HKC, une compagnie à la confluence des arts vivants

En ouverture de la Biennale de Danse de Lyon, Anne Rehbinder et Antoine Colnot, Compagnie HKC, proposent Urgence avec cinq fougueux danseurs.

Depuis 2015, date de la fondation de la Compagnie HKC, Anne Rehbinder, autrice et photographe, et Antoine Colnot, metteur en scène et comédien, décloisonne les arts pour créer un théâtre sensible, poétique et réaliste. En ouverture de la Biennale, les deux complices proposent, en collaboration avec Amala Dianor, chorégraphe invité, Urgence, une pièce qui donne la parole à cinq jeunes danseurs issus des quartiers sensibles de Lyon. Rencontre avec des artistes engagés.

Anne Rehbinder et Antoine Colnot Cie HKC et leur chorégraphe Amala Dianor © Théo Giacometti et Hans Lucas

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Anne Rehbinder : L’école des femmes à la Comédie-Française. J’avais 8 ans, je suis tombée amoureuse d’Horace. Antoine Colnot : Un concert de Renaud, Morgan de toi, en 1981.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Anne Rehbinder : J’ai commencé par la photographie. Un métier très solitaire. En miroir, le travail de groupe est très porteur et enthousiasmant. Cela donne de l’endurance pour mettre au monde des projets. Et puis la fragilité et la puissance du vivant deviennent incontournables.
Antoine Colnot : À 17 ans, rencontrer l’atelier théâtre de Marly-le-Roi. J’ai eu la sensation d’avoir trouvé mon endroit.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être metteur en scène et directeur de compagnie ? 
Anne Rehbinder : Directrice artistique d’une compagnie, c’est orchestrer une pépinière et vibrer au son de ses crépitements. Écrire pour la scène, c’est être en prise avec le plateau et les interprètes de manière organique. Les deux me nourrissent beaucoup.
Antoine Colnot : C’était le bon endroit pour moi, ça répondait à un espace d’expression et de liberté. Mettre en scène, c’est une façon de mettre la vie dans une certaine cohérence, et de travailler la densité des moments.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Anne Rehbinder : L’arbre de Noël annuel avec ma communauté d’origine, russe. Des grandes soirées, où chacun jouait sur scène ce qu’il avait préparé toute l’année. Un énorme trac et une grande excitation. L’impression de vivre quelque chose d’important.

Antoine Colnot : Un concert de Vertical smile dans lequel j’étais bassiste à Lisbonne, en 90. Je me souviens du plaisir d’être sur scène et en même temps de l’impression d’être un imposteur parce que je jouais d’un instrument que je ne connaissais pas.

Création 2020 - Chaillot  et Biennale de la Danse  - Lyon
Metteur en scène Antoine Colnot - Autrice Anne Rehbinder - Chorégraphe invité Amala Dianor © Romain Tissot

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Anne Rehbinder : La Servante d’Olivier Py, à 16 ans, à la Manufacture des œillets d’Ivry-sur-Seine. Ça a changé ma vie. Le spectacle durait 24 heures, totalement fou et exceptionnel.
Antoine Colnot : Le cri du caméléon de Joseph Nadj, avec la promotion du CNAC.

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Anne Rehbinder : La pureté du coup de cœur que j’ai eu pour les cinq interprètes d’Urgence. Cette sensation précise m’accompagne encore. Rencontrer des interprètes, ces chocs amoureux là, sentir comment ils vont multiplier ce que l’on porte en nous.
Notre duo avec Antoine, une histoire qui traverse et dépasse notre travail ensemble.
Les moments lumineux dans les actions artistiques avec des personnes très éloignées du milieu de la culture, et qui soudain s’emparent de la scène ou de l’écriture magistralement.
Mes cinq enfants.
Antoine Colnot : Les personnes avec qui je travaille.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Anne Rehbinder : C’est pouvoir vivre son hypersensibilité sans trop avoir à la brimer.
Antoine Colnot : Je ne sais rien faire d’autres.

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Anne Rehbinder : La résilience, la réparation des êtres, ce qui est caché à l’intérieur des vies. Les contradictions de notre monde. Ce qui peut sortir des personnes dans le « shaker » de la création. Les interprètes, leurs ressources, leur liberté, leurs fêlures. 
Antoine Colnot : La mer, la vie, l’âme humaine.

Création 2020 - Chaillot  et Biennale de la Danse  - Lyon
Metteur en scène Antoine Colnot - Autrice Anne Rehbinder - Chorégraphe invité Amala Dianor © Romain Tissot

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Anne Rehbinder : J’ai la sensation d’avoir une chance infinie, un luxe total, dans le travail de recherche et de création. Et le moment de partager notre travail au monde est tout à la fois terrorisant et très enthousiasmant. Ambivalent donc.
Antoine Colnot : C’est un espace sacré, brûlant ou glacé, jamais tiède.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Anne Rehbinder : Dans mon cœur qui accélère, dans mes yeux qui regardent très longtemps, dans mes oreilles qui cherchent la justesse des mots. La nécessité, elle, est dans le ventre.
Antoine Colnot : Dans mes tripes.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Anne Rehbinder : Avec des artistes qui ont envie de frotter leur écriture à d’autres, dans la rencontre.
Avec des jeunes acteurs et actrices qui commencent leur métier, avec des circassien.ne.s, avec d’autres danseur.se.s, de jeunes chanteur.se.s.
Avec des personnes qui ne sont jamais montés sur scène, des « invisibles ».
Antoine Colnot : Avec un.e chef.fe d’orchestre, un corps de ballet, une promotion de sortie d’une école nationale.

Création 2020 - Chaillot  et Biennale de la Danse  - Lyon
Metteur en scène Antoine Colnot - Autrice Anne Rehbinder - Chorégraphe invité Amala Dianor © Romain Tissot

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
Anne Rehbinder : Une résidence avec pleins d’artistes d’horizons différents. Et des non professionnels aussi. Mixer énormément de couches sociales, d’origines, d’âges différents. Retrouver l’ADN des veillées ancestrales et faire beaucoup de nuits blanches.
Créer un spectacle qui se déploierait dans tous les espaces d’un théâtre, de la cave aux loges, en passant par les couloirs, les recoins, l’extérieur et le plateau.
Créer des duos entre des personnes en grande précarité, avec des chemins de vie cabossés et des jeunes comédiens d’une école nationale. Les écrire avec eux et les porter sur scène.
Antoine Colnot : Orchestrer un spectacle de mise en scène et d’improvisation en direct.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Anne Rehbinder : Un chant polyphonique d’Europe de l’est.
Antoine Colnot : Le temps des gitans, d’Emir Kusturica.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Urgence de la Compagnie HKC / Antoine Colnot – Anne Rehbinder 
Création 2020
Metteur en scène Antoine Colnot – Autrice Anne Rehbinder – Chorégraphe invité Amala Dianor
Chaillot – Théâtre national de la Danse
Biennale de la Danse – Lyon
Les 1er et 2 juin à l’Espace Albert Camus – Bron

Crédit photos © Théo Giacometti et Hans Lucas, © Romain Tissot

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