Dans les ténèbres tout s'élance, Compagnie du Dagor © Thierry Laporte

Les Comètes, instantanés limougeauds

Au CDN de Limoges, le temps fort des Comètes met les élèves de l'Académie de l'Union au travail autour de textes écrits pour l'occasion. À l'arrivée, deux spectacles explorant chacun à leur manière la vaste question du vivant.

Dans les ténèbres tout s'élance, Compagnie du Dagor © Thierry Laporte

Au CDN de Limoges, le temps fort des Comètes met les élèves de l’Académie de l’Union au travail autour de textes écrits pour l’occasion. À l’arrivée, deux spectacles explorant chacun à leur manière la vaste question du vivant.

Dans les ténèbres tout s’élance, mise en scène Compagnie du Dagor ©Thierry Laporte

À Limoges, le temps fort des Comètes inaugure sa première édition. À l’initiative d’Aurélie Van Den Daele, sa directrice depuis juillet 2021, le Théâtre de l’Union associe deux autrices, Métie Navajo et Marilyn Mattéi, aux élèves de la Séquence 10 de son école. Dans la droite lignée du projet porté par la direction actuelle, les textes convergent vers une focale commune : le vivant, au sens large.

La place de l’homme
Dans les ténèbres tout s'élance, Compagnie du Dagor © Thierry Laporte
Dans les ténèbres tout s’élance, mise en scène Compagnie du Dagor ©Thierry Laporte

Comètes est le nom donné à ce programme de spectacles nés de commandes pour des formes condensées (mais finalement, des pièces d’à peu près une heure et demie chacune). Deux metteurs en scène, Aurélie Van Den Daele et la limougeaude Compagnie du Dagor, pour deux jeunes plumes du théâtre français. Dans les couloirs, le personnel du théâtre nous aiguille d’une pièce à l’autre. Dans les ténèbres, tout s’élance nous plonge dans les bois auprès de Charlène et Martial, deux amis retournant après dix ans dans la forêt de leur enfance pour y découvrir qu’une plantation industrielle de pins Douglas a remplacé les hêtres sauvages. Métie Navajo en fait un univers magique où les vivants se mêlent aux esprits et où les dimensions cohabitent.

Guidés par Sylviana (Roxane Coursault-Defrance), farouche défenseuse de la cohabitation pacifique entre l’homme et la nature, Martial (Luka Mavaetau) et Charlène (Marianne Doucet) s’enfoncent dans la forêt sombre, activant sur leur passage les réminiscences d’un chasseur (Siméon Ferlin) qui ne trouve plus sa place dans l’ordre du vivant. Remuant aussi bien les souvenirs du passé que la relation de l’homme aux bêtes, avec un pied dans l’animisme, cette pièce plonge les jeunes comédiens de l’Académie de l’Union face à une myriade de thèmes évoqués — écologie, chasse, patriarcat, spiritualité, jusqu’à un étrange tribunal d’esprits animaux. Le scénographe Julien Bonnet lui invente pour écrin une forêt rectiligne, matérialisée par des ampoules montées sur des pieds droits comme des pins et qui s’allument comme des esprits. Au fond, une grande boîte en bois comme une chambre noire de mythes et de fantasmes.

Nos cabanes
Comme si, Aurélie Van Den Daele © Thierry Laporte
Comme si, mise en scène Aurélie Van Den Daele ©Thierry Laporte

Comme si pioche du côté de Tchekhov pour peindre le portrait collectif d’un groupe fidèle de quatre amis. Freez (Youness Poulastron), Ziz (Robinson Courtois), Bègue (Richard Dumy) et Tyto (Célestin Allain-Launay) portent tous, dans leurs surnoms, les souvenirs d’histoires d’enfance qu’ils s’amusent à se remémorer. Tous se retrouvent dans une cabane en bord de lac, encaissée à cour alors que les trois quarts de la scène, laissés vides, affichent l’arrière-plan peint du lac en noir et blanc. Puis ils s’échappent de l’autre côté, longeant ce décor qui ne feint pas d’être autre chose qu’un souvenir ou un mirage. Reviennent sous d’autres atours, dix ans après, en juillet 2023, soit un futur de quelques mois qui permet le décollement imaginaire.

Quand ils reviennent près du lac, tout a changé, un incendie est passé par là, l’eau s’est asséchée et la cabane a été reconstruite par Ziz (Robinson Courtois), clown triste maladivement attaché à ce petit lopin d’enfance. Les échanges, teintés de non-dits, glissent moult fantômes dans les interstices de cette amitié : il y a les vrais morts, les mirages et les spectres de ceux que l’on n’a jamais été. La cabane porte le prénom d’Anton : celui de Tchekhov, donc, mais aussi celui de Anton Kouznetsov, directeur pédagogique de l’Académie décédé prématurément au milieu de son mandat, il y a dix ans, et dont le souvenir habite encore l’école.

Comètes se veut un sas, pour les élèves limougeauds, entre l’école et l’avenir. La pièce de la Compagnie Dagor tournera donc sur les campus du 21 au 28 février. C’est aussi une profession de foi pour le projet renouvelé du théâtre de l’Union depuis l’arrivée d’Aurélie Van Den Daele à sa tête. Hier, dans les colonnes du Monde, celle-ci réitérait sa volonté de contrer une certaine culture de la violence dans l’enseignement théâtral. Ces créations, carrefour entre les artistes, les élèves et la question du vivant, participent à la réflexion globale d’un CDN qui se revendique engagé. À l’arrivée, on devine un écart entre les ambitions et les moyens : écrites et travaillées dans un temps court, ces deux créations ne se présentent pas sans faiblesses et imperfections. Mais elles sont avant tout un instantané de cette école retirée dans les bois et, à la source de l’écriture, un reflet de la sensibilité de ses jeunes comédiens. Profitons-en pour leur souhaiter de larges horizons.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Limoges

Les Comètes
Théâtre de l’Union – CDN du Limousin
20 rue des Coopérateurs
87000 Limoges

Dans les ténèbres tout s’élance de Métie Navajo
Durée 1h30

Tournée sur les campus universitaires
Du 21 au 28 février 2023 : Campus de Tulle, Campus de Brive, Tiers-lieu CALM, Limoges, Campus de Guéret, Campus d’Égletons

Mise en scène Compagnie du Dagor Marie Blondel, Julien Bonnet, Thomas Gornet 
Assistante à la mise en scène Alexandra Courque
Avec quatre comédien·ne·sissu·e·s de la séquence 10 de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union Roxane Coursault-Defrance, Marianne Doucet, Siméon Ferlin, Luka Mavaetau
Réalisation scénographie Alain Pinochet – Atelier décors du Théâtre de l’Union
Costumes et accessoires Simon Roland – Atelier costumes du Théâtre de l’Union
Conception son Nourel Boucherk
Régie générale Claire Debar-Capdevielle
Lumière Charles Duverneix
Régie plateau Jean Meyrand

Comme si de Marilyn Mattéi
Durée 1h35

Mise en scène Aurélie Van Den Daele
Collaborateur Joris Rodríguez
Réalisation scénographie Alain Pinochet – Atelier décor du Théâtre de l’Union
Costumes et accessoires Simon Roland – Atelier costumes du Théâtre de l’Union
Conception son Nourel Boucherk
Régie générale Claire Debar-Capdevielle
Lumière Charles Duverneix
Régie plateau Jean Meyrand

Avec quatre comédien·ne·sissu·e·s de la séquence 10 de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union Célestin Allain-Launay,Robinson Courtois, Richard Dumy, Youness Polastron

Crédit photos © Thierry Laporte

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com