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Les Peintres au charbon : L’art comme émancipation

Au 11 • Avignon, Adrian Popineau plonge dans la terre noire des mines du nord de l’Angleterre et porte à la scène la pièce de Lee Hall, inspirée d’une histoire vraie.

Un brouhaha dans la salle. Des gars entrent par deux ou trois, parlent fort, rigolent, s’installent. Le public ne sait plus très bien s’il assiste au début de la pièce ou s’il en fait partie. Le quatrième mur est tombé avant même d’avoir été dressé.

On est en 1930, dans le nord de l’Angleterre, dans une cabane de chantier. Il y a le bourru, le jeune chômeur, le désabusé, le syndicaliste, le rêveur. Ils viennent ici comme on prend l’air, loin de leur univers noir charbon. Ils voulaient suivre des cours d’économie ; faute de moyens, ce sera la peinture.

Quand la peinture déplace les lignes
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Au plus près des comédiens et des comédiennes, le public se laisse peu à peu happer par ce récit simple et bouleversant, inspiré d’un fait réel. Lee Hall, scénariste de Billy Elliot, retrouve ici la force de son écriture. Il porte une attention constante aux invisibles, évite le pathos, glisse un humour discret et une tendresse rugueuse. Il esquisse le portrait de ces mineurs gouailleurs, cabossés, mais fiers, qui découvrent la peinture comme on ouvre une brèche dans le quotidien.

C’est une fable sociale, drôle et émouvante, qui interroge ce que l’art peut faire à nos vies. Sans angélisme, sans miracle. Juste cette idée tenace que l’art peut surgir partout, même au fond des mines. 

Une rencontre inattendue

Dans cet espace brut, les gars se retrouvent comme à leur habitude, entre eux. Et puis elle entre. Seule, cartable à la main, le pas calme, les mots mesurés. C’est la prof. Une universitaire, un peu raide au premier abord, un peu décalée, mais attentive et résolument curieuse. Valentine Galey lui prête ses traits avec une belle acuité, mêlant finesse intellectuelle et maladresse touchante, retenue apparente et feu intérieur.

Face à elle, des ouvriers drôles, fiers, dubitatifs, parfois machistes, mais jamais méchants. Ils testent, ricanent, provoquent. Elle tient bon. Les cours du soir commencent. Ils ont choisi la peinture par défaut, pensant à une lubie de bourgeois. Mais l’art gratte, résiste, s’infiltre. Et puis, sans prévenir, ça prend.

Les mots fusent, les idées s’attrapent, la parole se cogne au réel. Quelque chose change. Ce n’est pas une leçon, mais un apprentissage mutuel. Deux mondes se jaugent, se frottent, s’écoutent. Les classes sociales se croisent, se répondent. Et l’art devient un terrain d’émotion partagée, un levier pour penser, ressentir, exister autrement.

Une scénographie du possible
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Pas de toiles aux murs, pas de pinceaux. La mise en scène d’Adrian Popineau fait le choix de l’épure. Plutôt que d’illustrer les tableaux du Ashington Group, il s’attache aux corps, aux présences, aux jeux. Des tableaux blancs dressés, vierges, à chacun d’y projeter ses images.

L’imaginaire du spectateur est sollicité. On voit naître des œuvres là où il n’y a que gestes, silences, regards. La scène devient un atelier mental, une fabrique de récits.

S’il reprend certains codes de la mise en scène de Marc Delva, Adrian Popineau propose ici une relecture sobre, incarnée, où l’écoute de plateau prime sur tout effet.

Une galerie d’interprètes hauts en couleur

Les comédiens – Adrien PopineauValentine GaleyMati GaleyNikola KrminacLouise Dupuis, Fabien Floris, et Benoit Dallongeville – portent cette matière vive avec une justesse précieuse. Il y a de la gouaille, de la tendresse, de la fragilité dans leurs gestes, leurs silences, leurs élans.

Et puis vient le geste final. Une vidéo. Celle des véritables peintres d’Ashington. Non pour illustrer, mais pour témoigner. Quelques œuvres surgissent, brutes, puissantes. Elles disent simplement : c’est possible. De la mine à la toile, du réel à l’imaginaire, il n’y a parfois qu’un trait de crayon.


Les Peintres au Charbon de Lee Hall
11 • AvignonFestival Off Avignon
5 au 24 juillet 2025 – relâches
à 13h05
durée 1h35


Mise en scène d’Adrien Popineau
Avec Adrien Popineau, Valentine Galey, Mati Galey, Nikola Krminac, Louise Dupuis, Fabien Floris, Benoit Dallongeville 
Création lumière de François Leneveu 
Scénographie de Fanny Laplane 
Régisseur tournée – Léo Delorme

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