Hervé Pierre - Noémie Pierre - Clotilde Mollet © Dominique Racle
© Dominique Racle

Hervé Pierre, Clotilde Mollet et Noémie Pierre : Une histoire de famille

Comme il arrive souvent chez les artisans, les familles travaillent ensemble. C’est dans cet esprit qu’ils s’étaient réunis pour « Moman ! Pourquoi les méchants sont méchants » de Jean-Claude Grumberg. Ils poursuivent l’expérience, avec « Nous sommes vivants », la première pièce de Clotilde Mollet.
2 juillet 2025

Comme dans toute promenade en famille, ils arrivent à la Scala Paris en groupe. Il y a d’abord la fille Noémie Pierre, artiste plasticienne, sérigraphe, illustratrice et metteuse en scène. À ses côtés se tient la mère, l’actrice et maintenant autrice, Clotilde Mollet. Fermant la marche, le nez au vent, on trouve le père, le comédien Hervé Pierre.

Pour avoir joué deux saisons la très belle pièce de Grumberg à la Scala, ils sont un peu à la maison. Ils seront bientôt dans celle d’Avignon, qui durant toute la durée du festival Off, programme leur nouvelle création, Nous sommes vivants. Ils sont agréablement surpris d’apprendre qu’il y a déjà des réservations. L’effet Moman ! y est pour beaucoup… 

Une famille de saltimbanques heureux
Hervé Pierre - Clotilde Mollet - Noémie Pierre - Nous sommes vivants © Pierre-Marie Croquet
Nous sommes vivants de Clotilde Mollet © Pierre-Marie Croquet

On s’installe autour d’une table du restaurant. Prendre une commande auprès des Pierre-Mollet raconte un peu de leur caractère. Noémie tranche vite, Hervé réfléchit quelques secondes et Clotilde hésite longuement. Il règne entre eux une très belle complicité nourrie par la tendresse et l’humour. C’est par un grand éclat de rire que Noémie répond à ma question : Pourquoi le théâtre et en plus avec les parents ? Parce qu’elle en avait marre qu’ils soient rarement disponibles les dimanches ? « Passé l’adolescence, il y a toujours une période où l’on se réconcilie avec ses parents. Pour moi, c’est passé par le travail. Le plus rigolo étant le moment où j’ai fini par les appeler par leur prénom ».

Dessiner, mettre en scène, c’est toujours une histoire de planches 

Si le théâtre n’a pas été son premier choix, Noémie possède une âme d’artiste. « J’ai toujours dessiné. C’était la matière où je m’exprimais le mieux ». Sortie des Beaux-Arts de Cergy, où elle s’était « quand même » spécialisée en scénographie, elle se projetait dans l’imprimerie et la sérigraphie. « Finalement, que je le veuille ou non, raconter des histoires, c’était tout de même aussi mon truc depuis très longtemps. Je me suis rendu compte que la mise en scène pouvait convoquer plein de choses que j’aime faire, peindre, dessiner… Et puis, j’adore travailler avec Hugo Vercken, qui m’accompagne depuis plus de dix ans. Il a fait la musique de Moman ! et celle de Nous sommes vivants. Quant à mes parents, j’avais des expériences avec l’un et l’autre par des lectures, des choses comme ça ! »

Moman ! - Jean-Claude Grumberg © Thomas O'Brien
Moman ! de Jean-Claude Grumberg © Thomas O’Brien

Je me tourne vers Hervé Pierre. Est-ce pour ces fameuses « choses comme ça ! » qu’il a fini par quitter le Français. Il sourit. « Je l’ai fait justement pour pouvoir retrouver des projets qui sont plus modestes, plus simples. Ça me manquait. J’étais heureux de retrouver Pierre Meunier pour la reprise de L’homme de plein vent. Après quinze ans de Comédie-Française, c’est vrai que j’avais envie de retrouver Clotilde sur les planches. Nous nous sommes retrouvés avec le spectacle Tachkent, de Rémy De Vos, mise en scène par Dan Jemmett, spectacle sur lequel Noémie était assistante du metteur en scène. »

Les premiers pas avec Grumberg

Ils ont poursuivi avec Moman ! de Jean-Claude Grumberg. Clotilde prend la parole. « Au départ le projet était porté par Charles Tordjman. Quand on s’est retrouvé sans lui, on a décidé de poursuivre. L’évidence s’est alors imposée. C’était assez simple de se lancer tous les trois. » Noémie, qui devait assister Charles, s’est prise au jeu. Sa mise en scène tourne autour de cette excellente idée dramaturgique où Hervé Pierre joue la mère et Clotilde le petit Louistiti. « Et quand ça se retourne, on est dans le réel » rappelle Hervé Pierre. « Je deviens le Louistiti de 50 ans. Je trouvais ça très beau. » La pièce qui a connu un très beau succès part en tournée la saison prochaine.

