Le Misanthrope ©Brigitte Enguérand

Le Misanthrope tout en élégance et modernité de Clément Hervieu-Léger

Pour les 400 ans de la naissance de Molière, Le français reprend Le Misanthrope mis en scène par Clément Hervieu-Léger.

n cette année de célébration des 400 ans de Molière, la Comédie-Française reprend Le Misanthrope mis en scène par Clément Hervieu-Léger, en 2014, avec dans le rôle-titre l’excellent Loïc Corbery.

Ce qui a séduit à la création est ce ton et ces couleurs de drame moderne. L’idée d’avoir transporté la pièce chez des intellectuels bourgeois du XXe siècle est assez pertinente et séduisante. Clément Hervieu-Léger montre ainsi que, contrairement à la plupart des autres pièces de Molière, il n’était pas ici question d’affrontement de classes. Dans le salon de Célimène, il n’y a qu’une noblesse tenue par l’étiquette, une gentry à la française. Il y a comme un air de Saint-Germain-des-Prés, celui des existentialistes. Si sa mise en scène est singulière et sa lecture du texte originale, nous sommes restés quelquefois perplexes. Pourquoi, la scénographie, pourtant soignée d’Éric Ruf, place-t-elle l’action sur un palier ? C’est froid est difficilement compréhensible. Pourtant, on a aimé ce Misanthrope, tout en restant désappointé. C’est un sentiment curieux, mais pas si rare au théâtre.

Loïc Corbery, magistral

LE MISANTHROPE  de Moliere  - Mise en scene : Clement Hervieu-Leger © Brigitte Enguérand

Ce qui fonctionne sans aucune retenue pour nous est sa vision d’Alceste, l’homme à la cravate verte. Portant bien « ses brusqueries et son chagrin bourru », le talentueux Loïc Corbery a la jeunesse du rôle. On le croirait sorti d’une grande école de la rue d’Ulm, genre élève surdoué mal dans son époque, en rage contre la nature humaine, envers laquelle il éprouve « une effroyable haine ». Il y a du romantisme dans l’approche de ce personnage. Fiévreux, sanguin, mélancolique, oscillant entre exaltation et colère. Il est plus dépressif qu’atrabilaire. Et si le texte oppose souvent de la résistance à cette approche, le 510e sociétaire du Français nous a totalement séduits.

Une pétillante Célimène 

Tout comme nous a conquis sa vision de Célimène. Cette adorable chipie qui refuse de passer à côté de la vie, est ici une fille de bonne famille. Frivole et coquette, elle aime briller devant le beau monde mais elle respecte ses domestiques. Elle taquine les uns et les autres. Son cœur bat vraiment pour Alceste. A la création s’était Georgia Scalliet qui incarnait toutes les facettes de cette jeune veuve qui veut s’amuser avant de devenir vieille. A l’époque, elle formait avec Adeline D’Hermy (Eliante) un magnifique duo. Hervieu-Léger les avaient traitées comme si elles étaient cousines. C’était fort bien vu. Même voix, même silhouette ! Nous ne sommes donc pas surpris qu’aujourd’hui Adeline D’Hermy reprenne le rôle de Célimène et il est certain qu’elle y brille.

Une troupe au diapason

Dans le salon de Célimène, chacun y va de sa pensée, de ses vers bancals, de ses cancans futiles, de ses médisances. Nous sommes au Français, gage de la qualité de l’interprétation de la troupe. L’un des plus beaux personnages du Misanthrope est Philinte, qui conseille à son colérique et torturé ami de mettre de l’eau dans son vin. Eric Genovèse, dont on a toujours admiré la sensibilité du jeu, sera, après Éric Ruf, parfait dans ce personnage. Serge Bagdassarian est un Oronte impressionnant et Florence Viala, une Arsinoé singulière. Le Misanthrope est une œuvre classique qui parle de sujets toujours d’actualité, ce qu’Hervieu-Léger montre bien. Et c’est en cela que l’on salue la reprise de ce spectacle.

Marie-Céline Nivière

Le Misanthrope de Molière
Comédie-Française
Place Colette 75001 Paris
Du 2 février au 22 mars 2022
Représentations en alternance soirées à 20h30, matinées à 14h
Durée 3h avec entracte

Mise en scène de Clément Hervieu-Léger
Avec Eric Génovèse, Alain Lenglet, Florence Viala, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Nicolas Lormeau*, Gilles David*, Adeline d’Hermy, Clément Hervieu-Léger, Jennifer Decker*, Caire de La Rue du Can*, Yoann Gasiorowski, et les comédiennes et comédiens de l’académie de la Comédie-Française Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan, Vianney Arcel, Robin Azéma (* en alternance)
Scénographie d’Eric Ruf
Costumes de Caroline de Vivaise 
Lumières de Bertrand Couderc
Musique originale de Pascal Sangla
Son de Jean-Luc Ristord
Coiffures de Fabrice Elineau
Assistanat à la mise en scène Juliette Léger 
Assistanat à la scènographie Dominique Schmitt 

Crédit photos © Brigitte Enguerand, coll. Comédie-Française

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