Le plateau est dépouillé. Face à un écran noir tendu en fond de scène, deux tabourets, un banc et deux violons composent le seul décor. Dans un silence presque religieux, tandis que les derniers spectateurs s’installent, six femmes – quatre danseuses, une musicienne, une chanteuse – entrent en scène et investissent l’espace.
Une chorégraphie de la mémoire
Tout est mesuré, précis, habité. Selma et Sofiane Ouissi rendent hommage à l’artisanat ancestral de Sejnane, au nord de la Tunisie, où ils ont rencontré en 2011 les potières qui ont inspiré cette création. Leur immersion a donné naissance à une pièce sensorielle et profondément incarnée.
Dans cette région, les femmes s’organisent en coopérative et perpétuent un savoir-faire transmis de génération en génération. Elles fabriquent à la main les laaroussa, petites poupées d’argile, en reproduisant des gestes appris dès l’enfance. Reprenant leur routine quotidienne, leur rituel, les deux chorégraphes ont imaginé un premier duo sensible. Aujourd’hui, à l’occasion de la 79e édition du Festival d’Avignon, ils en écrivent une version pour quatre nouvelles interprètes, afin de faire vivre cette mémoire dans d’autres corps.
Assises, les danseuses miment ces gestes ancestraux. Elles ne les reproduisent pas simplement, elles les stylisent, les transforment en mouvement, en partition chorégraphique. Par moments, elles pétrissent une matière invisible. À d’autres, elles la malaxent, la creusent, la remodèlent et ancrent ainsi leur corps dans un rituel.
Une communauté féminine et ancestrale
À l’arrière-scène, des vidéos tournées à Sejnane montrent les mains enduites d’argile, les visages concentrés, les réunions de femmes. Un dialogue entre la scène et les images voit le jour. La danse semble répondre aux artisanes, donner corps à leur pensée et mettre en lumière une langue commune du geste.
Avec Larroussa Quartet, Selma et Sofiane Ouissi interrogent la capacité du corps à devenir espace de transformation et lieu de transmission. Certaines images sont d’une beauté rare, d’autres s’étirent ou se répètent. Le temps se suspend parfois, le plus souvent il se perd dans un tableau contemplatif. La lenteur hypnotise, mais parfois, déroute. L’attention finit par vaciller et le fil narratif, trop itératif, se perd. Mais la dernière séquence rassemble tout. Une transe discrète. Un souffle partagé d’une communauté, d’une utopie ancestrale qui croit au collectif.
Larroussa Quartet de Selma et Sofiane Ouissi
La FabricA – Festival d’Avignon
du 6 au 8 juillet 2025
Durée 1h10 environ
Conception, dramaturgie et chorégraphie de Selma et Sofiane Ouissi
Avec Amanda Barrio Charmelo, Sondos Belhassen, Marina Delicado Bellmunt, Moya Michael, Chedlia Saïdani
Dramaturgie sonore et musicale de Tom Pauwels
Composition musicale d’Aisha Orazbayeva
Mixage composition musicale de Peiman Khosravi
Scénographie et lumière de Simon Siegmann
Design sonore mixage – Raphaël Hénard
Création vidéo de Nicola Sburlati
Image de Cecil Thuillier, Pierre Déjon
Prise de son vidéo – Jonathan Le Fourn
Costumes deSabrina Seifried
Récolte, transcription et traduction de poésie – Basma El Euchi
Régie générale – Mohamed Hedi Belkhir