Comment est né le Théâtre des Doms ?
Sandrine Bergot : Son histoire a des allures de légende. Un ministre belge, de passage à Avignon en 2001, découvre cette belle maison de maître convertie en petit théâtre – l’Escalier – qui est mise en vente. Immédiatement, il persuade son gouvernement de l’acquérir. Si dans un premier temps, le milieu artistique belge francophone, qui aurait sans doute préféré bénéficier de subsides supplémentaires plutôt qu’obtenir un lieu, est réticent, très rapidement, la profession saisit l’atout formidable qu’offre cet espace au cœur du Festival Off d’Avignon. La première édition a lieu en 2003. Depuis, le Théâtre des Doms est devenu une véritable vitrine de la création belge francophone.
Quel est l’ADN du lieu aujourd’hui ?
Sandrine Bergot : S’il fallait choisir un mot, je dirais l’audace. Les artistes que nous accueillons osent des formes singulières, parfois inattendues, innovantes, qu’on voit plus rarement en France. Ils abordent également des thématiques sociétales fortes avec une grande liberté. En France, il existe parfois un poids du texte, une sorte de respect sacré de la langue qui peut freiner certaines expérimentations. En Belgique, cette distance permet peut-être davantage de liberté, et de temps en temps une impertinence salutaire.
Vous avez succédé à Alain Cofino Gomez. Quelles impulsions personnelles avez-vous déjà insufflées ?
Sandrine Bergot : J’arrive avec beaucoup d’humilité. Alain a porté cette maison à un très haut niveau de reconnaissance. Mais j’ai souhaité accorder une place plus importante à la rencontre humaine dans la programmation. Cette année, il irrigue presque l’ensemble de la sélection. J’aime proposer des spectacles accessibles sans renoncer à l’exigence artistique. Certains peuvent être vus en famille, dès l’adolescence.
Vous avez aussi modifié la programmation du Jardin…
Sandrine Bergot : Cette magnifique scène en plein air, aménagée pendant le covid, était jusqu’à présent réservée à des petites formes ou à des performances courtes. J’y programme désormais des spectacles tout terrain pensés pour pouvoir être joués partout : dans une cour d’école, un réfectoire, un salon… Cela participe de notre volonté d’aller à la rencontre des publics.
Comment sélectionnez-vous les spectacles ?
Sandrine Bergot : C’est l’une des spécificités des Doms. Contrairement à de nombreux lieux avignonnais, aux Doms, les artistes n’achètent pas leur créneau, mais candidatent. Je visionne un maximum de propositions, puis tout un processus d’entretien et de rencontre est mis en place. Enfin, on se réunit avec le comité de sélection, afin de constituer une programmation exigeante et représentative de la pluralité de la création belge francophone : théâtre, danse, cirque, jeune public… C’est un véritable puzzle chaque année.
Quels spectacles peut-on découvrir cet été ?
Sandrine Bergot : Par exemple FAST, un spectacle très percutant autour de la fast fashion, qui s’adresse notamment aux adolescents à partir de 13 ans. Il dénonce avec beaucoup de dérision notre rapport compulsif à la consommation de vêtements, sans jamais culpabiliser le spectateur.
Il y a aussi ANNETTE porté par Annette Bossard, 78 ans, qui raconte sa propre vie sur scène, entourée de comédiennes et de danseurs qui rejouent ses souvenirs. Ce spectacle a reçu deux prix au Festival Impatience à Paris cette année.
Enfin, au Jardin, Toutes les choses géniales propose un dispositif immersif où le comédien invite le public à participer au fil du récit d’un enfant tentant de dresser la liste de ce qui rend la vie belle après la tentative de suicide de sa mère. C’est délicat, drôle et très touchant.
Vous avez aussi à cœur d’accompagner les compagnies dans la diffusion.
Sandrine Bergot : Absolument. Avant d’être directrice, j’ai été actrice et porteuse de projet. Je sais qu’un bon spectacle ne suffit pas à lui seul pour tourner. Le travail de diffusion est immense, particulièrement à Avignon. Ici, nous accompagnons activement les compagnies dans cette aventure. C’est l’une des missions principales des Doms.
Cet accompagnement prend plusieurs formes comme la mise en relation avec des programmateur·ice·s, qui bénéficient de places exonérées pour faciliter leur venue, la création de contenus pour étoffer les dossiers de diffusion grâce à notre dispositif d’accompagnement à l’image ou encore des partenariats avec des structures spécialisées, comme On the Move, qui anime chaque année plusieurs sessions de formation à la diffusion à destination des compagnies.
Théâtre des Doms
Festival Off Avignon
Du 6 au 25 juillet 2025