Grand ReporTERRE #4 Deadline – On se lève et on se bat

Escapade à Lyon le temps d’une conscientisation de soi, du monde et de la planète avec Grand ReporTERRE #4 autour de l’urgence écologique.

Échappée belle à Lyon le temps d’un dimanche de conscientisation. De soi, du monde et de la planète avec Grand ReporTERRE #4 Deadline. Une création performative proposée par le Théâtre du Point du Jour, entre journalisme documentaire et vision artistique, autour de l’urgence écologique.

L’échappée belle dont il est question ici s’est déroulée à Lyon, dans les hauteurs de la ville. Plus exactement au théâtre du Point du Jour, maison de création co-dirigée par Angélique Clairand et Éric Massé. Deux personnages prolifiques qui osent s’aventurer dans des formats nouveaux. Parmi leurs idées (confinées) ? Proposer 2 fois par an des créations inédites, qui mêlent écriture journalistique et performance scénique, pour questionner l’actualité contemporaine. Le duo a choisi de nommer ces actes sur-mesure : Grand ReporTERRE.

Celui auquel nous sommes convié·e·s en ce dimanche est le quatrième du genre. Son titre : Deadline. Un énième récit sur le monde du travail et ses délais interminables ? Non, pas du tout. Un récit sur un autre délai, autrement plus urgent. L’échéance écologique au-delà de laquelle, s’il ne se passe rien, le danger s’imposera.

Frappe journalistique

Pour porter cet hymne anticapitaliste à la nature, une écriture journalistique donc. Julia Lauter, grande reporter allemande pour des magazines aussi engagés que ceux édités par GreenpeaceAmnesty International et Reporters sans frontières. Cette femme élancée, au visage d’ange, se sert de sa plume pour mettre la lumière sur ce qui existe mais que l’on ne voit pas. Elle se fait la porte-voix de situations dramatiques pour réveiller les consciences endormies – nos consciences endormies.

Fruit d’une enquête et d’une compilation d’articles scientifiques, son écriture – précise, datée, chiffrée – témoigne d’une vérité implacable. Julia Lauter évoque l’hégémonie de l’industrie automobile à Stuttgart, la menace latente de la centrale nucléaire du Bugey près de Lyon, la pollution abrutissante du bassin minier à ciel ouvert à Leipzig, les ravages minimisés de Tchernobyl et Fukushima, l’incohérence des choix énergétiques des gouvernements ou encore les promesses illusoires du progrès scientifique. C’est aussi anecdotique qu’essentiel. Julia Lauter croise le témoignage individuel à l’exemple (inter)national, sur fond de mythologie avec la présence d’une figure récurrente : Prométhée. Ce héros qui, dévoré de l’intérieur, tente de survivre. Sans cesse et sans solution.

Corps performatifs

Ce récit, Julia Lauter le dit sur scène en français avec un accent allemand qui lui fait parfois écorcher les mots. Comme une parole fragmentée, par l’émotion peut-être. Située en arrière-scène surélevée, avec pour seul appui une petite lumière qui éclaire son pupitre, la narratrice est dissimulée derrière un vaste drap. L’image est tellement floue qu’on finit par oublier ce corps pour ne plus entendre que la voix. Voix qui s’incarne dans d’autres corps. Ceux du Citizen.KANE.Kollektiv, une troupe de comédien·ne·s franco-allemand·e·s, mais également de Éric Massé, de Heidi Beck-erBabel et de Loïc Risser.

Elles et ils prennent le relais du texte pour incarner les excès, les inepties, les illusions, les mensonges et les paradoxes dénoncés. Mais également les interviews projetées sur le vaste drap : mineur retraité, ancien salarié de centrale, scientifique, activiste, architecte, etc. Des prises de parole authentiques, en français ou en allemand, retraduites sur scène pour confronter les idées. Le plus souvent avec humour, décalage et petites tenues. Beaucoup de torses nus, de jambes nues, de vêtements retirés, comme s’il fallait montrer notre vulnérabilité, notre fragilité face à un écosystème malade. Ou alors, la nécessité de devenir frugal pour lutter contre la détérioration climatique.

Trésors du collectif

Cette légèreté qu’apporte les comédien·ne·s permet une respiration dans l’asphyxie de ce qui est dit. À l’état brut, ça traumatise. Sublimé sur scène, ça trouble et agite dans le bon sens. Celui d’un passage à l’action à l’échelle individuelle pour rendre l’action collective possible. La mobilisation comme réponse au drame écologique est justement ce que proposent les deux militant·e·s d’Alternatiba, invité·e·s pour animer, au terme de la pièce, un atelier de sensibilisation à la non-violence.

Rencontré·e·s dans l’après-midi au bar du Théâtre Point du Jour, Anne-Sophie et Xavier nous présentent Alternatiba : un mouvement démocratique de mobilisation sur le dérèglement climatique qui, depuis sa création en 2013, vise à contribuer à l’émergence d’un réveil citoyen de masse, populaire et radical. Radical dans le sens premier du noble – qui s’attaque à la racine du système – pour une plus grande justice sociale et surtout, une accélération de la transition écologique.

ANV, le nouveau code

Les moyens d’intervention de la centaine de groupes Alternatiba qui se sont constitués à travers la France ? Les actions de non-violence (ANV). Xavier et Anne-Sophie nous racontent le sitting organisé à la Défense, l’invasion du tarmac de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, le décrochage des portraits de Macron dans une Mairie et la création de monnaies locales citoyennes pour contrer l’Euro (la Gonette à Lyon).

Des gestes de désobéissance civile à visage découvert – provocateurs, scénarisés et hors-la-loi – qui mettent à mal les institutions. La preuve : les actions sont relayées par les médias, des figures politiques comme Clémentine Autain les soutiennent, certain·e·s militant·e·s font l’objet d’une forte répression (allant jusqu’à la Cour de Cassation), d’autres encore parviennent à convaincre des personnes du côté du système capitaliste de rejoindre le mouvement. Un véritable remue-ménage.

Bref, Grand ReporTERRE #4 nous met face à notre responsabilité civile – parfois abandonnée au profit de nos propres intérêts – en soulignant la nécessite de voir au-delà de soi pour faire entendre une voix citoyenne commune et soudée.

Cécile Strouk

Grand ReporTERRE #4 DEADLINE
Théâtre du Point du Jour
7 Rue des Aqueducs
69005 Lyon
7 Rue des Aqueducs, 69005 Lyon
Le 21 à 16h, le 22 et le 23 à 20h
Durée 1h30

Conception et mise en scène de Citizen.KANE.Kollektiv, Eric Massé, Heidi Becker-Babel, Loïc Risser, Julia Lauter
Jeu et mise en pièce de l’actualité de Heidi Becker-Babel, Jonas Bolle, Jürgen Kärcher, Simon Kubat, Andrea Leonetti, Christian Müller, Loïc Risser, Max Sprenger

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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Cécile Strouk

Après une carrière en journalisme et en communication corporate, Cécile Strouk créé en 2016 sa propre agence éditoriale : Mon strouk en plume. Depuis, Cécile prête sa plume à toutes celles et ceux qui ont des besoins d’écriture (PME, TPE, startup, artiste et particuliers) pour les aider à déployer une parole élégante, simple et impactante. En parallèle, elle anime le podcast MISE AU POINT qui explore le parcours de femmes et d'hommes liés de près ou de loin aux arts vivants.

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