C’est la 4e édition de PULSE. D’où est venue l’idée de ce festival en 2022 ?
Anne Sauvage : Après le Covid, nous nous sommes retrouvés face à l’urgence collective de recréer des espaces où les jeunes pouvaient exprimer leur désir de liberté, d’émancipation et retrouver le plaisir d’être ensemble. Pendant la crise, les artistes et les équipes s’étaient fortement mobilisés pour maintenir le lien avec la jeunesse en réinventant les projets artistiques et en les adaptant sans cesse à l’évolution des conditions sanitaires. Malgré l’impossibilité d’être ensemble, l’intensité du moment nous a permis de mieux comprendre leur réalité, leur environnement familial, l’anxiété et la solitude qu’ils pouvaient ressentir, leur vulnérabilité face à l’addiction aux réseaux sociaux… Parmi elles et eux, les enfants et les adolescents sourds avaient été très isolés (en raison notamment du port du masque). Nous avons souhaité nous adresser également à elles et eux en programmant dès la première édition des spectacles bilingues LSF-français.
PULSE est né de ce contexte ?

Anne Sauvage : Il s’agissait de célébrer les retrouvailles avec l’enfance et l’adolescence. La sortie de la crise sanitaire a agi comme une étincelle à un moment où les projets d’action artistique et d’éducation artistique et culturelle prenaient une place de plus en plus importante dans le projet de l’Atelier de Paris, où nous nous engagions pour la formation professionnelle en Éducation artistique et culturelle… Cette saison, 36 parcours se déploient de la maternelle au lycée dans le champs du social et le champs du handicap.
PULSE bénéficie aussi de la dynamique initiée par Paris Réseau Danse ?
Anne Sauvage : Oui, un même mouvement s’est engagé chez d’autres membres du réseau comme L’Étoile du Nord ou le Regard du Cygne. Cette année, pour la première fois, du 1er mars au 11 avril, c’est un véritable printemps de la danse pour l’enfance et la jeunesse qui a lieu à Paris.
Comment le festival s’inscrit-il dans la programmation de l’Atelier de Paris ?
Anne Sauvage : Avec 36 représentations et 24 rendez-vous (rencontres, ateliers…) pour cette 4e édition, PULSE a désormais pris toute sa place dans la saison grâce à un rééquilibrage de la diffusion en trois temps (Automne en créations / PULSE / JUNE EVENTS), car nous n’avions absolument pas les moyens de créer un nouveau festival. Après une alternance entre une première édition à l’Atelier de Paris et une deuxième exclusivement itinérante, le festival a trouvé sa forme actuelle en 2024. Nous avons créé un dialogue entre le plateau et les studios du CDCN. Nous essaimons dans des bibliothèques pôles sourds de la Ville de Paris, des crèches, et des établissements scolaires de la maternelle au lycée à Paris et en Ile-de-France.
Comment choisissez-vous les pièces présentées ?

Anne Sauvage : Nous optons pour des pièces « plateaux » et des pièces adaptées aux différents contextes. Et nous privilégions des spectacles qui s’adressent à toutes les enfances. Nous spécifions l’âge à partir duquel les propositions s’adressent : pour les tout-petits à partir d’un an, les enfants, ou encore les adolescent.es. Mais nous souhaitons que PULSE puisse aussi se partager en famille ou entre ami.es et s’adresser aux adultes curieux. Cette année, le fil rouge que l’on peut trouver entre les pièces c’est l’ouverture à l’autre, le passage d’un monde à un autre.
Constatez-vous une évolution des propositions jeune public ?
Anne Sauvage : Il y a aujourd’hui une belle vitalité de la création chorégraphique pour l’enfance et la jeunesse qui joue avec d’autres champs artistiques, qui recherche la proximité du public, qui appelle la participation des habitant.es, qui s’empare des questions de société et des enjeux qui sont ou qui seront déterminants pour la jeunesse. Le choix est difficile car nous devons renoncer faute de moyens à des projets passionnants qu’il ferait sens d’inviter.
Percevez-vous une envie grandissante des chorégraphes de créer pour le jeune public ?
Anne Sauvage : La création dite « jeune public » a évolué. Les chorégraphes ont saisi les enjeux de créer pour l’enfance et la jeunesse. Le regard des professionnels et des institutions a également changé. Le travail est valorisant et de plus en plus valorisé. On peut saluer le formidable rôle des réseaux nationaux ASSITEJ France ou encore LOOP pour le secteur chorégraphique.
Qu’en est-il de la création bilingue LSF-français accessible aux personnes sourdes et malentendantes ?

Anne Sauvage : Avec la création chorésigne (chorégraphie signée), elles font désormais partie de l’ADN du festival même s’il y a encore trop peu de créations réalisées par et/ou avec des artistes sourd.es. En 2025, grâce au soutien de partenaires engagés sur les questions d’inclusion, nous avons pu accompagner et coproduire trois créations bilingues. À l’échelle du secteur chorégraphique, il nous faut nous impliquer plus fortement dans la formation de ces artistes, dans leur insertion professionnelle, dans la production et la diffusion de leurs spectacles.
Que pouvez-vous mettre en œuvre ?
Anne Sauvage : Au-delà d’IVT (International Visual Theatre) et du réseau Théâtre en Signes que nous avons rejoint, nous avons besoin d’un mouvement plus large qui passe aussi par des initiatives comme le simple fait de programmer la version LSF d’un spectacle. Même s’il ne devait y avoir que des enfants entendants dans la salle, cela permet de leur faire découvrir la LSF et que le lieu soit progressivement identifié par les personnes sourdes. Cette saison, par exemple, nous avons ouvert un atelier de danse régulier pour les enfants sourds et des stages adultes sourds et entendants avec la chorégraphe et danseuse Thumette Léon. En mars, nous organiserons une première rencontre entre artistes sourd.es et entendant.es pour partager l’expérience de création bilingue et identifier les obstacles qu’il reste à lever.
Propos recueillis par Claudine Colozzi
Festival Pulse, danses et enfances
Du 1er au 29 mars 2025
Atelier de Paris/CDCN
La Cartoucherie
Route du champ de manœuvre
75012 Paris