Un certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin © Philippe Delacroix

Le vivre-ensemble selon Gaudin orchestré par Notte

Un certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin, mis en scène par Pierre Notte, aborde les dérèglements familiaux.

La jeune Ninon pourrait chanter le fameux refrain de Sheila : La famille, ça fait partie des p’tits soucis quotidiens, mais pourtant c’est une vie qu’on aime bien. L’adolescente, très finement incarnée par la mutine Fleur Fitoussi, doit composer avec une mère qui l’agace au possible, un père résigné et l’envahissant meilleur ami de la famille. Entre deux poignées de M&M’s, faisant la moue et traînant des pieds, elle regarde s’affairer les adultes. Comment grandir dans un univers pétri de bien-pensance, où personne n’écoute l’autre ? Comment trouver sa place quand, sur un coup de tête, on lui impose un frère ?

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Un certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin © Philippe Delacroix

En bonne militante, Elsa a décidé d’héberger un jeune migrant mineur venu d’Afrique. Une belle idée. Mais est-elle capable de l’assumer ? Muriel Gaudin, qui s’est distribuée le rôle, n’est pas allée de main morte avec le personnage de la mère. Elle y est épatante, déversant dans une logorrhée savoureuse ses avis, ses opinions et ses obsessions. Voulant tout gérer, elle ne laisse aucun espace à son époux, sa fille, son amant et au jeune migrant. Elle est diaboliquement exaspérante, agaçante, énervante et surtout énormément drôle ! Lorsqu’on en perçoit les failles, que l’on assiste à sa chute, le personnage prend alors une ampleur remarquable.

Ceux que l’on ne voit pas

Face à cette tornade, il est difficile de trouver son équilibre. Christophe a choisi le silence. De toute manière, à peine a-t-il commencé à exprimer une idée qu’il se fait rembarrer par son épouse. Le formidable Benoît Girod incarne avec beaucoup de douceur ce taiseux qui finira par se réveiller. L’ami de la famille, qui chaque mardi devient l’amant, est un individu plein de contradictions. Emmanuel Lemire est impayable dans ses allures de militaire, docile et obéissant, cachant une extrême sensibilité.
A travers le personnage du jeune migrant Africain, qui va tout bouleverser, l’auteur s’amuse à brouiller les pistes, nous permettant d’entrer dans la paranoïa d’Elsa. Les bonnes intentions sont des pavés délicats à emprunter. Comme on l’aime, le personnage de Malik ! Il nous pousse à réfléchir sur nous-même, sur nos perceptions du monde. Antoine Kobi est une révélation. Et quand il devient le Roméo de sa Juliette (Ninon), on fond.

Un certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin © Philippe Delacroix
En toute bonne Notte

Le style, la langue, le ton et l’esprit de cette pièce fusionnent avec l’univers propre de Pierre Notte. Sa mise en scène est très efficace. Jouant sur les codes, transcrivant le temps qui passe, il enchaîne les scènes dans un ballet de jeu de cubes, avec des changements de costumes à vue. Les comédiens restent tout le temps en scène. Regardez-les, car rien n’est gratuit dans cette présence. Cette satire sociale qui se moque de nos valeurs et de nos préjugés est une belle réussite.

Marie-Céline Nivière

Un certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin.
La reine blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris.
Du 22 septembre au 19 novembre 2023
Les mercredis, vendredis à 19h, les dimanches à 16h.
Durée 1h20


Festival Avignon OffLa Scala-Provence.
3, rue Pourquery de Boisserin 84000 Avignon
Du 8 au 30 juillet à 13h05, relâche les 11, 18 et 25 juillet.

Mise en scène de Pierre Notte
Avec : Fleur Fitoussi, Muriel Gaudin, Benoit Giros, Antoine Kobi, Emmanuel Lemire et Clément Walker-Viry.
Musique de Clément Walker-Viry.

Lumière d’Antonio de Carvalho.
Scénographie de François Gauthier-Lafaye.
Costumes de Sarah Leterrier.

Crédits photos © Philippe Delacroix

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