Stéphanie Bulteau - CIRCa - © Ian Grandjean

Stéphanie Bulteau, au cœur de Circa

Rencontre avec Stéphanie Bulteau, directrice de Circa, pôle national des arts du cirque, autour de la 36e édition du festival.

Stéphanie Bulteau - CIRCa - © Ian Grandjean

Stéphanie Bulteau a été nommée en septembre 2020 à la direction de Circa, le pôle national des arts du cirque Auch. Nous l’avons rencontrée entre deux spectacles, de la 36e édition de son prestigieux festival, rendez-vous incontournable de tous les passionnés des arts du cirque actuel.

© Ian Grandjean

Cela fait deux fois que je viens à Circa, et ce que je remarque c’est la diversité, qui reflète la richesse des arts du cirque…

Stéphanie Bulteau : C’est exactement ce que nous avons envie de défendre ici : montrer la grande diversité que peuvent avoir les arts du cirque aujourd’hui. Que ce soit sur la question des formats de représentations : sous chapiteau, en salle, dans l’espace public… et du solo à la pièce de groupe. Qu’il s’agisse d’un cirque totalement circassien ou d’un cirque en porosité avec le théâtre, avec la danse, voire avec la performance et les arts plastiques.

Dans votre programmation, avec la Cie Scom (Boîte noire) et le Cirque Queer (Le premier artifice) que nous avons vu à Village de Cirque, vous avez programmé deux spectacles forts qui portent sur des sujets qui touchent la jeunesse…
Stéphanie Bulteau - CIRCa - @ Circa
Au coeur du village © Circa

Stéphanie Bulteau : Je dirais qu’il s’agit des sujets sociétaux qui traversent aujourd’hui notre pays, que ce soit l’identité de genre ou le consentement, pour ce qui concerne Boite Noire — ou comment parler de la sexualité à des jeunes adolescents. Le cirque ne peut pas être en dehors du monde, il en fait partie. Forcément les échos du monde s’y retrouvent. Vous parlez aussi d’une adresse spécifique à la jeunesse. Nous avons la chance, à Circa, d’accueillir énormément de jeunes à travers les fédérations française et européenne des écoles de cirque. Ce sont plus de cinq cent jeunes qui convergent sur notre commune pendant le festival. Nous avons envie d’être avec eux, de nous adresser à eux, de les garder avec nous, pour que nos salles et nos chapiteaux continuent à être remplis d’un public intergénérationnel et diversifié !

Les écoles sont très présentes dans la présentation… Comme c’était déjà archi-complet, je n’ai pu voir les spectacles With or without you, mais j’ai entendu dire qu’il y avait des petites pépites…

Stéphanie Bulteau : Il s’agit des présentations de l’Esacto’Lido, l’école supérieure de Toulouse, avec qui nous avons un partenariat tout au long de l’année. En fait, nous avons un modèle différent avec chaque école que l’on accueille. L’Esacto’Lido présente au festival les travaux des élèves qui viennent de sortir de l’école. Fin juillet, ils terminent leur formation de trois années, et au festival, en octobre, c’est le début de leur travail professionnel qu’ils viennent présenter. Cela leur permet de rencontrer des équipes artistiques et des professionnels mais aussi, bien sûr, les publics.

Parlez-nous des festivaliers qui, en plus d’être nombreux, représentent eux aussi une grande diversité…
Stéphanie Bulteau - CIRCa - Cirque Queer © Loup Romer
Le Premier Artifice par le Cirque Queer © Loup Romer

Stéphanie Bulteau : Nous avons un public extrêmement varié, très inter-générationnel comme nous le disions tout à l’heure, mais aussi extrêmement varié dans sa provenance. Nous avons un public local — et heureusement ! — qui vient d’Auch mais aussi de tout le Gers. Il est très attaché au festival. Nous avons un public que l’on va dire « amateur plus plus » du cirque et qui profite de ces vacances de la Toussaint pour venir passer quelques jours à Auch. Et puis, le festival, c’est aussi un grand rendez-vous pour les professionnels : nous en avons accueilli près de 380 cette année ! Pour le secteur du cirque contemporain, Circa est « le » rendez-vous européen, et même international. 24 000 places sont proposées pour les spectacles payants et elles sont vite prises. Même en gardant un peu de billetterie de dernière minute, tout le monde ne rentre pas !

Ce festival, créé en 1987 sur une petite idée, n’a eu de cesse de grandir…

Stéphanie Bulteau : Sur une petite idée qui en fait était au début de présenter le travail d’écoles de cirque avec cette présence à Auch de cette école maintenant emblématique qui est le Pop Circus. Elle est, comme j’aime à le dire, un fournisseur officiel des écoles supérieures françaises et qui fêtera l’année prochaine ses cinquante ans. Des anciens élèves du Pop sont venus présenter leurs spectacles. Dès la deuxième année, des gens qui venaient à Auch ont décidé de se fédérer. Cela a donné naissance la Fédération Française des Écoles du Cirque, qui fête cette année ses trente-cinq ans, lors de la 36e édition du Festival. Ainsi que le Cnac qui fête sa 35e promotion. Le festival a été et est toujours un lieu d’impulsion et de structuration de notre secteur.