Du fait maison
Tachkent - Rémi De Vos © Paul Bourdrel
Hervé Pierre et Clotilde Mollet entouré de Grégoire Œstermann, Valérie Crouzet dans Tachkent de Rémi De Vos, mis en scène de Dan Jemmett, assistée de Noémie Pierre © Paul Bourdrel

Après cette histoire de famille conçue en famille, les revoilà à retravailler ensemble sur une autre histoire… de famille, avec Nous sommes vivants, un texte de l’autrice maison. Noémie explique : « Frédéric Biessy m’a proposé de travailler avec Hugo Vercken pour monter un spectacle. On s’est échangé des textes, mais on ne trouvait pas. Et puis, à un moment, Clotilde m’a dit : « Moi, j’ai écrit une pièce, est-ce que je peux te faire une lecture ? » Elle me l’a lue et j’ai eu un énorme coup de cœur. Je l’ai envoyé à Hugo qui m’a suivi. Ce texte est très intime. Il y a des éléments qui font partie de notre histoire familiale, mais qui en même temps débordent sur la mémoire, sur le souvenir, sur le théâtre. J’ai été émue tout de suite par la proposition parce que c’est un texte qui est d’ordre poétique. »

L’inspiration surgit comme et quand elle veut

Cette pièce, Clotilde Mollet la porte en elle depuis longtemps. Quand on lui demande ce qui l’a inspirée pour se lancer dans son écriture, elle répond : « Je jouais avec Catherine Hiegel, Trois femmes de Catherine Anne. Un jour, j’entends Catherine qui parlait avec quelqu’un dans sa loge, je ne les voyais pas. Elle disait : « Il faut faire du sport. Alors, je sais faire ça, regarde… et ça… Ça je n’y arrive pas encore… et ça… Mais là, ce n’est pas facile parce que j’ai mes chaussures. Il faut le faire sans chaussures… » J’entendais la « petite fille » que Catherine rêvait d’incarner. Je suis rentrée chez moi, et j’ai commencé à écrire cette pièce pour Catherine en lui empruntant ses propres mots surpris auparavant. Je n’ai jamais osé lui montrer. »

Une famille au service de la famille

« C’est l’histoire d’une fratrie, une grande sœur avec un petit frère », ou plutôt d’une adelphité puisqu’il s’agit d’un frère et d’une sœur. « La fille, plus âgée que le garçon, décide très vite de prendre en charge l’éducation de son petit frère. Et au fur et à mesure qu’ils grandissent, on s’aperçoit que, s’ils ont vécu les mêmes choses, ils n’en ont pas gardé les mêmes souvenirs. On sent aussi qu’une catastrophe est passée par là. On ne sait pas de quel ordre, parce que c’est peut-être une catastrophe naturelle ou pas, mais la catastrophe est là.» 

Hervé Pierre - Clotilde Mollet - Noémie Pierre - Nous sommes vivants © Pierre-Marie Croquet
Nous sommes vivants de Clotilde Mollet © Pierre-Marie Croquet

Hervé Pierre poursuit, « Je l’ai trouvé formidable parce que cela allait rendre hommage aussi au spectacle vivant, au métier de l’acteur. Et que donc ce texte qui parle de la transmission et de la mémoire, de l’idée qu’on joue à jouer toute une vie parce qu’on passe de l’enfance à la vieillesse. Et que ce soit Noémie qui nous installe dans cette proposition, c’est très réjouissant et très émouvant. »

Un bel ensemble

Pour Noémie, le désir de poursuivre une aventure avec ses parents était une évidence. « On ne change pas une équipe qui gagne ! » Hervé Pierre rajoute « On s’était dit que c’était trop bien et qu’il fallait que l’on continue. Les hasards de la vie font que l’écriture de ce texte par Clotilde crée un coup de cœur formidable chez Noémie, chez Frédéric Biessy, et chez moi. »

Noémie reprend la parole. « J’ai essayé d’être au plus proche de la forme poétique de ce texte qui est très riche et où il se passe plein de choses. Il y a une dimension comique et absurde qui me séduit énormément. Aujourd’hui, je me rends compte que pour ce projet, je suis forte de l’expérience de Moman ! Je continue à apprendre et c’est un vrai plaisir. Et je suis rassurée d’avoir ma place à cet endroit-là, avec eux. »  Pour conclure, je lui demande si c’est amusant de voir ces parents, qui sont de grands interprètes, jouer comme des enfants, à s’engueuler comme des adultes ? Tous les trois éclatent de rire.


Nous sommes vivants de Clotilde Mollet
La Scala Provence Festival Off Avignon
Du 5 au 27 juillet 2025 à 15h30, relâche lundi
Durée 1h15.

Mise en scène et scénographie de Noémie Pierre
Avec Hervé Pierre et Clotilde Mollet
Musique d’Hugo Vercken
Lumière de Nieves Salzmann
Costumes de Siegrid Petit-Imbert.

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