Portrait Guy Pierre Couleau © André Muller

Guy-Pierre Couleau, ciseleur de textes

Au théâtre 13, du 8 au 20 février 2022, Guy-Pierre Couleau monte un Hamlet très contemporain, noir et tragique.

Au théâtre 13, du 8 au 20 février 2022, Guy-Pierre Couleau monte un Hamlet très contemporain, noir et tragique. S’inspirant notamment des œuvres de Jean-Michel Basquiat, il signe une adaptation fluide et percutante, un Shakespeare qui plonge au plus près des délires paranoïdes du plus célèbre Prince du Danemark. Rencontre avec un metteur en scène inspiré.

La tragédie d'Hamlet de Shakespeare. Mise en scène de Guy-Pierre Couleau © Laurent Schneegans

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
La première fois que je suis allé au théâtre : ça devait être à la Comédie-Française, où mes parents nous ont souvent emmenés, mes sœurs et moi. Et je suppose que je devais avoir cinq ans. Nous y avions vu un Molière : L’Avare. Et je me souviens que j’avais adoré ce moment, l’odeur du théâtre, le rituel de la salle qui s’éteint puis les premiers mots des acteurs, le velours des sièges… Depuis, j’y suis retourné très souvent et à chaque fois, c’est la même émotion.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Sans doute mes parents. Mon père qui était chanteur lyrique et ma mère qui était enseignante de lettres classiques. Ils m’ont donné le goût de lire et celui de la musique des mots.

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienet metteur en scène ? 
Je n’étais pas doué pour la musique et j’ai fait pas mal de sports, mais jamais de danse, ce que j’ai parfois regretté d’ailleurs… Mais j’ai toujours adoré raconter des histoires, faire des imitations quand j’étais enfant et faire rire les autres et je suppose que je n’aurais pas pu faire autrement que de faire du théâtre. Et puis c’est l’acteur en moi qui a découvert le metteur en scène. Je me souviens de ma première expérience de metteur en scène, le jour où je suis devenu metteur en scène. Et je ne m’y attendais pas du tout. Ce sont mes camarades-acteurs qui m’ont poussé à le devenir, ce jour-là, presque par hasard pour moi et par évidence pour eux. Et je me suis trouvé bien à cette place-là, dans la salle, à les regarder, leur parler, inventer des choses pour les acteurs.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
J’ai envie de me souvenir de ma participation comme acteur dans Pour Thomas, que Luce Berthommé avait mis en scène au festival d’Avignon et qui m’avait permis de rencontrer l’auteur Raymond Cousse. Mais j’ai aussi envie de me souvenir de ma première mise en scène : Le Fusil de chasse de Yasushi Inoué, dans laquelle Odile Cohen, Nathalie Duong, Anne Le Guernec et Philippe Mercier étaient simplement fantastiques et magiques.

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
J’en ai eu plusieurs bien sûr : La Trilogie des Dragons par Robert Lepage, Bérénice par Grüber, Mnemonic par le Théâtre de Complicité, Giorgio Strehler, Patrice Chéreau, En revenant de l’expo par Jean-Claude Penchenat, Ariane Mnouchkine, Tadeusz Kantor, Peter Brook. 

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Ce sont celles que j’ai faites avec les personnes qui m’ont dit d’être moi-même, de ne pas tricher avec ce que je suis, de parler de ma propre voix. Et il n’y a rien de plus difficile que de s’exprimer par soi-même. Et ces rencontres se sont faites rarement et parfois presque sans mots, mais toujours avec douceur. Le poète Sioux John Trudell par exemple. Edmunds Freibergs, le grand metteur en scène Letton. Mais je n’aurai pas la place pour citer ici tous les gens que j’aime et qui ont été mes plus belles rencontres.

La tragédie d'Hamlet de Shakespeare. Mise en scène de Guy-Pierre Couleau © Laurent Schneegans

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Ce sont les autres qui me construisent. Et sans eux, je ne suis pas très bien. Les acteurs sont mon quotidien. Je me suis rendu compte que je vivais entouré de gens de théâtre depuis très longtemps et que je ne pouvais certainement pas m’en passer. Vivre avec des poètes est une nécessité pour moi. Si je suis loin d’un théâtre, je ne me sens pas très bien. 

 Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Je vis dans le bruit du monde, je regarde les gens, les films, les musiques et les tableaux. J’écoute ce qui se dit un peu partout. Ce qui m’inspire avant tout, c’est l’Humanisme. Le théâtre, c’est une sculpture en mouvement et sans la fréquentation des œuvres et des artistes vivant dans ce grand bocal qu’est notre monde, je ne pourrais certainement pas ni m’inspirer ni respirer. Le proverbe dit : « Que sait le poisson de l’eau dans laquelle il nage toute la vie ? »

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Quand je mets en scène, je ne vais que très peu sur le plateau : c’est l’endroit des acteurs. Je suis dans la salle comme un premier spectateur. La scène est un lieu particulier, un peu sacré pour moi, et qu’il convient de respecter infiniment. C’est d’une certaine façon « la main qui nous nourrit ». Lors des répétitions, j’aime que l’espace de jeu soit clair, propre et qu’il puisse accueillir et suggérer aux acteurs leurs inventions. Sur scène, tout est souvent déjà là et il suffit la plupart du temps de laisser le souffle de la pièce traverser le corps des acteurs. 
La scène est une matrice et un poème.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Dans mon cœur. Les choses passent d’abord chez moi par le cœur et les tripes. Puis ensuite, j’intellectualise et je prends conscience. Parfois. Mais pour ce qui me concerne, la pratique de mon métier est très artisanale. J’ai une connaissance pratique de beaucoup de métiers du spectacle : j’ai touché à la lumière, au son, au plateau. J’aime faire mon métier avec mon cœur et mes mains.

La tragédie d'Hamlet de Shakespeare. Mise en scène de Guy-Pierre Couleau © Laurent Schneegans

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Simon Mc Burney, Robert Lepage, les peintres Mohamed Lekleti, Nazanin Pouyandeh, Yves Ciroc, les écrivains Le Clézio, Eric Vuillard, Modiano, Clément Ducol, Mourad Merzouki, Sami Frey, Ariane Mnouchkine, Julie Duclos, Lou De Laâge, Cécile De France. Tellement d’autres …

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
J’aimerais mettre en scène les six pièces de l’auteur irlandais John Millington Synge. Avec douze acteurs, pour un spectacle de huit heures, qui se jouerait en épisodes et en intégrales. C’est mon auteur de prédilection et c’est un écrivain universel, méconnu. Il a influencé Brecht et Beckett, rien que ça ! Il y a tout ce dont nous avons besoin dans son théâtre. Il est essentiel à notre temps. Avec les artistes que je viens de citer et ceux qui m’accompagnent, reste juste à trouver un théâtre qui dise oui ! 

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un livre enluminé. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

La Tragédie d’Hamlet de William Shakespeare
mise en scène de Guy-Pierre Couleau
Cie Des Lumières et Des Ombres (Ile-de-France)

 Théâtre 13 Jardin 
103 A, boulevard Auguste-Blanqui
 75013 Paris

Du 8 au 20 février 2022
Durée 2
h00

Crédit photos © André Muller et © Laurent Schneegans

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com