© Jéssica Lima/ Laranja

Azira’i : Zahy Tentehar dans la voix de sa mère

À l’occasion de l’invitation faite au Brésil dans le cadre du Festival Off Avignon, l’actrice sud-américaine présente à La Manufacture un solo tendre et émouvant.
9 juillet 2025

Se retrouver sur scène tient rarement du hasard. C’est d’autant plus vrai pour Zahy Tentehar, qui a grandi dans un village indigène du Brésil. Fille de la chamane Azira’i, son enfance a notamment été marquée par la place qu’occupait sa mère au sein de la société autochtone. Mais pour la jeune femme, qui connaissait la figure autoritaire par-delà l’aura du sacré, l’héritage maternel n’avait rien d’évident. Pourtant, à bien y regarder, son métier d’actrice aujourd’hui semble étroitement lié à ce qui lui a été transmis. En tant que benjamine, c’était en effet à elle de recevoir l’enseignement des rituels. Encore fallait-il en prendre conscience…

Langue maternelle
© Daniel Barboza

Dans l’intimité de la confession, c’est ce parcours que suit Zahy Tentehar avec cette pièce qui porte pour titre le nom de sa défunte mère. Alternant le portugais et le ze’eng eté – sa langue natale –, la comédienne retrace son histoire personnelle comme si elle la redécouvrait pour elle-même. D’anecdote en récit, de légèreté en émotion, elle laisse ainsi surgir du passé des bribes de ce qui l’a construite au fil du temps. Dans ce cheminement qu’elle offre généreusement au public, elle semble reconstituer son héritage morceau par morceau.

Cela passe notamment par la voix et les chants, autour desquels gravite toute l’écriture de ce spectacle. Les lamentations traditionnelles ont beau y rencontrer des références musicales plus pop – comme Lady Gaga ou Shakira –, il est bel et bien question d’une manière commune de s’exprimer. À ces démonstrations vocales, qui rythment la pièce avec douceur et poésie, s’ajoutent des litanies en ze’eng eté, auxquelles l’artiste refuse d’apporter une traduction. De la sorte, Zahy Tentehar plonge au cœur de l’autre sujet de sa pièce : celui du cérémonial et de la part spirituelle du théâtre.

À l’unisson
© Leo Aversa

Remonter le fil de son existence devient alors pour elle une expérience à part entière. En prenant les spectateurs à témoin, la scène lui permet de convoquer le souvenir de sa mère comme on tente de dialoguer avec les disparus. De sa mémoire émergent des gestes, des regards, des vêtements ou des sons qui fonctionnent presque comme une prière. Bientôt, en réponse, le visage d’Azira’i se dessine et sa voix se fait entendre. Une même musicalité finit par unir les deux générations. Là, pour la première fois et avec une belle sensibilité, Zahy Tentehar chante avec sa mère.

Le contexte est radicalement différent, mais la pratique est bien la même. En se dévoilant à elle-même, l’actrice tisse des liens solides entre théâtre et chamanisme. Il s’agit dans les deux cas de faire entrer en dialogue des présences et des absences, des forces et des faiblesses, un passé et un présent. Au cours de sa pièce construite comme une succession de saynètes aux registres variés, Zahy Tentehar garde le fil d’un récit particulièrement touchant. Imperceptiblement, celui-ci mène le public dans une introspection qui ne lui appartient pas, à laquelle il finit pourtant par s’attacher.


Azira’i de Zahy Tentehar et Duda Rios
La Manufacture (Château de Saint-Chamand) – Festival Off Avignon
Du 5 au 13 juillet 2025 (relâche le jeudi)
Durée 2h20 (trajet en navette compris)

Avec Zahy Tentehar
Conception et dramaturgie – Zahy Tentehar et Duda Rios
Mise en scène – Denise Stutz et Duda Rios
Direction artistique et conception graphique – Batman Zavareze
Costumes – Carol Lobato
Scénographie – Mariana Villas-Bôas
Lumières – Ana Luzia Molinari de Simoni
Direction musicale et bande originale – Elísio Freitas
Concepteur du son – Gabriel D’Angelo
Régisseur Vidéo – Pedro Thomé
Régisseur scène – Edilson Risoleta

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