Antoine de Baecque - Les clés du Festival © Margot Laurens - Association Jean Vilar
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Antoine de Baecque : « Le Festival d’Avignon, c’est l’histoire du théâtre depuis les années cinquante à nos jours »

L’association Jean Vilar et la Maison Jean Vilar, en partenariat avec la BnF, présentent « Les clés du festival », une exposition permanente qui raconte le Festival d’Avignon, des origines à nos jours. Rencontre avec son commissaire d’exposition, grand connaisseur et passionné de théâtre.
8 juillet 2025

À la veille de l’ouverture, on s’affaire encore pour les dernières finitions de cette exposition qui nous plonge au cœur de l’histoire du festival, mais aussi du théâtre. Antoine de Baecque nous reçoit en bas du bel escalier. Au mur, un dessin de François Olislaeger qui, à la manière d’André Dégaine (L’histoire du théâtre illustré), rend hommage à tout ce qui a fait le festival, ses directeurs, ses grands spectacles et les différents lieux. Tout au long de la visite de cette exposition, conçue avec soin, les souvenirs affluent. L’ombre du créateur du Festival, celui qui fit les grandes œuvres de gloire du théâtre avec le TNP, plane. Avec lui, le Festival d’Avignon fait battre le cœur de ce que l’on peut considérer comme une exposition de salut public.

Les Clés du Festival, quel beau titre plein de sens !
Antoine de Baecque - Les clés du Festival © Margot Laurens - Association Jean Vilar
© Margot Laurens – Association Jean Vilar

Antoine de Baecque : Les trois clés sont le symbole de la ville d’Avignon. On les retrouve dès le début de l’exposition. C’est Jean Vilar qui, en 1954, a demandé à Marcel Jacno de les représenter sur l’affiche du Festival pour permettre à des publics très différents de comprendre ce qu’est le Festival d’Avignon. Ces clés sont données pour tout ce qui compose l’exposition.

Cela fait des tonnes d’archives à explorer, comment avez-vous pensé à ce parcours de près de quatre-vingts ans ?

Antoine de Baecque : Bien sûr, il y a eu des choix à faire. Sans direction, il était impossible de choisir à l’intérieur de toutes ces archives. La solution était de partir de deux principes. D’une part, mettre Jean Vilar au cœur, à travers la collection de ses œuvres, des archives qui sont conservées ici à la Maison. Il fallait raconter la fondation du Festival, la manière dont Vilar l’a affirmé puis réformé. L’autre grande ligne était de prendre des thèmes qui pouvaient guider la compréhension d’un public autre que les spécialistes ou fins connaisseurs du Festival. Ces grandes thématiques ont été posées par Vilar et sont encore aujourd’hui celles de ses héritiers que sont tous les directeurs du Festival, pour raconter sa fabrication, la ville théâtre, le public et l’importance de la création de tous ces spectacles. On en a choisi une centaine parce que c’est avant tout un festival de création. C’est un peu la vitrine de l’évolution des formes théâtrales depuis les années cinquante.

Le Festival d’Avignon est particulier. Il est né en 1947, en septembre, sur quelques jours, associé à une exposition de peinture. Depuis, il est devenu ce grand miroir du théâtre. Ce qu’il vous fallait raconter…
Antoine de Baecque - Les clés du Festival © Margot Laurens - Association Jean Vilar
© Margot Laurens – Association Jean Vilar

Antoine de Baecque : Et cela passe par l’image, la photographie, la captation. Pour moi, la mémoire du Festival, du théâtre en général, c’est vraiment la photographie. Une photo, comme une voix, c’est vraiment ce qui restitue l’éphémère du théâtre. D’Agnès Varda à Christophe Raynaud de Lage, il y a une dizaine de photographes. L’exposition est également un hommage à cette trace-là. Il y a pas loin de six cents photographies dispersées dans l’exposition et une centaine de captations de spectacles. On a la chance d’avoir le trésor du fonds Vilar auquel on a ajouté d’autres fonds et des prêts d’artistes. Il a fallu ensuite trouver un dispositif qui permet de faire comprendre le Festival.

Avignon, c’est aussi le Off qui n’a pas été mis de côté.

