Pinocchio créature
© Vincent Pontet, Comédie-Française

Pinocchio créature : Une histoire de marionnette fort bien ficelée 

Au studio-théâtre de la Comédie-Française, la metteuse en scène Sophie Bricaire adapte avec tendresse le célébrissime conte de l’italien Carlo Collodi.


Avec Pinocchio créature, tout commence — et se joue — dans le décor. Un immense mobile de bébé suspendu dans les airs, comme un clin d’œil à une chambre d’enfant, sert de scène tournoyante. Y pendent d’énormes breloques représentant les personnages-clés du conte. Car peu importe, au fond, que la scénographie dévoile d’emblée ce que l’on va voir. Tout le monde ou presque connaît déjà l’histoire du pantin de bois imaginé par l’écrivain italien Carlo Collodi, rendue célèbre par Walt Disney.

C’est d’ailleurs ce que signalent malicieusement les comédiens, alignés à l’avant-scène comme une classe bien rangée : « C’est gentil de venir écouter une histoire que vous avez déjà entendue », lance l’un d’eux. « Ça peut paraître ennuyeux », ajoute un autre. Et pourtant, aucun ennui à l’horizon dans cette mise en scène délicate et inventive signée Sophie Bricaire.

© Vincent Pontet

La trame est connue — celle d’un pantin à la langue bien pendue qui rêve de devenir un vrai petit garçon — mais ici, elle prend une teinte plus intime. Dans une douce pénombre, le menuisier Gepetto, incarné avec justesse par Alain Lenglet, confie son désir d’enfant inassouvi, sa solitude, sa pauvreté. Et c’est dans cette obscurité qu’apparaît la lumière : Pinocchio, interprétée avec entrain par la joyeuse Claïna Clavaron. Comme chez Collodi, le pantin n’aspire pas tant à devenir un « vrai garçon » qu’à fuir la misère de son foyer. Il rêve d’un ailleurs, d’un monde meilleur. Ce désir d’évasion le mettra en mouvement… et en danger.

Magie du théâtre, cette aventure initiatique s’invente avec peu. Peu de décors, peu de costumes, peu de comédiens. Mais on y croit ! Avec une candeur désarmante, Pinocchio gravit les marches du petit théâtre pour partir à l’école, sans jamais vraiment y parvenir, ramené sur scène par une succession de péripéties.

© Vincent Pontet

Cette traversée du monde s’étoffe surtout grâce aux personnages secondaires, nombreux, fantasques, incarnés par les remarquables Françoise Gillard, Thierry Godard et Élissa Alloula. Tous trois surgissent, disparaissent, changent de peau à vue. Ils manipulent eux-mêmes les breloques du décor, comme si, en somme, cette pièce fort bien ficelée se jouait à l’intérieur d’un théâtre de marionnettes… avec marionnettes humaines.

Et si l’on y regarde d’un peu plus près, ce conte d’un garnement affublé de protections sur le corps — dont une grande clé, qui active son mécanisme de pantin — met au jour une immense vulnérabilité : celle des enfants face au monde et à ceux qui ne leur veulent pas que du bien.

Derrière l’esthétique colorée et joyeuse, Sophie Bricaire pose une question profonde : Quelle liberté donner aux enfants pour qu’ils puissent se réaliser ? Jusqu’où les laisser aller, au risque qu’ils se brûlent les ailes ? Une chose est sûre : l’expérience du menuisier Gepetto, entre amour et impuissance, résonne bien plus largement qu’il n’y paraît.


Pinocchio créature, d’après Carlo Collodi
Par Sophie Bricaire
Comédie-Française
Du 22 mai au 29 juin 2025
Durée 1h10


Adaptation et mise en scène de Sophie Bricaire
Scénographie de Philippine Ordinaire assisté de Nina Coulais et
Anaïs Levieil
Costumes de Alex Costantino assistée d’Aurélia Bonaque Ferrat
Lumières de Jeanne Guillot
Son de Mme miniature assistée de Samuel Robineau
Assistanat à la mise en scène : Aristeo Tordesillas

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