Dans ce solo pudique, Yasmine Yahiathène imagine un cadre pour briser le silence, le tabou et la honte. Elle y convoque la figure d’un père mutique, réfugié dans l’alcool, meurtri par son départ d’Algérie dans les années 1960.
Terrain miné

Armée d’un pinceau, la performeuse trace de longues lignes blanches sur le sol. Tandis que le public s’installe, un terrain de football prend forme, progressivement. Et c’est d’ailleurs la finale de la Coupe du monde 1998 qui ouvrira le spectacle. L’énergie du match passe de l’écran à la scène, et rien, dans la légèreté de ces débuts, ne laisse présager que, très vite, le cœur ne sera plus à la fête.
Dans chacun de ces souvenirs, le père de Yasmine Yahiathène tient toujours un verre à la main. Se refusant à tout sensationnalisme malvenu, avec une rare pudeur, l’artiste explore ces pellicules pour y déceler des signes, des explications — en vain. Les mots, elle tente de les arracher aux bobines d’une cassette qu’elle étire, rejoue, déforme — en vain. Souvenirs d’enfance en bataille, séquences festives et complices, regards fuyants : les fragments défilent.
Un trompe-l’œil
Loin des grands discours, l’artiste imagine un spectacle méthodique, qui construit son décor à vue, à la manière de Koulounisation de Salim Djaferi, avec lequel sa pièce a souvent été présentée en diptyque. Dans ce solo en trompe-l’œil, la performeuse fait autant bouger les lignes qu’elle ritualise un même tracé, comme si de ce cadre familier pouvait advenir un semblant de happy end. Après tout, chaque match garde son lot de surprises.
Si le spectacle n’apporte jamais de réponse, il dessine, avec une tendresse peu commune, de larges zones d’ombre dans lesquelles on aime s’aventurer. Héritage impossible, barrière de la langue, traumatisme intergénérationnel : La Fracture est un bonbon doux-amer, qui peut laisser sur sa faim, mais dont on garde longtemps le goût en bouche.
La Fracture de Yasmine Yahiatène
Théâtre des Doms – Festival Off Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 – Relâches les mercredis 9, 16 & 23 juillet 2025
à 19h
Durée 55 min
Conception et interprétation – Yasmine Yahiatène
Dramaturgie et co-conception ) Sarah-Lise Salomon Maufroy
Collaboration artistique et co-conception – Olivia Smets & Zoé Janssens
Création sonore de JérémyDavid
Création vidéo : Samy Barras
Régie vidéo et lumière : Samy Barras, Jean-Maël Guyot & Hugues Girard en alternance
Régie son : David Jérémy, Coutant Martin en alternance
Création lumière : Conception et interprétation – Yasmine Yahiatène
Dramaturgie et co-conception ) Sarah-Lise Salomon Maufroy
Collaboration artistique et co-conception – Olivia Smets & Zoé Janssens
Création sonore de JérémyDavid
Création vidéo : Samy Barras
Régie vidéo et lumière : Samy Barras, Jean-Maël Guyot & Hugues Girard en alternance
Régie son : Jérémy David en alternance avec Martin Coutant
Création lumière – Charlotte Ducoussu