Nicole Croisille - DR
© DR (compte FaceBook)

Nicole Croisille : Une étoile s’est allumée dans le ciel

La chanteuse qui a rayonné sur la variété française est décédée dans la nuit du 3 au 4 juin, à quatre-vingt-huit ans, après un long combat contre la maladie. Artiste complète, elle a également brillé au théâtre et c’est à la comédienne que nous rendons hommage.

Ce « Chabadabada Chabadaba » puissant qui accompagnait le film de Claude LelouchUn homme et une femme, lui a ouvert les portes de la notoriété. Parlez-moi de luiUne femme avec toiTéléphone-moi en ont fait une grande vedette de la chanson française, mais Nicole Croisille était bien plus qu’une simple interprète. Excellente danseuse, elle a mené des revues, joué dans des comédies musicales et surtout, au théâtre où elle a révélé tous ses talents d’actrice.

Nicoles Croisille

Bien sûr, Nicole Croisille, c’est une voix jazzy vibrante et forte comme on en entendait peu à l’époque. Elle avait un petit quelque chose de Zizi Jeanmaire et de Shirley MacLaine. La scène a toujours été son rêve de gosse. Elle entre à l’âge de huit ans à l’école de danse de l’Opéra de Paris. Mais son père refuse qu’elle passe le concours pour devenir petit rat. Qu’à cela ne tienne, la petite fille va attendre son heure en suivant des cours de dactylo, pour rassurer la famille. Mais, ne lâchant rien, elle intègre le ballet de la Comédie-Française. Dans les années 1950, elle entre à l’école du mime Marceau. Elle part en tournée avec lui en Amérique. La jeune femme, fascinée par le jazz se sentira chez elle aux États-Unis.

Lorsqu’elle rentre à Paris, elle va retrouver la danse. Nicole fait ses gammes auprès de Joséphine Baker et de Jean Marais pour une comédie musicale qui fait un flop. En parallèle, elle va chanter dans des clubs de Saint-Germain-des-Prés. Même si elle fait la première partie de Jacques Brel en 1961, la chanteuse peine à se faire connaître du grand public. Elle retourne aux USA où elle mène, à Broadway, de nombreux tableaux de la revue Folies Bergère. Elle rentre en France en 1966 et arrive Un homme et une femme de Claude Lelouch. Cette chanson écrite par Francis Lai et Pierre Barouh lancera sa carrière.

Nicole Croisille et Charles Templon dans Jeanne de Jean Robert-Charrier © Christophe Vootz
Avec Charles Templon dans « Jeanne » © Christophe Vootz

Le monde change et les goûts aussi. À 56 ans, elle prend un beau virage au Châtelet dans Hello Dolly, en version originale. En 1992, le Tout-Paris et le public découvrent qu’en France, on a aussi de grandes vedettes capables de jouer, danser, chanter comme aux États-Unis. En 1996, elle peut montrer son immense potentiel comique dans une reprise d’un rôle de Jacqueline MaillanFolle Amanda de Barillet et Grédy.

Trois ans plus tard, on la retrouve dans Coup de Soleil de Marcel Mithois. Il faudra attendre quatorze ans pour qu’elle revienne au théâtre. C’est au Théâtre Montparnasse dans Jalousie en trois mails d’Esther Vilar, dans une mise en scène de Didier Long où elle incarne en toute finesse, acceptant les ans, une femme mûre abandonnée par son époux pour une femme plus jeune. La comédie démontre alors une autre facette de ses talents, comme dans Les monologues du vagin d’Eve Ensler, où elle émeut dans celui de la vieille femme qui s’est toute sa vie interdit de jouir.

C’est à cette époque que j’ai fait sa connaissance. Nicole était une femme curieuse qui s’intéressait à tout. Très secrète, elle ne parlait jamais de sa vie privée et donnait le sentiment qu’elle ne vivait que pour son métier. Elle allait beaucoup au théâtre, au cinéma, n’hésitant pas à m’appeler au journal, lorsqu’une ligne programme dans Pariscope lui semblait peu claire. « Allo, Nivière, ce n’est pas clair… Ça joue bien le dimanche à 15h ? ». Appartenant à la bande de Jean-Luc Revol et à celle de Pierre Notte, elle était de toutes leurs premières, toujours entourée de jeunes comédiens, comme Brice Hillairet, dont elle était fan. On a beaucoup ri lorsqu’un soir j’arrive en ayant copié sa coupe de cheveux qu’elle avait dans Irma la douce. « Oui, mais moi ma chère je n’ai pas ta tignasse, c’est une perruque ! ».

IRMA_hauteur_0110_croisille_theatre_saint_Martin_Victor_Pascal_@loeildoliv
Dans « Irma la douce » © Pascal Victor

Dans Irma la douce, mise en scène par Nicolas Briançon, où perchée sur de hauts talons, la démarche chaloupée, elle incarnait Maman, l’ancienne pute reconvertie en tenancière d’un obscur cabaret. À 70 ans passés, elle illuminait la scène. Dans un tout autre registre, elle nous a épatés dans Jeanne, la pièce de Jean Robert-Charrier, mise en scène par Jean-Luc Revol, où en vieille dame acariâtre elle martyrisait Charles Templon et tenait tête à Florence Muller. On la savait malade, et pour paraphraser le titre de ses mémoires (édition du Cherche midi), Je n’ai pas vu passer le temps passé…, je n’ai pas eu le temps de lui dire au revoir et de la remercier pour toutes ces années de bonheur.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com