Antoine de Baecque : En juillet, Avignon devient la ville du théâtre. Aujourd’hui trois cent cinquante mille personnes passent en juillet à Avignon et la majorité viennent voir des spectacles du Off. On ne peut pas mettre de côté ce qui fait l’ambiance du mois de juillet et donne sa coloration, son atmosphère à la ville. Cette abondance d’affiches, de tracts et de parades… Avignon c’est ça ! C’est peut-être trop. On sait qu’il y a un peu de tout mais c’est aussi là où l’on trouve une formidable réserve. Celle-ci va même souvent nourrir le « In ». Le meilleur exemple est Olivier Py. Il commence dans le Off dans les années quatre-vingt et trente ans plus tard devient directeur du Festival d’Avignon.

Le festival dure un mois dans l’année, or vous avez décidé que l’exposition serait permanente, pourquoi ?
Antoine de Baecque - Les clés du Festival © Margot Laurens - Association Jean Vilar
© Margot Laurens – Association Jean Vilar

Antoine de Baecque : C’est un choix très conscient de la Maison Jean Vilar qui a décidé lors d’un conseil d’administration de changer de politique. Jusqu’à présent, les expositions étaient temporaires, le temps du festival. Ils ont décidé de passer à une exposition permanente qui allait raconter Jean Vilar, mais aussi le festival dans son ensemble. Cela permet de toucher un autre public, comme les scolaires, mais surtout les touristes. Six cent mille personnes visitent le Palais des Papes dans l’année. Si l’on pouvait en détourner 10% vers la Maison Jean Vilar, cela ne me semblerait pas une ambition démesurée ! Ce qui a aussi permis cela est l’accord de confiance qui existe maintenant entre les deux entités, L’association Jean Vilar – Maison Jean Vilar et la Bibliothèque nationale de France. Tous ces fonds sont sous l’autorité et la conservation de la BNF.

En France, il n’existe curieusement pas de Musée du théâtre, vous y palliez ?

Antoine de Baecque : C’est vrai qu’il y a un Musée du cinéma, un musée de la mode et autres arts mais pas de théâtre. Il s’agissait de combler un vide. Avec le Festival d’Avignon, il n’y a pas de plus beau sujet et de plus belles archives. Le Festival d’Avignon, c’est l’histoire du théâtre depuis les années cinquante à nos jours.

Quand on vous dit Festival d’Avignon, quelles sont les premières images, odeurs, bruits qui vous viennent à l’esprit ?
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© Margot Laurens – Association Jean Vilar

Antoine de Baecque : Le Mahabharata de Peter Brook à la carrière de Boulbon en 1985, la mise en scène d’Antoine Vitez du Soulier de Satin dans la cour d’honneur en 1987. Ces grandes nuits d’Avignon ! Ma mémoire du Festival s’est construite là. J’y suis retourné ensuite comme journaliste, comme critique, comme historien. Je suis très fier de montrer ici, quand on arrive dans la cour de la Maison Jean Vilar, les deux figures de proue du Soulier de Satin, Rodrigue et Dona Prouhèze. On les a récupérées à Chaillot, puis restaurées et installées dans notre « petite cour d’honneur », autour de l’estrade où ont lieu les débats. Dans les réserves du festival, nous avons également retrouvé le cerf qui était dans Le Roi Lear d’Olivier Py. On l’a mis au milieu de la grande pièce qui aborde la mémoire des spectacles d’Avignon. Comme une apparition magique, ce cerf est là pour accueillir les visiteurs.


Les clés du Festival
Maison Jean VilarFestival d’Avignon
A partir du 5 juillet 2025

Commissariat d’exposition et textes Antoine de Baecque
Assistant du commissaire d’exposition Adrian Blancard
Conseiller scientifique Jean-Baptiste Raze (Département des Arts du spectacle, BnF)
Coordination générale Nathalie Cabrera
Scénographie Claudine Bertomeu, assistée de Marion Giraudot et Justine Rogier
Lumière Jean Bellorini
Son Jean-Louis Larcebeau et Marie Darodes / Demain.org
Graphisme d’exposition Marion Dejean / Madehok
Documentation et iconographie Adrian Blancard, Jean-Baptiste Raze, Léna Pabst,E sther Arnaiz-Garcia, Catherine Cazou, Muriel Delage, Juliette Jenta, Sarah Maupetit, Estelle Richard, Kévin Bernard
Conseiller technique Christian Wilmart
Construction Olivier Diacci / Les ateliers Décolive, assisté de Frédéric Tronquoy
Régisseur Maison Jean Vilar Romuald Grandjean
Assisté de Azeddine Allag, Julien Helin, Francis Mercier, Cyril Sabatier, François Vicente Ruiz, Pascal Wauquier, 
Régisseur lumière Nicolas Gros
Production et montage audio-visuel La Compagnie des Indes


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