© Ryszard Karcz

FAST, une immersion ingénieuse sur les dérives de la fast fashion

Au Théâtre des Doms, Olivier Lenel et Didier Poiteaux font défiler les pans les moins reluisants de l'industrie du textile avec FAST ou peut-on se réapproprier nos désirs dans une société de consommation ? . Une immersion documentée d'une simplicité trompeuse.
8 juillet 2025

Ça n’a l’air de rien. Quelques interactions spontanées qui fusent de part et d’autres dans un espace bi-frontal. À la manière d’un défilé, FAST imagine un face à face. Depuis la fosse comme du haut des gradins, Olivier Lenel et Didier Poiteaux se mettent à hauteur de spectateur. Et c’est bien ce qui est en jeu dans cette pièce, un spectateur face à lui-même, accompagné dans ses questionnements par les deux artistes.

 © Ryszard Karcz

C’est l’une des industries les plus polluantes et il est presque impossible d’y échapper. Les deux artistes mettent à nu les stratégies marketing à l’œuvre derrière ce qui nous semble relever de choix anecdotiques. Derrière l’immédiateté d’un achat, on nous explique que ce sont près de 20 000 kilomètres qui sont parcourus par nos vêtements et des dizaines de milliers de tonnes de pesticides qui empoisonnent des champs de coton. Exploitation éhontée des ouvriers du sud global, flicage généralisé des travailleurs, gaspillage massif de ressources naturelles (et de ces produits mêmes qui les ont mobilisées), le tableau s’avère très préoccupant.

Avec leur sous-titre « Peut-on se réapproprier nos désirs dans une société de consommation ? », le duo belge donne le ton. Il sera question de la fabrication du « besoin », du début du problème. Le besoin d’avoir, de posséder, d’acheter maintenant. Quelque part entre consommation ostentatoire, pression des pairs et distinction sociale, le vêtement est un bien positionnant.

Loin d’un réquisitoire contre le consommateur lambda, FAST imagine plutôt un grand jeu dans lequel la dramaturgie est si habile qu’elle se laisse oublier. Il est difficile de tracer les contours de cette écriture aussi informative qu’oralisée.

Face à ce quatrième mur chahuté, le spectateur oublie ce qu’il croit savoir de son rôle. Le public est aussi bien celui d’un jeu TV, celui d’une assemblée d’actionnaires ou encore celui d’un défilé. Des commentaires parcourent l’assistance, on tend spontanément son téléphone pour immortaliser certains tableaux, on se prête vite à ce jeu de question-réponse.

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C’est ce relâchement du public qui permet d’incorporer ces interrogations sur la consommation textile. Pour éviter que l’exercice tourne à la leçon de moral, FAST mise sur l’introspection, fondant sa construction sur ce qui nous rassemble. Puisque dans la salle, personne n’était nu, tout le monde était concerné.

Depuis la fabrique du « besoin » de consommer à la mise en scène de son urgence (à coups de chronomètres en ligne, de promotions et autres affichages des stocks), le marketing donne évidemment le la de cette gigantesque supercherie. Mais ce sont bien nos comportements qui la nourrissent. 

C’est en somme une plongée habile, finement documentée, dont on ressort avec des pistes claires à envisager et une furieuse envie de changer le monde.


FAST ou, peut-on se réapproprier nos désirs dans une société de consommation ? de Dider Poiteaux.
Théâtre des Doms – Festival Off Avignon
5 au 26 juillet 2025 – relâches les mercredis 9, 16 & 23 juillet 2025
à 10H30
Durée 1h10
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Conception et jeu – Olivier Lenel, Didier Poiteaux
Soutien à la mise en scène – Valériane De Maerteleire
Scénographie de Sofia Dilinos
Costumes de Perrine Langlais
Création lumière de Pier Gallen
Montage sonore – Roxane Brunet
Création musique de Matthieu Viley
Régie – Greg Tempels, Pier Gallen
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