Avant d’arriver au Festival Off d’Avignon au théâtre des Doms, le spectacle, créé en 2023, tourne en Belgique. C’est au théâtre La Vénerie à Watermael-Boitsfort que nous avons assisté à une représentation de la pièce du dramaturge italien, La sœur de Jésus-Christ. Spectacle qui a mis debout les spectateurs, saisis par l’émotion du texte, la beauté de la mise en scène de Georges Lini et l’extraordinaire prestation du comédien Félix Vannoorenberghe.
Une histoire qui ne devrait plus être ordinaire
Le titre accroche. Avant le spectacle, chacun y va de sa réflexion. « Jésus avait donc une sœur ? » Ce Jésus n’est pas celui qui a été mis en croix, mais Simone, un garçon d’une grande beauté, « surnommé Jésus-Christ à juste titre parce que tous les ans, depuis quelques années maintenant, durant la Passion vivante, il interprète le rôle du Très Haut. ». La beauté est au centre du drame qui va se jouer dans ce petit village des Pouilles en Italie. Car Maria, tout comme son illustre frère, est aux yeux de tous un miracle de la nature, une madone. Une jeune fille de quinze ans qui, sans le savoir et surtout le comprendre, fait perdre la tête aux hommes lorsqu’elle marche dans la rue.
Un jour, la gamine s’empare dans un tiroir de la cuisine d’un vieux Weston, cadeau oublié d’un oncle d’Amérique, et sort de la maison. Le tenant fermement dans la main, elle traverse le village d’un pas vengeur pour se rendre chez Angelo Le couillon, le jeune homme qui lui a fait du mal la veille. Tout le village suit son chemin de croix. À chaque station, chaque habitant va commenter, se souvenir. Certains tentent de la dissuader, en lui expliquant que c’est de sa faute. Prenant conscience du mal qui lui a été fait, d’autres l’encouragent.
Une parole puissante
La pièce d’Oscar de Summa, admirablement traduite par Federica Martucci, est une véritable réussite. Derrière ses personnages hauts en couleur et aux caractères bien trempés, se cache une tragédie grecque. Maria, à la manière d’Antigone, a choisi de dire non. Un seul comédien porte la narration : retenez bien le nom de Félix Vannoorenberghe. Son talent est immense. En conteur remarquable, il passe d’un personnage à l’autre avec une aisance saisissante, jouant avec finesse sur les contrastes d’émotion. Il nous emporte dans le tourbillon de ce récit bouleversant, qui met à nu les âmes humaines.
Une représentation stylisée avec soin
Le metteur en scène Georges Lini est considéré comme une « figure centrale du théâtre en Belgique ». L’excellence de son travail nous avait éblouis dans Iphigénie à Splott de Gary Owen. Ici encore, on retrouve l’épure et la musique. Tout part d’un plateau nu, où est suspendue une robe rouge sur un cintre, entourée de portants vides et de deux grandes boîtes-armoires. Le comédien enfile d’abord la robe, qu’il ne quittera plus. Pour chaque personnage, il sort un costume — remarquables ouvrages de Charly Kleinermann et Thibaut De Coster — qui permet de faire émerger la singularité de chacun.
Ce processus fait songer au théâtre d’objet. Dans cette version allégée, il n’y a que les silhouettes des protagonistes, une trentaine. C’est déjà impressionnant. Dans l’autre version – qui a été récompensée du Prix Maeterlinck de la critique 2023 – quatre-vingt-huit costumes, un par habitant, descendent des cintres. La musique, interprétée en direct par l’excellente Florence Sauveur, accompagne vraiment le récit, créant des respirations. Si vous passez par Avignon, ne manquez pas ce brillant spectacle, à qui l’on souhaite une longue et belle route.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Watermael-Boitsfort
La sœur de Jésus-Christ d’Oscar de Summa
Théâtre La Vénerie / Espace Delvaux
3, rue Gratès
1170 Watermael-Boitsfort (Belgique).
Du 2 au 7 juin 2025
durée 1h15
16 au 19 juin 2025 au Centre Culturel Senghor de Bruxelles
5 au 26 juillet 2025 (sf mercredi) au Théâtre des Doms – Festival Off Avignon.
Texte français de Federica Martucci
Mise en scène de Georges Lini
Avec Félix Vannoorenberghe
Musicienne et compositrice Florence Sauveur
Collaboration dramaturgique de Nargis Benamor
Création vidéo de Sébastien Fernandez
Scénographie et costumes de Charly Kleinermann et Thibaut De Coster
Lumière de Jérôme Dejean
Direction musicale et composition de François Sauveur
Création sonore et composition de Pierre Constant
Une coproduction du Théâtre de Poche et de la Compagnie Belle de Nuit.
Avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, traduction lauréate de l’ARTCENA.
