The Rocky Horror Show © David Freeman
© David Freeman

The Rocky Horror Show s’embourgeoise au Lido

Cinquante ans après sa création, la cultissime comédie musicale de Richard O’Brien démarque dans sa version originale à Paris sur la scène trop luxueuse du Lido 2 Paris.

Le charme de The Rocky Horror Show — littéralement, « le spectacle d’horreur de Rocky » — vient de son côté trash, déjanté et décalé. Mais il y a comme un malaise dès l’entrée dans ce cabaret mythique que fut le Lido, où l’on célébrait à la fois le luxe et Paris. Le lieu, transformé depuis 2022 en salle de spectacle a gardé tout le faste de son passé. Cela peut convenir à certaines productions, mais pas à toutes. Cabaret en avait déjà fait les frais. Du coup, l’interaction avec le public, qui fait le charme de cette parodie rock and glamour du nanar de science-fiction, n’est pas vraiment au rendez-vous. C’est dommage, car sur la scène trop grande et sous un trop grand flot de lumières, les artistes mènent brillamment le show.

The Rocky Horror Show © Rocky Show
© Rocky Show

La Madeleine de Proust se déguste dès les premières notes de musique. Tout au long, les chansons comme Time Warp, Sweet transvestite, Damnit Janet, Touch-a Touch-a Touch Me, les souvenirs remontent et l’on retrouve ses vingt ans. On a presque envie de ressortir le vieil imperméable et de jeter du riz dans la salle. Mais comme il n’y a pas la scène du mariage et que l’orage n’est pas arrosé, on restera sage. Pour cela, il vous suffit d’aller dans le quartier Latin, au Studio Galland, où le film est projeté tous les week-ends depuis 1978 !

Le savoir-faire anglo-saxon en matière de comédie musicale est admirable. C’est une lapalissade mais c’est ainsi. On a en autant pour les yeux que pour les oreilles. L’orchestre, caché dans les cintres en fond de scène, dirigé ce soir-là par le maestro frenchy, Raphaël Sanchez, fait vibrer les notes rock de Richard O’Brien. Ça dépote.

The Rocky Horror Show © Rocky Show
© Rocky Show

Un homme surgit (impeccable Alex Morgan) pour raconter une histoire qui s’est passée dans les années 1960. Par un soir d’orage, Brad (remarquable Richard Meek) et Janet (formidable Haley Flaherty), deux jeunes gens bien sages, tombent en panne dans une campagne paumée. Ils aperçoivent un château lugubre. Bravant leur peur, ils décident d’y entrer la porte… Ils n’auraient pas dû !

Ils sont accueillis par le valet Riff Raff, homme tout tordu et étrange (désopillant Kristian Lavercombe), la plantureuse Magenta (épatante Suzie McAdam) et l’hystérique Colombia (délicieuse Darcy Finden). Arrive le maître des lieux. C’est un des moments les plus savoureux du spectacle. Le Dr Franck-N-Furter sort d’un ascenseur. Il se débarrasse de sa cape de Dracula et nous apparaît alors portant perruque extravagante, bustier sexy, bas noir et talons aiguilles. Tenu normal pour « un gentil travesti qui vient de Transsexuel, en Transylvanie ». Stephen Webb est prodigieux dans ce rôle haut en couleur.

Le sexe étant son centre d’intérêt, ce digne héritier de Frankenstein a donné vie à une créature destinée à lui procurer tous les plaisirs. C’est Rocky, un éphèbe musclé et sans cervelle (fabuleux Ben Westhead). Débarqueront également Eddie, un fantôme et le professeur Scoot (tous interprétés par l’ahurissant Joe Allen). Les deux jeunes amoureux vont découvrir, chacun de leur côté, les plaisirs inavoués de la chair et comprendre qu’ils sont chez des extraterrestres bien barrés.

Le temps ayant fait son ouvrage dans la société, l’aspect transgressif de l’histoire ne choque plus. En revanche, la parodie, elle, continue à marcher. L’humour, quand il est bon, ne craint pas la patine du temps. Même si certaines références peuvent leur échapper — comme le fauteuil roulant du Docteur Folamour de Kubrick et le valet sorti du Frankenstein Junior de Mel Brooks — les plus jeunes comprennent très vite le sens. Vu l’ambiance dans la salle à la fin du spectacle, on ne peut nier que le charme de ce spectacle totalement dingue et joyeux fonctionne toujours autant.


The Rocky Horror Show de Richard O’Brien
Lido 2 Paris
116 bis avenue des Champs-Élysées
75008 Paris
Jusqu’au 21 avril 2024
Durée 2h05 avec entracte
Spectacle en anglais, surtitré en français

Mise en scène Christopher Luscombre
Avec Stephen Webb, Haley Flaherty, Richard Meek, Joe Allen, Darcy Finden, Kristian Lavercombe, Suzie McAdam, Ben Westhead, Alex Morgan, Reece Budin, Fionan O’Carroll, Beth Woodcock, Stefania Du Toit, Tyla Dee Nurten, Ryan Carter Wilson et les musiciens

Scénographie d’Hugh Durrant
Costumes de Sue Blane
Chorégraphie de Nathan M Wright
Lumières de Nick Richings

Création sonore de Gareth Owen
Arrangement musical de Richard Hartley

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