Mónica Mojica est une toute jeune artiste, issue de l’école Lecoq. Avec sa compagnie Horizontal – Vertical, la metteuse en scène et scénographe présente, à l’Artéphile, dans le cadre du festival Off d’Avignon, un spectacle bouleversant sur le parcours d’une grande humaniste.
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Le spectacle porte ce titre étrange, Even elephants do it — « même les éléphants le font ». Mais que font-ils donc de si particulier, ces pachydermes ? Et bien, ils veillent leurs morts, et savent consoler du deuil. Je vous entends vous écrier : Comme nous ! Mais sommes-nous bien certains, nous, de savoir prendre soin de ceux qui vont mourir ?
Ô Sida, Sid’amour à mort
Quel est le rapport avec Cécile Winter ? Son empathie envers tous les malades du Sida. À l’époque où les « sidamnés », pour reprendre le mot de Barbara, mourraient abandonnés de tous, cette médecin au caractère bien trempé et à l’esprit politique aiguisé, a mené un remarquable combat. En tant que femme, il lui en fallait, de la force et du courage, pour se faire entendre. Elle était un médecin au service du « peuple », qui connaissait tout de ses patients et qui se démenait, au-delà de ses fonctions, pour leur bien-être. Elle a eu d’autres chevaux de bataille : la cause des laissés-pour-compte de la société, des travailleurs immigrés, des précaires. En découvrant son parcours, on se dit qu’il est vital que de tels personnages soient panthéonisés par la grâce du théâtre.
Au service de l’histoire
Nous avons découvert le spectacle en mars, à sa sortie de résidence. La peinture était encore fraîche et les encoignures restaient à raboter. Il n’empêche que malgré de petites failles, la quintessence était là ! En partant de longs entretiens qu’elle a échangés avec cette femme extraordinaire, Mónica Mojica a tissé un spectacle original et transdisciplinaire, où s’allient projections de vidéo (images d’éléphants d’abord, puis de l’Afrique), voix off (celle de Winter), théâtre radiophonique (jeu au micro, bruitage en direct).
Dans une belle rythmique, jouant avec ces effets scéniques, les comédiens et comédiennes incarnent une quarantaine de personnages, faisant ainsi revivre devant nous le quotidien du personnel hospitalier, des malades, des personnalités de l’époque. Cette partie est passionnante. On y découvre tous ces combats contre la maladie et contre l’ignorance qui furent menés à cette époque. Avec au final, ce terrible constat, que l’Afrique, délaissé par le lobby des laboratoires pharmaceutiques, se meurt.
Le collectif au cœur
On s’approche du théâtre-documentaire. Néanmoins, la poésie dramaturgique qui s’échappe de ce spectacle nous ramène toujours à l’acte théâtral. Mónica Mojica aime le collectif, et pour elle, l’écriture au plateau a toute sa place dans la construction de ses spectacles. À partir des textes qu’elle a coécrits avec Antoine Voituriez, les comédiens et comédiennes se sont emparés des mots et des images. Ensemble, ils font défiler notre histoire, celle de cette fin de XXe siècle et de ce début du XXIe, avec ses échecs, ses abandons, ses incohérences. Ça fait réfléchir, ça fait mal, mais l’humanité peut être sauvée, car des gens comme Cécile Winter existent encore.
Marie-Céline Nivière
Even elephants do it de la Cie Horizontal – Vertical
Festival Avignon Off
L’Artéphile
5 bis – 7 rue Bourg Neuf
84000 Avignon.
Du 07 au 26 juillet 2023 à 11h30, relâche les jeudis 13 et 20 juillet.
Durée 1h35.
Création inspirée des témoignages de Cécile Winter.
Mise en scène, concept dramaturgique et scénographie deMónica Mojica.
Co- écriture textesd’Antoine Voituriez, Mónica Mojica, avec la complicité des comédiennes et comédiens – écriture du plateau.
Avec Éléonore Lamothe, Remi Oriogun – Williams, Clara Rousellin, Cyprien Fiassé, Adam Migevant.
Voix off Cécile Winter.
Musique originale et son d’Alejandro Gómez Upegui.
Vidéo de Jean Baptiste Droulers.
Coach bruitages de Bruno Langiano.
Lumières de Samuel Halfon.
Chère Madame
En tant que coproducteur mais surtout en tant que frère, je tenais à vous remercier de votre très bel article sur la pièce de Monica Mojica faisant revivre la vie de médecin de ma sœur Cécile. Je suis sur que malgré sa modestie, elle aurait été contente de son contenu car vous avez très bien décrit ce qui était sa vie, ses engagements, sa détermination sans faille, son refus des compromissions…
Tout comme elle je ne suis pas croyant mais je la sens encore vivante parmi nous au cours de la pièce.
Encore merci donc avec, si c’était possible, un plus que votre article soit sur le site « L’oeil d’Olivier » qui était le prénom du fils de ma soeur, mort tragiquement deux ans avant elle et qui a été son plus grand amour.
Bien à vous