Bien avant que le bar “du in” ne se ferme pour les happy fews, deux étranges chevaliers des temps modernes apparaissent. En guise d’armures, des bodys blancs immaculés – ils ne le resteront pas – et en guise de casque, des lunettes customisées de strass, de paillettes et de chaînes en or clinquantes. Sur leurs fiers destriers à roulettes — de jolis skates hoverboard bleu layette — ils cavalcadent, tournent autour des festivaliers, prennent la pose, se prennent en selfie. Avec une nonchalance assumée et une bonne dose d’autodérision, ils rejouent les postures sexy et glamour des pin-up des années 50.
À cheval sur mon étalon en plastique
Sans qu’on ne s’en rende compte, le spectacle a déjà commencé. C’est le début d’un show à l’efficacité redoutable, aussi drôle que sexy, aussi burlesque qu’absurde. Après nous avoir entraînés dans la fraîcheur du gymnase du lycée Saint-Joseph, les deux créatures enfourchent cette fois des chevaux mécaniques qui s’animent dès qu’on glisse une pièce dans leur panse.
Timides au départ, les spectateurs finissent par se prêter au jeu. Les bêtes blanches en plastique s’éveillent, et dessus, nos cavaliers émérites détournent les codes du western, de la virilité, tout en se délectant de clins d’œil à la culture gay. Ils miment Kate Bush, engloutissent avec appétit des cônes glacés avant d’en coiffer leurs montures, devenues licornes le temps d’un arrêt sur image. Les deux artistes portugais, qui avaient enflammé le Rond-point à Paris avec Bate Fado, s’en donnent à cœur joie. Aux platines, Joana Màrio les accompagne avec brio. Le trio fait mouche, déride les zygomatiques, défie le ridicule, ose tout.
Jouissifs phénomènes de foire
Assis, debout, ou en équilibre précaire, ils chevauchent vaillamment, charnellement. Voix d’or, gestes millimétrés, ils se laissent porter par la musique et les mouvements réguliers de leurs montures. Mais attention, le temps est compté. À tout moment, la machine peut s’arrêter. Il faut payer pour relancer la course. Parfois même, une seule pièce ne suffit pas. Ce système à l’ancienne ajoute à la cocasserie. Dans une ambiance bon enfant, la performance amuse et enchante.
C’est une bulle d’oxygène au cœur de la fournaise avignonnaise. Un peu kitsch, jamais vulgaire, Jonas&Lander emportent tout sur leur passage. Quel que soit l’âge, le genre ou l’humeur, ils mettent le public dans leur poche. C’est joyeux, potache, irrésistible. Jubilatoire. Et ça fait un bien fou.
Coin Operated de Jonas&Lander
Bar du Mahabharata – Festival d’Avignon
du 8 au 12 juillet 2025
à 20h et 22h30
durée 45 min environ
Direction artistique, chorégraphie et interprétation – Jonas Lopes et Lander Patrick
Son Lander Patrick
Costumes Jonas Lopes
Régie générale Joana Mário