En ressortant des archives les lettres que les hommes ont écrites à Menie Grégoire, explorant ses écrits et interviews, Étienne Coquereau a réalisé un travail digne des grands sociologues. Comédien de son état, il a admirablement théâtralisé son propos dans ce spectacle captivant, intitulé, Et pourtant, j’ai besoin d’amour – des hommes ont écrit à Menie Grégoire.
Il n’y a que les anciens pour se souvenir de Menie Grégoire. De 1967 à 1982, l’après-midi, elle animait à RTL une émission, Allô Menie, dans laquelle la journaliste répondait aux questions et aux courriers des auditrices. On avait dépassé le stade du courrier du cœur. Tous les sujets étaient abordés, parfois sans tabou. Cette femme, bon chic bon genre, a participé à la libération de la parole des femmes, a contribué à vulgariser la psychanalyse et à dédramatiser la sexualité.
Allô Maman bobo, allô maman comment tu m’as fait…
Si cette émission s’adressait aux bonnes ménagères et femmes au foyer, curieusement de nombreux hommes ont pris la parole ! Ce sont, donc, ces mâles qui ont intéressé Étienne Coquereau. Plus particulièrement ceux qui se sont exprimés de 1967 à 1973, une période charnière où la société entame une mutation. De tous âges, issu de tous milieux sociaux, ils offrent un beau panel pour comprendre ce qu’était être un homme à cette époque. Si beaucoup demeure de gros réactionnaires, la plupart dévoilent une fragilité émouvante, et d’autres s’interrogent.
Sur la scène, des cartons d’archives, desquels les comédiens sortent les lettres. Pour éviter les pièges de la lecture épistolaire, Étienne Coquereau a mis du mouvement. On déplace une boîte, les comédiens et la comédienne circulent sur la scène, s’adressent à nous, se regardent. On entendra qu’une voix de femme et elle nous empoigne ! Sophie-Anne Lecesne, Florent Houdu, Adrien Michaux se font les uns les autres, et font entendre également les réponses et réflexions de Menie Grégoire. Ainsi, la parole s’envole et nous parvient. On passe du rire à l’émotion, de l’étonnement à l’affliction… En nous projetant dans le passé, ce spectacle résonne à notre présent. Cette belle page d’histoire d’hier doit être entendue, afin de tourner définitivement la page de l’histoire de ce monde patriarcal dans laquelle certains hommes ne se reconnaissent plus. C’est beau et c’est fort.
Marie-Céline Nivière
Et pourtant j’ai besoin d’amour – des hommes ont écrit à Menie Grégoire, conception et mise en scène d’Étienne Coquereau.
LE 100ECS (Établissement Culturel Solidaire)
100, rue de Charenton
75012 Paris.
Du 25 janvier au 3 février 2024.
Durée 1h25.
Les déchargeurs
3 rue des Déchargeurs
75001 Paris.
Du 2 au 25 mars 2023.
Avec Florent Houdu, Sophie-Anne Lecesne, Adrien Michaux et la voix de Monique Lecarpentier.
Création lumières de Léo Lequesne.
Scénographie de Sarah Garbarg.
Création sonore Nicolas Roth.
