Une voix s’élève au milieu du chant tonitruant des cigales. C’est celle de Johanna de Lebendig, ancienne cantatrice et grand-mère flamboyante. Diva haute en couleur, un brin mégalo, elle impose sa présence comme elle a occupé la vie de ses proches, avec excès, passion et maladresse. Face à elle, Michel, son fils, vit en retrait. Acrobate effacé, il semble avoir appris à se taire plutôt qu’à exprimer ce qu’il ressent.
Joan, la petite-fille, tombe amoureuse de Chiara. Mais dire « je t’aime » n’a rien d’évident quand on ne l’a jamais entendu. Elle se plonge dans les enregistrements de sa grand-mère, tente de lire entre les silences, de remonter le fil de ce qui n’a pas été transmis par les mots.
Trio sensible
Trois interprètes portent ce récit familial avec une tendresse retenue et une grande intensité. La mezzo-soprano Camille Brault donne à Johanna une force vocale et émotionnelle saisissante. Antoine Lafon incarne Michel par le mouvement, entre tension et effacement. Clara Serayet, dans le rôle de Joan, avance avec une émotion discrète, entre retenue et désir de dire.
La mise en scène trace des lignes simples, laissant la place aux corps, aux silences, à la musique. Les portiques deviennent des souvenirs suspendus. Chaque geste, chaque souffle, semble chargé de ce qui n’a pas pu être formulé.
Sans pathos, mais avec une grande délicatesse, Elö ! touche au sensible. Même si parfois l’esprit divague, ou si le regard se perd dans la nature luxuriante autour. On y parle de filiation, d’héritage invisible, et de ce fragile mouvement qui consiste à oser dire enfin ce qui a tant manqué.
Elö ! d’Adrien Cornaggia
Jardin du Carmel – Théâtre du Train Bleu – Festival Off Avignon
du 5 au 23 juillet – jours impairs
à 18h15
Durée 55 min
Composition et mise en scène de Camille Rocailleux
Texte et dramaturgie d’Adrien Cornaggia
Costumes d’Aude Desigaux
Conseil coiffure et maquillage – Charlotte le Clerre
avec Camille Brault (mezzo-soprano), Antoine Lafon (acrobate), Clara Serayet (danseuse, acrobate) et Camille Rocailleux (clavier et percussions)
Régie lumières et régie générale – David Bourthourault