© Fabienne Rappeneau
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Still : Retrouvailles explosives 

Créée au Théâtre du Chien qui fume dans le cadre du Festival Off Avignon, l’adaptation française de ce Off-Broadway de Lia Romeo, réunit Florence Pernel et Bernard Malaka dans une partition fine et tendue. Mise en scène par Anne Bouvier, cette confrontation amoureuse glisse subtilement de la tendresse aux déflagrations idéologiques.

Helen (flamboyante Florence Pernel), robe rouge et veste en cuir, entre dans le bar d’un hôtel chic de Baltimore. Elle cherche quelqu’un. Mark (Bernard Malaka, impeccable) arrive, pressé. Il ne la reconnaît pas d’emblée. Elle, si. Leurs regards se croisent. Le passé surgit, vif, intact. Aucune gêne. Tout circule comme s’ils s’étaient quittés la veille.

Trente ans se sont écoulés. Quelques retrouvailles furtives, mais leurs routes se sont séparées. Leur amour s’est effrité, rongé par les compromis, les rêves contraires. Elle est partie. Il est resté, figé dans ses convictions, persuadé d’avoir été abandonné. Aujourd’hui, il est avocat d’affaires, tourné vers la politique. Elle, autrice à succès, libre, seule, pas tout à fait apaisée. Entre eux, l’émotion affleure, fragile, puis vacille.

Le trouble refait surface
© Fabienne Rappeneau
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Ils se plaisent encore. Cela se sent dans les silences, les regards, la mémoire du corps. Mais peu à peu, les failles ressurgissent. Ce qui relevait de l’anecdote devient abîme. Les divergences s’exacerbent, les certitudes s’entrechoquent.

Anne Bouvier orchestre avec justesse ce glissement du désir à l’irritation, du souvenir au conflit. La rencontre devient duel. Ils se cherchent, se testent, s’attaquent. Car Still n’est pas un simple retour de flamme. C’est le choc de deux visions du monde, le miroir d’un pays fracturé qui dessine aussi une Amérique divisée, où l’intime et le politique se heurtent.

Le texte de Lia Romeo, adapté par Christian Siméon, mêle cruauté, humour et mélancolie. Il explore ce que le temps fait à l’amour, ce que les silences, les choix, les non-dits détruisent. 

À vif

Florence Pernel donne à Helen une élégance féline, mêlée de fragilité. Bernard Malaka, tout en retenue nerveuse, compose un Mark séduisant, mais verrouillé. Tous deux jouent avec une sincérité brute, sans jamais forcer l’émotion. La mise en scène, sobre, laisse la tension respirer, s’installer dans les silences, les gestes suspendus.

© Fabienne Rappeneau
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Un secret émerge. Il pourrait ruiner la carrière politique naissante de l’un et décharger enfin l’autre d’un poids devenu trop lourd. Mais le machisme et le sexisme de nos sociétés occidentales, soi-disant évoluées, reviennent toujours au galop pour dompter le désir des femmes, leur liberté. Alors rien de révolutionnaire, mais un basculement s’opère. Chacun à sa manière s’est fait son film pour recomposer l’histoire à son avantage. Les mots échangés, les phrases bravaches lancées pour blesser l’autre, que l’on regrette aussitôt, éclairent autrement les fêlures, les éloignements.

L’écriture de Lia Romeo capte ces glissements intimes, ces lignes de fracture invisibles. Son théâtre, à la fois charnel et politique, explore les contradictions humaines avec une tendresse acérée.

Dans le huis clos feutré d’un hôtel, deux êtres se retrouvent. Et comprennent que si l’amour laisse des traces, il ne suffit pas toujours à réparer ce que le temps a brisé.


Still de Lia Romeo
Théâtre du Chien qui fumeFestival OFF Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 –  relâche les 9, 16, 23 juillet 2025
à 18h30  
durée : 1h20

Mise en scène d’Anne Bouvier
adaptation théâtrale de Christian Siméon
Avec Florence Pernel et Bernard Malaka
Scénographie d’Emmanuel Charles
Musique de Philippe Kelly
Lumière de Denis Koransky

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