© Laurent Rousselin

J’ai plusieurs terres : Mémoires d’un racisme ordinaire

Au Festival Off Avignon, dans la salle Tomasi de La Factory, Mavikana Badinga enquête avec poésie sur l’histoire de sa famille et de ses origines pour mieux se comprendre elle-même.
17 juillet 2025

De quoi notre mémoire intime est-elle constituée ? Et comment trouve-t-elle sa place dans la grande marche du monde ? En enquêtant sur son passé familial, Mavikana Badinga ne s’attendait peut-être pas à ouvrir tant de portes. Pourtant, à travers la figure de son grand-père, son histoire se lie étroitement à celle de la Françafrique et de tout ce qui en découle. Originaire du Gabon, née en Belgique et habitant en France, la jeune femme retrace les multiples étapes qui ont fait celle qu’elle est aujourd’hui. Dans J’ai plusieurs terres, elle mêle vérités historiques et quête d’identité personnelle, dans une forme généreuse et essentielle, loin de toute leçon de morale.

Mavikana Badinga n’est pas venue régler des comptes. Au plateau, elle a plutôt pour ambition de mettre à profit les outils du théâtre afin de transmettre des récits. À travers une écriture qui oscille entre le documentaire et la poésie, elle déroule son texte sur trois niveaux, qui s’entremêlent avec un bel équilibre. Il y est question à la fois de l’héritage de sa famille, lui-même très dépendant de l’histoire coloniale africaine. Dans la continuité de ces deux lignes narratives, une troisième se fraie alors un chemin autour de la représentativité des personnes noires.

“Il n’y aura jamais eu autant de noirs sur un plateau”

En revivant les étapes-clés de son apprentissage personnel, de l’enfant naïve qu’elle était à la jeune adulte consciente qu’elle est devenue, Mavikana Badinga met à jour un racisme systémique profondément ancré dans nos sociétés. Derrière son sourire et sa joie de vivre communicative, se lisent la résilience, l’écrasement et l’acceptation. Mais J’ai plusieurs terres est aussi l’espace de la réparation, celle d’une injustice vouée au silence.

Dans une scénographie qui donne un véritable sens à son propos, elle convoque quelques-unes des personnalités noires qui ont contribué à fabriquer le monde dans lequel nous vivons tous. Ces noms et ces visages, inconnus du grand public en raison de leur couleur de peau, viennent ainsi peupler l’espace avec puissance. L’histoire n’en sera pas changée, mais dans sa justesse et sa rigueur, cette création aura au moins permis d’élargir le regard.


J’ai plusieurs terres de et avec Mavikana Badinga
Salle Tomasi – La FactoryFestival Off Avignon
Du 5 au 26 juillet 2025 (relâche le mardi)
Durée 1h10

Texte Mavikana Badinga (Koïnè éditions)
Avec Mavikana Badinga
Mise en scène Mavikana Badinga, Julien Graux, Raquel Silva
Dramaturgie – Julien Graux, Raquel Silva
Création lumières, vidéo – Sébastien Sidaner
Ingénieur du son – Maxence Collart
Régie son (festival Avignon) – Clara-Lou Collart
Scénographie – Alexandrine Rollin, Sébastien Sidaner
Construction Alexandrine Rollin
Témoignages, voix off, chant – Marie-Madeleine Sousatte
Collaboration graphique – Kofoh Nzau Conception costume Alexandra Épée Confection costume – Marie-Madeleine Sousatte

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