Dans un simulacre de nudité, trois ombres émergent de l’obscurité. Masquées et tout juste vêtues de gaines couleur chair, les silhouettes ressemblent à s’y méprendre à des êtres humains dans leur plus simple appareil. Pourtant, à peine donnent-ils un premier élan à leurs mouvements, que l’image s’évanouit. Avec des gestes fluides, les membres s’étirent et les muscles se contractent, mus par une énergie qui va bien au-delà de l’interprétation collective. Avec Palingénésie, Chuang Po-Hsiang part précisément en quête de ce qui surpasse notre espèce, axant sa chorégraphie autour d’un travail organique qui se préoccupe avant tout d’être vivant.
Pour ce faire, il retire à ses danseurs leurs identités individuelles. Avec le même masque glabre et blême en guise de visage sans expression et sans histoire, les corps des trois interprètes se regardent sans distinction. Au plateau, ce ne sont plus des artistes prêtant leur enveloppe charnelle à l’écriture d’un chorégraphe, mais l’éclosion d’une forme de vie nouvelle. Celle-ci développe son cycle, de la naissance à la mort, dans une esthétique qui puise sa beauté dans l’étrangeté des images.
Créature spirituelle
Dans un geste quasi ininterrompu, Palingénésie donne à voir une forme d’existence protéiforme tout droit sortie d’un rêve… ou d’un cauchemar. Rarement séparés, les individus constituent l’essentiel du temps une créature à trois têtes dont les mouvements, pas tout à fait naturels, intriguent autant qu’ils perturbent. À mesure que la performance se déroule, la sensation est d’autant plus déconcertante qu’une pellicule de sueur se forme sur la peau, où se reflètent des lumières qui semblent composer un tableau entre spectre et fantasme.
La réalité physique et palpable est pourtant bien de mise, elle est même au cœur de l’écriture de cette pièce. Mais celle-ci s’exprime dans une approche spirituelle, en partie défaite d’un rapport à notre humanité. Ainsi, Chuang Po-Hsiang propose une création magnétique et sensorielle, dont la puissance intrinsèque est augmentée par l’interprétation habitée de Huang Shi-Hao, Lee Kuan-Ling, Liao Chien-Hao ou Ong Kuan-Ying. Chacun d’entre eux s’efface au profit de la forme à laquelle il prend part, faisant de Palingénésie cet objet sans égal, à mi-chemin entre le corps et l’esprit.
Palingénésie de Po-Hsiang CHUANG
Condition des Soies – Festival Off Avignon
Du 4 au 26 juillet 2025 (relâche le mercredi)
Chorégraphie : Po-Hsiang CHUANG
Interprétation : Shi-Hao HUANG, Kuan-Ling LEE, Chien-Yao LIAO, Kuan-Ying ONG
Lumière : Ze-Hong TSENG
