Douchka de Sébastien Amblard © Sébastien Amblard

Douchka, la vie poignardée d’une femme trans

Au train bleu, dans le OFF d’Avignon, Sébastien Amblard s’empare, avec Douchka, d’un sordide fait divers, l’assassinat barbare d'une trans.

Douchka de Sébastien Amblard © Sébastien Amblard

Au Train bleu, dans le Off d’Avignon, Sébastien Amblard s’empare d’un sordide fait divers, l’assassinat d’une femme trans russe dans un bois à l’orée de Paris. Douchka dit toute la violence, l’intolérance de nos sociétés contemporaines. 

© Sébastien Amblard

Mikhael naît en Russie dans une famille nombreuse. Il est le dernier garçon d’une fratrie de sept enfants. Sa mère voulait une fille. C’est raté. Son père meurt jeune, laissant tout ce petit monde avec peu de ressources. L’un dans l’autre, ils se débrouillent. Chétif, le jeune éphèbe ne trouve pas sa place. Il préfère la solitude aux jeux de groupe, les robes de sa mère au ballon. Ne comprenant pas sa différence, il fugue de plus en plus souvent malgré l’amour des siens qui l’ont (re)baptisé Douchka avec bienveillance. 

Tomber dans le piège
Douchka de Sébastien Amblard © Sébastien Amblard
© Sébastien Amblard

Un soir d’errance, il entre dans un club, découvre la vie nocturne, tombe amoureux d’une sculpturale tenancière trans surnommée Madame. Elle le ferre, le cajole, l’envoûte. C’en est fini de sa liberté. Amené en Belgique, Mikhael est opéré de force et devient une belle jeune femme avec des beaux seins et un sexe laissé intact. C’est dans les vitrines du quartier des prostituées bruxellois puis dans la rue de Paris qu’elle devra tapiner pour rembourser sa dette. S’offrant en pâture à n’importe qui pour l’amour de sa belle, elle accepte toutes les humiliations, les violences.

La déchéance est au bout du chemin. Rien ne pourra enrayer son funeste destin. Reléguée aux marges de la société, abandonnée de Madame, elle erre comme un zombie dans son existence. Une nuit, une mauvaise rencontre, un homme plus tatillon que les autres sur la féminité de la marchandise, la poignarde de douze coups fatals. 

Sombre nature humaine
Douchka de Sébastien Amblard © Sébastien Amblard
© Sébastien Amblard

La fresque composée de douze tableaux, comme autant de coups de couteau ayant déchiré son corps frêle, n’est pas belle à voir. Des bleus, des fêlures, des blessures, des cicatrices, il y a en partout. Avec délicatesse, Sébastien Amblard fait le récit de cette vie trop courte. De sa naissance à sa mort, il retrace un parcours de vie fait de rêves, de désillusions. En quête d’amour absolu, Douchka se fracasse contre le mur d’une réalité glauque. 

Plongeant dans l’intimité de cette jeune femme, il esquisse une tragédie d’aujourd’hui qui dépasse le cadre du cas particulier pour interroger l’incapacité de nos sociétés à évoluer, à accepter l’autre dans sa différence. Portés par la mise en scène sobre et élégante de Sébastien Amblard — un simple lit à lattes sert de décor —, la comédienne Marion Lambert se glisse avec une jolie présence dans le corps de la jeune trans, sans totalement lui donner les ambiguïtés et les contours flous nécessaires à l’incarner. Beau, peut-être trop léché, le spectacle est certes de très belle facture, mais n’arrive pas toujours à porter au plateau le sordide, le vil qui transparaît d’un texte tout en subtilité et nuance. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé Spécial à Avignon

Douchka de Sébastien Amblard
Festival OFF d’Avignon Théâtre du Train Bleu
40, rue Paul Saïn
84000 – Avignon

Mise en scène de Sébastien Amblard
Avec Marion Lambert
Création lumière de Philippe Catalano
Musique d’Olivier Lautem
Scénographie de Philippe Catalano et Sébastien Amblard
Conseil littéraire de M.Utz A.Beau-Godard

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