Le Cid - Corneille - Frédérique Lazarini © Arthur Enard
© Arthur Enard

Le Cid de Lazarini fait résonner Corneille

Aucun choix cornélien ne se pose devant cette version recentrée de ce chef-d’œuvre : la mise en scène de Frédérique Lazarini fait entendre avec force la passion contrariée entre Chimène et Rodrigue.

Après son Shakespeare à l’Italienne (La Mégère apprivoisée) et son Agatha Christie so british (Le Visiteur inattendu), Frédérique Lazarini poursuit sa route avec audace. Il fallait oser couper Corneille ! Que les puristes n’en prennent pas ombrage. Le cœur même de l’œuvre étant respecté, cette version résumée « pour les nuls » permet de déguster sans ennui ce grand classique. En une journée — l’unité de temps voulue par l’époque — les personnages s’y s’enflamment pour un rien (un honneur bafoué, un bras devenu trop faible, un père assassiné), s’aiment, se déchirent, se révoltent et se battent…

Le Cid - Corneille - Frédérique Lazarini © Arthur Enard
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Sur la scénographie baroque aux couleurs méditerranéennes de François Cabanat, dans des jeux de lumières qui se reflètent au sol, avec les costumes de Dominique Bourde et Isabelle Pasquier et les musiques de François Peyrony, la metteuse en scène installe un dispositif scénique d’une grande efficacité. Elle concentre ainsi toute notre attention sur le rouage mis en place par Corneille.

Les tiraillements entre l’amour et l’honneur des deux jeunes gens pris dans la tourmente d’une vendetta interminable gagnent en puissance. « Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères ! » C’est un combat à la fois intime et politique qui se joue, et il se termine dans une réconciliation.

La valeur n’attendant point le nombre des années, Arthur Guézennec est un Rodrigue exceptionnel. Il a du cœur et du courage. Il fait vibrer la fameuse tirade du combat contre les Maures, en bondissant dans les cintres. Cette hauteur apporte une écoute toute particulière à son récit. Il est Le Cid, celui qui a sauvé le pays.

Le Cid - Corneille - Frédérique Lazarini © Arthur Enard
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Chimène est un rôle très compliqué, puisque le personnage est aussi attachant qu’exaspérant. La délicate Lara Tavella évite tous les pièges de la grandiloquence. De tout son corps, elle exprime à merveille les déchirements de cette jeune fille qui voit son « mal augmenté à le vouloir guérir ».

Philippe Lebas est formidable en un Don Diegue faisant face à cette vieillesse ennemie. Passant du rageur Don Gomes au roi magnanime, Cédric Colas montre l’étendue de ses talents. Quentin Gratias est un valeureux Don Sanche. La duègne Elvire a été remplacée par un gentilhomme, Don El Vire. Un choix qui souligne la structure patriarcale qui entoure Chimène et ses devoirs. Guillaume Veyre est parfait. Si des personnages ont été supprimés, comme l’Infante, celui du petit Prince, représenté par une marionnette, a trouvé toute sa place. Car c’est au sujet de son éducation que les deux vieux barbons se sont disputés à mort. Et la tragédie prend sens.


Le Cid de Corneille
Artistic théâtre
45 rue Richard Lenoir
75011 Paris.
Jusqu’au 31 mars 2024.
Durée 1h30.

Mise en scène de Frédérique Lazarini,
assistée de Lydia Nicaud
avec Cédric Colas, Quentin Gratias, Arthur Guézennec, Philippe Lebas, Lara Tavella, Guillaume Veyre.
Scénographie et lumières de François Cabanat.
Assistant lumières Tom Peyrony.
Costumes Dominique Bourde et Isabelle Pasquier.
Musiques de François Peyrony
Conseillère artistique Anne-Marie Lazarini.
Combats de Lionel Fernandez.
Marionnette de Félicité Chauve.

Teaser Le Cid mise en scène Frédéric Lazarini © Artistic Théâtre
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