Cécile Garcia-Fogel, Mélodie Meni et Ivan Quintero, Trézène mélodies. Phèdre de Racine. Théâtre 14 © Simon Gosselin

Cécile Garcia-Fogel chante les incestueuses amours de Phèdre

Au théâtre 14, Cécile Garcia-Fogel recrée, 25 ans après sa première création, son adaptation musicale de la tragédie de Racine

Au théâtre 14, la comédienne et metteuse en scène Cécile Garcia-Fogel recrée, 25 ans après avoir obtenu le Prix de la Révélation théâtrale du Syndicat de la critique Théâtre, Musique et Danse en 1997, son adaptation musicale de la tragédie de Racine. Passant de 7 à 3 voix, elle signe une performance jazzy ténébreuse et envoûtante qui souligne avec une grâce infinie les beautés de la langue française. Une gourmandise qu’il fera bon déguster dès l’ouverture des théâtres. 

Situé entre les maréchaux et le Périph’, à deux pas de la Porte d’Orléans, le théâtre 14, dont la direction a changé il y a un peu plus d’un an, se réinvente de jour en jour. Après avoir été l’une des premières salles de spectacle à rouvrir en juin dernier, avoir été au cœur, cet été, d’un festival modèle réduit d’Avignon, le lieu continue à accueillir les artistes et les compagnies qui auraient dû se produire dans ses murs, si la pandémie et les restrictions gouvernementales n’étaient passées par là. 

Tragédie en ré
Cécile Garcia-Fogel, Trézène mélodies. Théâtre 14 © Simon Gosselin

Après Françon en janvier, c’est au tour de Cécile Garcia-Fogel de fouler les planches de ce théâtre, rénové il y a un peu plus d’un an. Passionnée de langue française, intervenante très active à l’École du Nord, la comédienne et metteuse en scène s’attache à faire résonner les mots, à faire entendre le beau langage. En s’emparant de Phèdre de Racine auquel elle conjugue l’écriture du poète grec Yannis Ristos, elle invite à plonger dans les tourments amoureux d’une belle-mère pour son trop charmant et trop vaillant beau-fils. Aimée de Thésée, la belle Phèdre n’a d’yeux que pour Hippolyte. La lutte, bien qu’acharnée, est vaine, la mort prématurée de son époux entraîne, la trop fière souveraine au bord du précipice. Il n’y a pas d’échappatoire, le destin est en marche. Les mensonges n’y feront rien, les dieux, qui tirent les fils de la tragédie, en ont décidé ainsi. 

D’hier et d’aujourd’hui
Mélodie Menu, Trézène mélodies. Théâtre 14 © Simon Gosselin

Toute vêtue de noire, pieds nus, Cécile Garcia-Fogel glisse sa fine silhouette entre les vieilles chaises de bois, qui servent d’unique décor. Elle fait résonner sa voix légèrement traînante sous les cintres. Tour à tour, Théramène, Hippolyte ou Phèdre, la comédienne habite la tragédie grecque par excellence par sa présence ténébreuse. Accompagnée au chant par l’extraordinaire Mélanie Menu et à la guitare par Ivan Quintero – épatant en Œnone, nourrice de Phèdre – , elle creuse joliment, puissamment la ligne de failles sentimentales qui mène au drame. Chœur de pleureuses ou chœurs antiques, les trois voix s’entremêlent, se conjuguent pour mieux attraper l’auditoire, l’ensorceler lui faire sentir le pouls de l’ héroine qui s’emballe, la crédulité du jeune guerrier accusé à tort, l’honneur bafoué du vieux roi. 

So Jazzy 
Cécile Garcia-Fogel, Mélodie Meni et Ivan Quintero, Trézène mélodies. Phèdre de Racine. Théâtre 14 © Simon Gosselin

S’inspirant d’airs arabo-andalous, mâtinés de jazz, les chansons composées à partir de fragments de textes de Racine nourris des mots poétique d’Yannis Ritsos, s’égrènent comme une longue et belle litanie. Bien sûr, nostalgie, mélancolie et tristesse teintent ces mélopées, ce grand cri d’amour impossible qui empoisonne à petit feu la passionnée Phèdre. Mélodie Menu, présence irradiante, Cécile Garcia-Fogel, intense et tellurienne, et Ivan Quintero, plus évanescent, s’accordent magistralement, font vibrer ce Trézène Mélodies et convient à un voyage pénétrant entre rêve et réalité, entre récit du passé et histoire du présent. 

Touchée par la grâce, la comédienne et metteuse en scène signe une variation touchante et humaine de la tragédie racinienne, un spectacle rare à déguster sans modération dès que cela sera possible, dès que les théâtres rouvriront.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Trézène Mélodies d’après Phèdre de Jean Racine et poèmes de Yannis Ritsos, Phèdre et Le Mur dans le miroir
Filage au Théâtre 14
20 Avenue Marc Sangnier
75014 Paris

Tournée
Théâtre du Nord en attente de date.

Mise en scène et musique Cécile Garcia Fogel
Avec Cécile Garcia Fogel, Mélanie Menu (jeu et chant) et Ivan Quintero (guitare et voix)

Scénographie et costumes de Caroline Mexme
Lumières d’Olivier Oudiou
Regard extérieur – Philippe Jamet
Travail vocal – Jean-François Lombard

Crédit photos © Simon Gosselin

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