Dans une salle de classe, les spectateurs prennent place comme des élèves attendant un professeur. Devant eux, un immense tableau Velleda, deux chaises et une table composent le décor, minimaliste à souhait. À peine installés, une voix féminine les interpelle : « Toi, qu’est-ce que tu ferais ? Arrêter ou continuer ? » C’est alors que Thalja, une jeune femme racisée, sort des rangs. Interprétée par la remarquable Galla Naccache-Gauthier, l’adolescente s’adresse directement à chacun des spectateurs en parlant d’elle à la troisième personne. Ce léger décalage, subtil mais essentiel, ouvre un espace réflexif et suspend le jugement.
Née dans une cité de la banlieue lyonnaise vouée à la destruction, Thalja voit sa vie basculer à l’âge de deux ans, lorsque sa mère est mutée dans le Jura, aux Rousses, pour gérer les canons à neige. Là-bas, elle chausse des skis avant même de savoir marcher. Elle semble alors lancée vers un avenir tout tracé : blanc, sportif, fulgurant. Mais un jour, elle bifurque. Une forêt, une fugue, une révélation… Le chemin qui s’ouvre n’est peut-être pas celui qu’on avait prévu pour elle.
L’épure du geste
Avec presque rien – un cahier, un sac, quelques gestes –, La neige est blanche fait jaillir une parole vive et pudique. Une parole sur le choix, le déracinement, la quête de soi et sur ce que signifie être une adolescente racisée dans un monde de compétition. Sur la joie brute de la glisse, sur la montagne comme mythe autant que mirage. Sur les ancêtres que l’on découvre parfois en fuyant.
Marine Mane s’empare avec ingéniosité du texte qu’elle a commandé à Béatrice Bienville et orchestre avec finesse ce théâtre d’adresse, conçu en dehors des boîtes noires, et qui convoque les paysages intérieurs avec une grande délicatesse. À la fin, un échange s’installe. Comme au début, les spectateurs sont invités à répondre. Mais cette fois, chacun comprend un peu mieux de quoi il est question.
La Neige est blanche de Béatrice Bienville
Présence Pasteur – Festival Off Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 – relâches les 8, 15, 22 juillet 2025
à 11h00
durée : 50 min
Mise en scène de Marine Mane
Avec Galla Naccache Gauthier