To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal © Lennart Sjöberg

La GöteborgsOperans Danskompani en terre de contraste à la Villette

À la Villette, La GöteborgsOperans Danskompani présente un double programme qui confronte les esthétiques de Damien Jalet et d’Imre et Marne van Opstal. 

To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal © Lennart Sjöberg

Après nous avoir totalement envoûté l’an passé dans un double progamme Hofesh Schechter-Sharon Eyal, la célèbre et virtuose compagnie suédoise, dirigée depuis 2016 par la chorégraphe islandaise Katrín Hall, revient cette saison à la Villette, avec un diptyque qui confronte deux esthétiques, celle spatiale de Damien Jalet, celle picturale d’Imre et Marne van Opstal. 

To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal © Lennart Sjöberg

Sous la verrière de la Grande Halle, c’est l’ébullition. La salle est comble, la température augmente crescendo. L’air semble se raréfier. Par-delà les brouhahas des conversations, quelques battements d’éventail se font entendre. Espoir vain, tant la chaleur accumulée dans la journée fait de l’espace un lieu de touffeur. Il ne reste plus qu’à patienter, un vent frais, fou viendra bientôt de la scène. 

L’espace à porter de main
Kites de Damien Janet © DR
Kites de Damien Janet © DR

Quand le rideau s’ouvre. Une voix rompt le silence. Poétique, sourde, elle scande une sorte de litanie. Éclairée par une lumière zénithale diffuse, une jeune femme apparaît allongée. Elle semble se débattre, lutter contre la pesanteur qui la plaque au sol. Poursuivant leur travail sur les limites des corps et de la matière -fécule de pomme de terre, liquide transparent visqueux, etc. – , Damien Jalet et son complice Aimilios Arapoglou invitent avec Kites, les 17 danseurs et danseuses du GöteborgsOperans Danskompani à s’affranchir de la gravité, à voler, à se laisser porter dans une course effrénée par un souffle venu d’un ailleurs fantasmé, l’espace. 

Vêtus de costumes gris blanc aux faux airs de tenues de cosmonautes, imaginés par Jean-Paul Lespagnard et portés par la musique de Mark Pritchard, ils habitent la scénographie du plasticien new-yorkais Jim Hodges, qui ressemble à s’y méprendre à un skate-park stylisé, et tentent l’impensable, tutoyer les cintres. Mais à l’impossible, nul n’est tenu. Malgré une remarquable complicité, une vitalité sans faille et des moments suspendus certes monochromes mais traversés par une belle énergie, l’ensemble n’arrive pas à décoller. Se donnant à corps perdus avec fougue, les interprètes naviguent à vue dans un flou artistique où ils semblent avoir du mal à trouver leur marque.

Au cœur de l’Arène
To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal © Lennart Sjöberg
To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal © Lennart Sjöberg

Après un entracte d’une demi-heure, c’est une tout autre ambiance qui attend les spectateurs. Tout comme dans Kites, une voix de femme s’élève dans le noir. Elle est le prélude à une œuvre d’une rare beauté plastique, où le temps s’étire à l’envie et la lenteur s’installe lancinante. Dans un espace pensé comme un manège, une piste de cirque, des êtres défilent, se croisent, s’aiment, se séparent ou se battent, c’est selon. Âmes errantes, femmes blessées, amantes ou ennemies, hommes fragiles, roulant les mécaniques pour faire illusion, c’est tout un échantillon d’une humanité tenant à se reconstruire après un traumatisme qui traverse l’œuvre picturale de la frratrie d’artistes néerlandaise, interprètes pour Nederlands Dans Theater 1 et 2 et de la Batsheva Dance Company dont l’on découvre ici le travail chorégraphique. 

Semblant s’inspirer des peintures de James Hensor, de Georges Seurat ou de Fernand Pelez, le spectacle d’Imre et Marne van Opstal se contemple comme un tableau vivant, où s’égrène des moments de vie, des instants oscillants entre mélancolie et clownerie triste. Écriture ciselée, grammaire précise, la fresque fait la part belle à la virtuosité des douze interprètes, à leur capacité à passer de la pantomime à une figure dansée de haute technicité. Certaines scènes, comme celle de La Piéta, sont tout simplement sublimes, toutefois à trop ralentir les mouvements, à trop vouloir en dire, les deux chorégraphes se perdent un peu dans la beauté d’un geste hautement artistique et plastique. Loin d’être vaine, la découverte de ce duo talentueux vaut le détour. Il ne reste plus qu’à suivre leur évolution. Avec le temps, leur travail devrait gagner en force et en maturité ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Programme GöteborgsOperans Danskompani
La Villette en partenariat avec Chaillot – Théâtre national de la Danse
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Kites de Damien Jalet
Création 2022
Durée 30 min environ 
Chorégraphie de Damien Jalet et Amilios Arapoglou
Composition de Mark Pritchard 
Conception sonore de Dorian Concept 
Enregistrements à la harpe éolienne Ralf Kleeman 
Texte de Theo Casciani 
Scénographie de Jim Hodges, Carlos Marques da Cruz 
Costumes de Jean-Paul Lespagnard 
Lumière de Fabiana Piccioli 
Vidéo de Sander Loonen assisté de Jessy Laurent 
avec Ben Behrends, Zander Constant, Miguel Duarte, Sabine Groenendijk, Mai Lisa Guinoo, Janine Koertge, Zenon Zubyk, Elinar Nikkerud, Riley O’Flynn, Christoph von Riedemann, Frida Dam Seidel, Duncan C Schultz, Endre Schumicky, Joseba Yerra Izaguirre, Amanda Akesson

To Kingdom Come d’Imre Et Marne Van Opstal 
Chorégraphie d’Imre et Marne van Opstal 
Costumes Imre et Marne van Opstal
Scénographie d’Imre et Marne van Opstal, Tom Visser 
Musique et son d’Amos Ben Tal 
Musique de RY X (Ry Cuming) 
Dramaturgie de Xanthe van Opstal 
Lumières de Tom Visser 
Avec Benjamin Behrends, Mei Chen, Nathan Chipps, Viola Esmeralda Grappiolo, Mai Lisa Guinoo, Logan Hernandez, Rachel McNamee, Riley O’Flynn, Auguste Palayer, Duncan C Schultz, Arika Yamada, Zenon Zubyk

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