Étienne Toqué © DR

Étienne Toqué, ardent entiché à l’étoile du Nord

À l'Étoile du Nord, Étienne Toqué reprend son rôle d'adolescent en rupture avec le système, dans Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy et Millie Duyé.

Étienne Toqué © DR

À l’Étoile du Nord, dans le cadre du Festival Les Satellites, Étienne Toqué reprend son rôle d’adolescent en rupture avec le système éducatif, dans Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy et Millie Duyé. Fiévreux et lumineux, il irradie la scène. Une belle révélation !

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Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
J’avais vu les White Stripes en concert, j’étais très jeune, ma mère et mon frère m’avait emmené là-bas. J’avais été très impressionné par la prestation de Jack et Meg White, des bêtes de scène comme on dit. Ils maniaient plusieurs instruments, avec toujours plus de dextérité et de style. Sinon, comme beaucoup d’enfant, les guignols ! 

Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy & Millie Duyé © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Je défends l’idée qu’il n’y a pas forcément d’élément déclencheur pour faire de l’art ou devenir artiste. En-tout-cas pas de « déclic” pour moi. Pas de métier-passion. Ça s’est fait progressivement, à travers plein de petite décision. Comme la première, celle de faire l’option théâtre de mon lycée pour augmenter mes chances d’avoir le bac. Pas glorieux, mais j’étais perdu pendant longtemps, le théâtre était autour de moi, la discipline qui m’amusait le plus. Et puis j’avais la chance de pouvoir choisir. C’est plus tard, après des années de pratique et au grès des rencontres, que j’ai commencé à y mettre du cœur et de l’engagement. 

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ? 
Disons que j’avais de l’appétence pour faire rire mon entourage. Donc c’est plutôt sur scène qu’on m’a conseillé d’aller. Mais j’ai bien changé depuis et aujourd’hui, je dirai que traverser le parcours d’un rôle me permet de m’exprimer comme je ne peux pas ou ne sais pas le faire dans ma vie. Aussi, chercher à comprendre la logique d’un personnage, les liens logiques qu’il fait pour parler et se mouvoir comme il le fait, essayer de comprendre son mode de pensée, je trouve ça passionnant. 

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Je dirai que c’est L’Éveil du printemps de Frank Wedekind. Je me souviens de masque, d’épitaphe, de coup de branche. Et d’une chanson White Rabbit que je faisais en lip sync face public. 

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Si je devais citer une pièce, je parlerais de When we went to Moscou de Christiane Jatahy. J’ai rarement été aussi impressionné au théâtre. C’était une adaptation des Trois sœurs de Tchekhov, il y avait deux salles, dans la première, nous regardions les acteurs jouer la pièce sur le plateau, dans la deuxième, nous regardions des images filmées en direct, qui montraient un tout autre point de vue sur la pièce en train de se faire. C’était un grand moment. L’équipe artistique était en pleine maîtrise de son sujet, tout paraissait évident. Ils sont vraiment rentrés dans ma tête ce soir-là…. 

Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy & Millie Duyé © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
J’ai envie de parler des amis que je me suis faits au fil du temps, grâce au théâtre, je veux dire. La compagnie Les Entiché.e.s est une troupe avec des acteur.ices et metteuse en scène puissant.es. J’ai le plaisir et la chance de travailler avec eux. Dans ma promotion de l’École du Nord aussi, j’ai rencontré des gens avec qui nous créeront un spectacle en janvier, ce sont des personnes chères à mon cœur et des artistes de haut vol. 
J’ai aussi envie de rendre à Christophe Rauck ce qui lui appartient. Il a été très important dans mon parcours. Lui et l’équipe d’artistes qui ont entouré notre formation à Lille. Cette école m’a apporté énormément de chose. Disons que mon rapport à l’art de l’acteur a pris une tout autre dimension grâce à eux. 

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
En fait, j’aime bien les variations de rythme dans la vie. Et le métier d’acteur propose ça. Avec des périodes de création très intense et des mois complètement vide, disons-le. J’aime ça. J’aime aussi la différence entre les moments de créations et les moments où l’on joue devant un public. Deux temporalités bien distinctes. C’est aussi un métier où l’on vit en groupe, sur de longues périodes. Socialement, quand on a du travail, on se porte plutôt bien, du fait de croiser du monde, souvent, de communiquer avec eux, prendre le temps de créer des relations durables. Et quand tout s’arrête, on peut revenir à une solitude délicieuse. S’enfermer chez soi, des jours durant. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
L’étonnante décadence de la race humaine. 

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Elle me terrifie. Parfois, je peux penser que je suis incapable de monter dessus 2 minutes avant de jouer. Je pourrais tomber dans les pommes de peur. Mais je ne sais pas, il se passe autre chose, après. Une intervention divine (je rigole), ou la solidité d’un parcours répété pendant des mois, mais je me remets en selle et une fois que les premiers mots sont dits, j’ai une forme d’amnésie qui court jusqu’à la fin. En fait, je ne capte pas grand-chose de ce que je fais ou renvoie quand je suis au plateau. Je passe le temps des répétitions et m’assurer d’avoir bien compris ce que veut le ou la metteur.se en scène pour me fier à ça quand je commence à trembler. 

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Ça dépend. Lorsque je suis en train de travailler un rôle, au cœur des répétitions, c’est un peu partout en moi, dans mon corps, dans ma tête. Je suis généralement insatisfait donc ça me prend pas mal le chou. Quand on débloque une scène sur laquelle on a passé du temps, alors là, on peut avoir des papillons dans les yeux. 
Mais quand je ne travaille pas, peu de chose subsiste. C’est comme si rien n’avait existé. C’est d’ailleurs étrange d’avoir un désir si ardent puis rien. Je ne sais pas, quand je pense aux projets qui sont censés arriver, j’ai l’impression d’être dans un monde parallèle. 

Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy & Millie Duyé © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Il y en a des dizaines que je connais et des milliers que je ne connais pas. 

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
Un projet pour lequel j’aurai besoin d’apprendre à jouer du piano ou de la batterie, ou monter à cheval, ou prendre 20 kilos. 

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Elle serait comme l’œuvre incomplète de Fernando Pessoa. Des feuillets dissociés les uns des autres, dont on doit déterminer l’ordre. 


Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy & Millie Duyé
Création à l’EPCC Issoudun / Centre Culturel Albert (Issoudun)
du 15 au 25 Novembre 2023 au Théâtre de L’Étoile du Nord (Paris) 

Écriture et Mise en scène de Mélanie Charvy & Millie Duyé 
Dramaturgie & Regards extérieurs de Romain Picquart & Charles Dunnet
Avec Aurore Bourgois Demachy, Thomas Bouyou, Émilie Crubezy, Paul Delbreil, Virginie Ruth Joseph, Clémentine Lamothe, Loris Reynaert & Etienne Toqué Création sonore – Timothée Langlois
Création lumière d’Orazio Trotta
Costumes de Carole Nobiron
Scénographie d’Irène Vignaud
Construction du décor – Pierre Heydorff / Théâtre dans les vignes
Chorégraphie de Christine Tzerkezos-Guérin 

Teaser de Qu’il fait beau cela vous suffit de Mélanie Charvy & Millie Duyé © Les Entiché.e.s
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