Et le lien est le regretté Bernard Turin…

Stéphanie Bulteau : Tout à fait. C’est la volonté d’un petit groupe, d’hommes et de femmes, même si je dois reconnaître qu’à l’époque, il y avait surtout des hommes. Ils ont voulu structurer ce domaine naissant du cirque que l’on n’appelait pas encore contemporain. Il y a eu cette vision immédiate de penser un fonctionnement en filière. C’est-à-dire qu’à Auch, vous trouvez au même endroit les écoles de loisirs et les écoles supérieures, les écoles européennes et internationales, les équipes artistiques et les professionnels… Et dans les artistes accueillis au festival, nous portons une attention particulière à avoir tout autant des équipes jeunes, dont cela peut être le premier projet, comme des artistes très aguerris.

En trente ans, grâce à ces écoles et portés par les pionniers comme Archaos, le Cirque Plume, Les Arts Sauts, on voit bien que les arts du cirque contemporains ont grandi. Et l’émulsion est née et perdure à Circa…
Stéphanie Bulteau - CIRCA - ESACTO LIDO ©Boris Conte
With or without you d’ ESACTO LIDO © Boris Conte

Stéphanie Bulteau : Le festival est un rendez-vous pour les programmateurs mais c’est aussi un rendez-vous pour les équipes artistiques et pour les artistes. Même s’ils ne sont pas programmés au festival, ils viennent ici pour se nourrir, se rencontrer, voir des spectacles, enrichir leur propre parcours. Et c’est extrêmement important que l’on conserve cela. Nous ne recevons pas que des professionnels qui font exclusivement du cirque, heureusement. Nous avons la chance d’accueillir énormément de programmateurs du réseau pluridisciplinaire. C’est comme cela que le cirque arrive aussi à se faire une place dans les scènes plus généralistes, des théâtres de ville aux scènes nationales, des scènes conventionnées aux festivals.

Comment élaborez-vous votre programmation ?

Stéphanie Bulteau : La programmation du festival est un travail d’équilibres : il y a une partie qui est faite de projets dont nous sommes coproducteurs, des projets que l’on accompagne au moins deux ans avant qu’ils n’arrivent au festival, que nous suivons et voyons grandir. En étant vigilants à ne pas mettre les équipes en difficulté. Car nous savons que se présenter au festival, cela peut-être une rampe de lancement mais aussi l’inverse. Après, il y a une partie d’ouverture à l’Europe et à l’international que nous essayons, malgré les contraintes budgétaires, de maintenir. Cette année, nous avons travaillé avec Circuscentruum pour présenter un focus sur le cirque flamand. Quatre créations sont ainsi présentées aux publics de Circa : cela représente un an de travail pour arriver à construire ensemble ce focus. Et pour finir, il y a aussi l’envie de recevoir des artistes. Certains vont dire que l’on voit un peu toujours les mêmes, mais quel plaisir de suivre les parcours de La Mondiale Générale, Cirque Aïtal, Chloé Moglia… Et ce sont des rendez-vous que le public à plaisir à retrouver avec les nouvelles créations des artistes qu’ils connaissent. Pour synthétiser cette question de la programmation, je dirais : un Tetris !

Circa, ce n’est pas uniquement le festival : vous rayonnez à l’année…
Stéphanie Bulteau - CIRCa @ Circa
Festival 2022 © Circa

Stéphanie Bulteau : Tout à fait. Nous sommes un Pôle national Cirque, label du ministère de la Culture, qui nous confère plusieurs missions. Tout d’abord, nous sommes un lieu de création et de résidence qui fonctionne toute l’année. Nous avons la chance d’avoir un espace dédié à la création : la salle Bernard Turin. Les artistes sont là toute l’année pour répéter leurs spectacles. Ils habitent ici dans nos appartements et mangent dans notre restaurant. Et puis nous avons aussi de la diffusion pluridisciplinaire : une saison avec du théâtre, de la danse, de la musique, du jeune public, mais aussi une saison en décentralisation dans les villages de l’agglomération. Sans oublier tout le volet d’éducation artistique et culturelle que nous développons au fur et à mesure.

Vous n’êtes pas circassienne à la base… Comment vous êtes-vous retrouvé à diriger Circa ?

Stéphanie Bulteau : J’ai postulé en me disant, on verra bien ! Et j’ai été choisie. Effectivement, dans mon parcours professionnel, je ne viens pas au début des arts du cirque, mais plutôt du théâtre. Heureusement, j’ai eu la chance de faire mes études à Paris au moment où La Villette développait les spectacles de cirque et sous chapiteau. J’habitais juste à côté et j’avais des amis qui travaillaient là-bas : sans le savoir, je me suis construit une sacrée culture du cirque contemporain ! Après, c’est dans mon métier de directrice de structure culturelle qu’assez vite je me suis intéressée aux arts du cirque et de la rue comme un outil privilégié de relations avec le territoire et avec les habitants. Et puis il y a une personne qui est venue me chercher et qui m’a emmené dans ce domaine : c’est Jean Vinet, le créateur de La Brèche à Cherbourg et du festival Spring, dont j’ai participé aux toutes premières éditions avec le lieu que je dirigeais à l’époque en Normandie.

Quel bilan tirez-vous de cette édition ?

Stéphanie Bulteau : À chaud, je n’en ai qu’un seul : vivement l’année prochaine !

Propos recueillis par Marie-Céline Nivière – Envoyée speciale à Auch

CIRCa
36e festival du cirque actuel
32000 Auch
Du 20 au 27 octobre 2023.

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