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Arctique, un polar polaire en eaux sombres

Après la Fabrica à Avignon, c'est à l'Odéon qu'Anne-Cécile Vandalem fait escale avec son bateau fantôme.

Mêlant habilement thriller politico-écologique et fiction d’anticipation, théâtre et cinéma, la metteuse en scène belge Anne-Cécile Vandalem convie à un bien étrange voyage à bord d’un paquebot fantôme sur les mers glaciales du Groenland. À l’écoute du monde qui l’entoure, elle dénonce, une nouvelle fois, dans ce huis-clos psychologique, drôle autant que terrifiant les dérives du monde contemporain.

Dans la pénombre, le grand écran situé au-dessus de la scène diffuse les images de l’arrivée en décembre 2025 des invités à bord de l’ « Artic Serenity », l’un des nombreux vaisseaux fantômes qui hantent les mers du Grand Nord. Quelques personnes seulement ont été conviées à venir se recueillir sur l’immense paquebot qui erre dans des eaux glacées depuis qu’il fut, il y a dix ans, le témoin d’un drame, le meurtre sanglant d’une militante écologiste. Malgré le froid polaire, tous ont répondu présents, intrigués par ce bien étrange appel, anonyme qui plus est. Un par un, une ex-ministre, un journaliste, un activiste vert, la veuve d’un homme d’affaires et une adolescente un peu spéciale, se regroupent dans l’ancienne salle de bal du géant des mers autour d’un énigmatique capitaine.

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L’atmosphère est tendue. Tous se toisent, se jaugent. Les faux-semblants vont bon train. D’aucuns font mine de ne pas reconnaître l’autre. Pourtant, tous ont un lien, un rapport avec ce quis’est passé sur ce rafiot errant. La plupart étaient présents lors du drame. Derrière les sourires de façade, les paroles rassurantes, tous n’ont qu’un objectif découvrir qui les a réunis. Explorant les lieux, les différents protagonistes de ce thriller angoissant autant que drolatique vont tous finir par tomber le masque et montrer leur vrai visage, leur véritable nature.

Puisant dans sa foisonnante imagination, la Belge Anne-Cécile Vandalem cisèle un huis-clos cinglant et glacial. Abordant les sujets de société qui la touchent, l’auteure et metteuse en scène livre un polar théâtral d’émancipation, où elle brocarde l’inefficacité des politiques à lutter contre le réchauffement climatique, les petits arrangements avec la vérité, avec leur conscience, le lobbying des multinationales à vouloir déloger les populations locales de leur habitat séculaire pour plus de profit. Bien qu’alambiquée et brumeuse, moins bien structurée, ficelée que celle de son précédent opus, Tristesses, l’intrigue comme dans tout bon policier, joue sur les fausses pistes, les chausse-trappes pour mieux dénoncer le ou les coupables.

Entre fiction et documentaire, Anne-Cécile Vandalem conjugue à nouveau théâtre et cinéma sans arriver à fluidifier tout à fait le passage de l’un à l’autre. Il en résulte une mise à distance, un détachement avec les personnages. S’appuyant sur l’extraordinaire scénographie, signée Ruimtevaarders, elle convie les spectateurs à une visite en temps réel du paquebot de luxe reproduit aux détails près. Des coursives à la salle de réception au style Art déco, la metteuse en scène mène tambour battant un récit entre Shinning et la croisière s’amuse tout en dirigeant de mains de maître sa troupe habituelle, composées de comédiens fort talentueux. Contrebalançant le fantasmagorique avec l’humour noir, l’épouvante avec la folie douce, elle signe une pièce certes moins efficace que Tristesses, mais tout aussi engagée.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé Spécial à Avignon


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Arctique d’Anne-Cécile Vandalem
Festival d’Avignon 2018
Odéon – théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier
1 Rue André Suares
75017 Paris
Du 18 janvier au 10 février 2019
du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 15h. Relâche le 20 janvier.
durée 2h

Mise en scène d’Anne-Cécile Vandalem
Scénographie de Ruimtevaarders
avec Frédéric Dailly, Guy Dermul, Eric Drabs, Véronique Dumont, Philippe Grand’Henry, Epona Guillaume, Zoé Kovacs, Gianni Manente, Jean-Benoit Ugeux & Mélanie Zucconi
collaboration à la dramaturgie Nils Haarmann, Sarah Seignobosc
composition musicale de Pierre Kissling
lumière d’Enrico Bagnoli
son d’Antoine Bourgain
vidéo de Federico D’Ambrosio
costumes de Laurence Hermant
maquillages et coiffures de Sophie Carlier
montage vidéo d’Yannick Leroy
cadrage de Leonor Malamatenios et Tom Gineyts
création costumes de Laurence Hermant
accessoirisation et emsembliage de Fabienne Müller
directeur technique et régie générale de Damien Arrii et Marc Defrise
régie vidéo de Frédéric Nicaise
régie lumière de Léonard Clarys
régie son d’Antoine Bourgain et Théo Jonval
régie plateau de Clara Pinguet et Baptiste Wattier
production de tournée Marie Charrieau
direction de production Audrey Brooking
production Das Fräulein (Kompanie)

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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