On va faire la cocotte © Fabienne Rappeneau

Jean-Paul Tribout nous régale d’un Feydeau bien inspiré

Au Lucernaire, Jean-Paul Tribout achève avec bonheur "On va faire la cocotte" de Georges Feydeau.

On va faire la cocotte © Fabienne Rappeneau

En abordant une des dernières courtes pièces de Georges Feydeau, On va faire la cocotte, menée finement par la délicieuse Caroline Maillard, Jean-Paul Tribout nous offre au Lucernaire, un apéritif-théâtral des plus enivrants.

© Fabienne Rappeneau

Même si les personnages des comédies de Georges Feydeau semblent appartenir à un autre temps, son théâtre nous amuse toujours autant. La mécanique comique miss en place par le dramaturge, plus d’un siècle plus tard, garde toute sa saveur.

On va faire la cocotte © Fabienne Rappeneau
© Fabienne Rappeneau
Derrière le vaudeville, des comédies de mœurs

Les thèmes récurrents de son théâtre, les relations amoureuses, la sexualité, le couple, les rapports hommes-femmes, demeurent des sujets propices à la comédie humaine. Chez Feydeau, le mâle est souvent rentier, donc oisif. Son unique obsession est de tromper sa femme. Monsieur Chasse sans vergogne, mettant en place plein de systèmes pour arriver à ses fins. Pour que cela tourne à son avantage, il faut que son épouse, ce fameux Fil à la patte, n’ait jamais La puce à l’oreille de son adultère. Quant à cette dernière, si elle n’a pas toujours le beau rôle, elle possède généralement assez d’esprit et de piquant pour que le cher époux se transforme en Dindon.

Comment avoir un amant sans tromper son mari

Émilienne s’apprête à aller se coucher avec son mari, Trévelin. Ils sont sortis tous les autres soirs de la semaine, un peu de repos ne leur ferait pas de mal. Monsieur cherche des prétextes pour aller prendre l’air. Surgit Olympe, la meilleure amie de Madame, totalement outrée. Son mari la trompe et fait la noce, derrière son dos, avec ses copains. C’est ainsi qu’Émilienne découvre son infortune. Puisque son cher et tendre époux aime les cocottes, elle le menace d’en devenir une à son tour et de prendre un amant. Incrédule, Trévelin la défie. Elle met en place un stratagème qui n’entachera en rien sa vertu.

Feydeau, Maupassant, Tribout, un beau ménage à trois

On va faire la cocotte est une pièce originale, car pour la première fois, chez Feydeau, la femme y est mise en valeur. C’est ce qui a séduit Jean-Paul Tribout. Toutefois, l’ouvrage étant inachevé, il lui a fallu inventer une fin. C’est Maupassant qui va la lui fournir avec sa nouvelle, très dialoguée, Au bord du lit. L’idée est parfaite. Ainsi, Émilienne, en décidant de rendre la monnaie de sa pièce à son époux, réveille chez ce dernier un désir renouvelé. Elle accepte de céder à ses ardeurs, qu’à une condition, qu’il la rémunère ! Le tissage des deux textes donne une trame solide, à cette comédie haute en couleur, qui défend « un début d’égalité entre les hommes et les femmes ».

On va faire la cocotte © Fabienne Rappeneau
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Une femme de caractère

Émilienne, telle la Clarisse de N’te promène donc pas toute nue, se balade tout au long de la pièce en chemise de nuit. Normale, puisqu’elle allait se coucher. Cette idée peut paraître facile, mais elle ne l’est pas. Débarrassé de tous ornements vestimentaires, derrières lesquelles on peut se cacher, le personnage devient plus touchant. À la fois candide, perspicace et malicieuse, la jeune femme se fait l’écho de toutes ses semblables. Avec toutes les nuances qui la caractérisent, Émilienne est un rôle en or ! Caroline Maillard y est exceptionnelle. Telle une Jacqueline Maillan, une Maria Pacôme où une Micheline Boudet (qui excella dans le vaudeville à la Comédie-Française), la comédienne possède l’abattage, le sens des ruptures, l’espièglerie et le charme nécessaire pour faire vivre et vibrer son personnage.

Une troupe à l’unisson

Le personnage de Trévelin va comme un gant à Jean-Paul Tribout. Coquin et malin, il a l’art et la manière d’user de la mauvaise foi. Dans le rôle d’Olympe, Claire Mirande est exquise. Elle s’amuse et nous amuse avec les frivolités d’une coquette qui cache son âge avec brio. Mais derrière la façade, l’actrice montre bien les fêlures qui se craquellent. Julie Julien, que nous avons découverte cet automne chez Wajdi Mouawad, La racine carrée du verbe être, s’est glissée avec beaucoup de finesse dans la légèreté de Blanche. Montrant ainsi que pour être une cocotte, il faut avoir les pieds sur terre et un tempérament de battante. Ce dont elle a bien besoin pour subvenir aux besoins de son compagnon. Un éternel étudiant, téléphoniste à ses heures perdues, qui rêve de « se faire » une bourgeoise, joyeusement incarné par Samuel Charle.

Le théâtre dans le théâtre

Chez Feydeau, le théâtre est à la fête. La mise en scène de Tribout est une mise en abîme de ce principe. Abandonnant le réalisme du salon bourgeois, il a installé sur le plateau nu, des grandes caisses de bois, sur lesquelles sont apposées des étiquettes « Tournée Feydeau ». Tels des pantins, les personnages en sortent ou y entrent, tournent autour. L’accordéoniste Dario Ivkovic, debout dans sa caisse, les accompagne. À la fin, chacun rentrera dans sa boîte, jusqu’à la prochaine fois. C’est beau et efficace. Pétillant comme du bon champagne, ce spectacle, programmé à 18h30, ouvre l’appétit et donne l’envie de faire la fête ! Alors ne vous en privez pas !

Marie-Céline Nivière

On va faire la cocotte de Georges Feydeau.
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
Du 19 avril au 11 juin 2023.
Du mardi au samedi à 18h30, dimanche 15h.
Durée 1h10.

Adaptation et mise en scène de Jean-Paul Tribout.
Assisté à la mise en scène par Xavier Simonin.
Avec Caroline Maillard, Claire Mirande, Julie Julien, Samuel Charle, Jean-Paul Tribout, Dario Ivkovic.
Lumières de Philippe Lacombe.
Costumes de Julia Allegre.
Musique de Dario Ivkovic.

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