de danse en plein air avec DJ sets, barbecues, performances et workshops. L’idée est d’inclure tout le monde : les personnes professionnelles, amatrices et curieuses.

Nous avons un projet avec les étudiants et les étudiantes en ingénierie de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne), qui travailleront avec des chorégraphes pour créer une forme improvisée. Nous aurons aussi Like a Woman, un battle géant dédié aux femmes dans le Krump porté par notre artiste associée Mamu Tshi, une scène ouverte pour jeunes performers et des mini-MAGMA (éruptions dansées) de nos artistes associés. C’est une façon de célébrer la danse dans toute sa richesse et son potentiel de créer du lien.
Sévelin est donc en train d’évoluer sous votre impulsion. Quelle est votre vision à long terme ?
Kylie Walters : Je veux que Sévelin 36 soit un lieu vivant, ouvert et inclusif. Il doit être un espace où l’on crée, où l’on se rencontre, où l’on danse. Mon but est d’accentuer cette double identité : un lieu de création pour les professionnels, mais aussi un espace où les publics peut pratiquer et s’approprier la danse. Nous avons déjà mis en place les Samedis de Sévelin, qui permettent aux spectateurs de devenir danseurs ou danseuses le temps d’une journée. C’est ce genre d’initiatives qui, je l’espère, rendront Sévelin 36 encore plus dynamique, ouverte, et accessible à tout le monde.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Printemps de Sévelin
Sévelin 36
Avenue de Sévelin 36
CH-1004 Lausanne
Du 5 au 23 mars 2025