Mickaël Le Mer © Thomas Badreau
© Thomas Badreau

Mickaël Le Mer, le hip-hop chevillé au cœur

Artiste Associé aux Gémeaux à Sceaux et au Conseil Départemental des Vosges, le chorégraphe, directeur de la compagnie S’poart, présente Vivantes, sa dernière pièce, au festival  Suresnes Cités Danse.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Une pièce de théâtre avec le collège. Le malade imaginaire de Molière au théâtre municipal à la Roche-sur-Yon. Je suis passé à côté. À l’époque, j’avais déjà un attrait plus prononcé pour la danse que pour le théâtre. 

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Comme beaucoup de jeunes dans les années 1980, j’ai découvert la danse d’abord à la télévision avec l’émission H.I.P H.O.P animée par Sidney. J’avais aussi croisé un danseur dans un village vacances dans les Vosges où j’étais parti faire du ski avec mon père. 
Au début, j’étais quand même un peu tout seul dans mon coin à danser. Je montais des spectacles dans ma chambre avec mes Playmobil (rires). Et puis j’ai pris des cours de danse hip-hop avec l’Association Break Dance Yonnaise. J’ai tout de suite accroché. 
Au lycée, alors que j’étais plutôt un élève doué, le moment où il a fallu choisir une orientation m’a complètement désarçonné. Je n’avais aucune idée du métier auquel je me destinais. J’avais l’impression qu’en choisissant, il fallait déjà renoncer. La danse est arrivée au bon moment.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être danseur puis chorégraphe ?
J’ai fait mes premiers pas de danseur puis de chorégraphe au sein de la compagnie S’Poart. À la suite decollaborations artistiques avec les compagnies Käfig et Accrorap, la compagnie s’est professionnalisée. La pièce In Vivo en 2007 marque mes débuts en tant que chorégraphe et directeur artistique de la compagnie.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
J’ai eu l’occasion de voir Sodebo à La Roche sur Yon en 1994. Ce spectacle regroupait plusieurs compagnies hip-hop telles que Aktuel Force, Boogie-Saïe, Macadam. J’ai pu faire des stages avec ces danseurs. À partir de là, avec S’Poart, on a monté un premier petit show qui nous a permis d’aller faire les Rencontres Internationales Urbaines de La Villette. Tout est parti de là.

Votre plus grand coup de cœur artistique ? 
Gamin, je me souviens que ma mère avait loué un magnétoscope et que je regardais en boucle le film de Lelouch Les Uns et les Autres. C’est là que j’ai découvert le Boléro de Ravel. Ça m’a profondément marqué.

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Sonia Soulas, l’ancienne directrice adjointe et membre fondateur du Grand R, la Scène nationale de La Roche-sur-Yon. Elle a pressenti que la danse hip-hop ne serait pas un phénomène de mode, qu’elle avait un bel avenir sur les plateaux. Elle nous a vraiment aidés et accompagnés durant de nombreuses années. 
Olivier Meyer, l’ancien directeur du théâtre Jean Vilar à Suresnes, m’a accueilli au festival Suresnes Cités danse. Au fil des années, nous avons noué une relation qui va au-delà de celle qui me lierait à un co-producteur et diffuseur. Il a été présent y compris dans des moments difficiles.

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Je me fie souvent à mon instinct. Il faut qu’émotionnellement, il y ait quelque chose qui me traverse pour trouver un prétexte à la création. Pour Vivantes, au départ, j’avais imaginé une reprise de ma pièce Rouge en me demandant ce que ça donnerait avec une équipe exclusivement féminine. Mais ça ne marchait pas. J’avais l’impression de trahir la première équipe de danseurs avec laquelle nous avions vécu un très belle aventure artistique.
Finalement, je suis parti sur quelque chose qui était dans mon actualité, qui a beaucoup plus de sens pour moi. Il y a trois ans, j’ai fait une rupture d’anévrisme. Je fais partie des 30 % de miraculés qui en réchappent. J’avais envie de célébrer le fait d’être vivant. En raison de ce que j’avais traversé, j’ai porté une attention plus accrue aux personnes de mon entourage. J’ai ainsi pris conscience que beaucoup de femmes avaient vécu cette confrontation à la mort.

À quel moment arrête-t-on de danser pour n’être plus que chorégraphe ? 
La décision s’est imposée à moi. J’avais besoin pour appréhender l’architecture d’une pièce sur un plateau de prendre du recul. Donc j’étais de moins en moins sur le plateau. Et quand il fallait que j’y aille, physiquement, c’était un peu plus dur. Je me suis fait opérer des ligaments croisés. Je n’arrivais pas à récupérer pleinement. C’est là que je me suis mis en retrait du plateau et que j’ai pleinement assumé mon travail de chorégraphe. Mais c’est bien d’avoir été danseur pour se rendre compte de ce que les interprètes peuvent ressentir, pour tenir compte aussi de l’épuisement, la fatigue qu’ils peuvent éprouver, autant physique et psychologique. 

Quel rapport entretenez-vous avec le hip-hop depuis toutes ces années ? 
J’aime toujours le côté offensif du hip-hop. C’est ce qui m’a attiré vers cette culture-là et qui fait que j’ai toujours autant d’affection pour elle. J’aime travailler avec des danseurs hip-hop, des breakers. Parce que cette virtuosité offensive, c’est quelque chose que je trouve tellement vivant, tellement dynamique, tellement beau.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
Créer une pièce sur le Boléro de Ravel. Cela fait plus de quarante ans que cette œuvre me suit. Ce qu’elle provoque en moi aujourd’hui a beaucoup évolué avec les années. Mais plus je prends du recul, plus je la trouve belle. C’est une musique qui me fait voyager à chaque fois que je l’écoute. Mais je repousse le moment de la confrontation parce qu’il faudra vraiment que je sois à la hauteur de ce coup de génie.


Vivantes de Mickaël Le Mer
piéce chorégraphique pour 7 danseurs et danseuses créée le 25 novembre 2023 au Théâtre les Gémeaux, scène  nationale de Sceaux (92).
Festival Suresnes Cités danse
Théâtre de Suresnes-Jean Vilar
27 et 28 janvier 2024
Durée

Tournée
16 mars 2024 Théâtre municipal de Fontainebleau (77).

Chorégraphie de Mickaël Le Mer, Compagnie S’Poart.
Avec Jeanne Azoulay, Juliette Bolzer, Fanny Bouddavong, Alizée Brule, Clara Duflo, Lise Dusuel, Idoia Rodriguez, Agnès Sales Martin
Regard extérieur et Création lumière – Nicolas Tallec
Composition originale de David Charrier
Costumes d’Élodie Gaillard

Teaser de Vivantes de Mickaël Le Mer © Les Gémeaux

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