Garlan Le Martelot © Christelle Billault

Garlan Le Martelot, un grand enfant au regard profond

Au théâtre Tristan Bernard, après un beau succès avignonnais, Garlan Le Martelot brille dans Courgette, l'adaptation théâtrale du roman éponyme de Gilles Paris. Dirigé avec tendresse et ingéniosité par Pamela Ravassard, il se glisse avec espièglerie et justesse dans la peau de ce petit garçon orphelin. Un rôle en or pour un comédien discret, indéniablement virtuose !

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Petit, j’ai eu la chance de pouvoir passer mes étés chez ma grand-mère paternelle à Dinard en Bretagne. Les jours de pluie c’était imperméable, capuche sur la tête et chasse à l’escargot ou… cirque. Grâce à elle, j’ai pu admirer grand nombre de spectacles sous chapiteau présents  sur les routes estivales française. Je trouvais cela fascinant que l’on puisse mettre en place un chapiteau si beau, si rouge en si peu de temps et donner vie à tout un monde à l’intérieur de cette grande toile avec des odeurs de pop-corn, de sciure et de fauve. 

En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Bernard Levy © Philippe Delacroix
En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Bernard Levy © Philippe Delacroix

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Tout d’abord, ça a été le cinéma. Quand je n’avais pas classe le lendemain, j’allais avec mon père louer une cassette VHS. J’adorais voir la jaquette et lire le résumé. Il y avait aussi les films du mardi soir que diffusaient les grandes chaînes. Puis j’ai eu accès au cinéma sur grand écran. Vers 8 ans, j’ai déménagé en Bretagne à Carnac. Les premières années, nous habitions dans un appartement juste à côté du cinéma (le Rex). Autant vous dire qu’on en a profité. L’hiver, il arrivait qu’il n’y ait que ma famille et moi dans la salle. Le film qui m’a le plus habité enfant est Le Grand Bleu de Luc Besson et celui qui a hanté mes nuits est Rencontres du 3ème type de Steven Spielberg. 

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
La possibilité de provoquer des émotions chez le spectateur. Le faire voyager, vibrer, aimer ne serait-ce que le temps d’une représentation. 

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Un après-midi en 5ème, nous sommes allés voir, avec ma classe, un seul en scène. Il s’agissait d’un spectacle constitué de plusieurs scènes importantes du répertoire de Molière. À la fin, le comédien a organisé un « casting » pour jouer avec lui le soir lors de la représentation tout public. Nous étions 5 candidats dont le rigolo du collège des Korrigans. J’ai été choisi. Le soir venu, j’ai joué avec l’acteur une scène tirée des Fourberies de Scapin. C’était ma première fois sur scène devant un public et la première fois où j’ai cru que mon cœur allait exploser. 

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Hamlet mis en scène par Thomas Ostermeier au théâtre des Gémeaux à Sceau. Ma première grosse claque scénique et artistique. Tout ce que j’avais appris durant mes cours de théâtre prenait sens. Lars Eidinger, qui jouait Hamlet, est monté dans le public et est venu se confier à l’oreille de ma compagne avec une sincérité́ tellement forteI don’t want to die. I don’t want to die. C’était électrisant.

65 miles de Matt Hartley, mise en scène de Pamela Ravassard © Benjamin Porée
65 miles de Matt Hartley, mise en scène de Pamela Ravassard © Benjamin Porée

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Jean-Pierre Garnier, Mon prof de théâtre en 3ème année et en Classe Libre. Il m’a transmis l’importance du texte, du sous texte. De l’engagement de tout son être sur un plateau. Jorge Lavelli, Le premier metteur en scène à me faire confiance dans mon parcours professionnel. Il s’agissait de Chemin du ciel (Himmelweg) de Juan Mayorga au théâtre de La Tempête. Travailler avec un metteur en scène toujours aussi passionné, prêt à se réinventer et faire découvrir de nouveaux auteurs à plus de 70 ans en ayant une carrière si prestigieuse et rien à prouver juste à créer, à toucher et à amener à la réflexion pousse à l’humilité́. Cette rencontre m’a permis également de travailler juste après avec Jacques Lassalle dans Figaro Divorce de Ödön von Horváth à la Comédie Française. 

Bernard Levy, Thierry Bosc, Gilles Arbona, Patrick Zimmermann et Georges Ser.  Bernard, metteur en scène brillant, à l’écoute, doux et exigeant, m’a choisi pour jouer le Garçon dans En attendant Godot. Ce personnage apparait à chaque fin d’acte pour dire que Godot ne viendra pas. J’étais le petit jeune entouré de comédiens profondément humains et au cv fou. Les répétitions étaient tellement joyeuses. Il y avait une envie forte d’aller loin, à tous les postes, aussi bien du côté artistique que technique, avec un respect mutuel. Nous avons joué́ au théâtre de l’Athénée à Paris puis sommes partis en tournée. J’ai connu ma première tournée et la joie de découvrir à chaque date un nouveau théâtre, un nouveau plateau, un nouveau public. Écouter mes partenaires de jeu à chaque représentation à travers les retours, dans ma loge ou au foyer du théâtre en attendant de rentrer sur scène m’a permis de sentir une fois de plus l’importance du sous texte et tout ce que l’on pouvait imaginer à travers une seule réplique qui de prime abord peut sembler anodine alors qu’elle est profondément philosophique, mystique. 

Pamela Ravassard. Nous nous sommes rencontrés en Classe Libre au cours Florent et depuis nous ne nous sommes jamais quittés. On s’est aidé́ et on continue à s’aider plus que jamais à grandir artistiquement. 

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Ce métier est viscéral. Pouvoir l’exercer, s’exprimer pleinement à travers des textes et un plateau contribuent à cet équilibre. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Essentiellement la vie. Le rapport entre les êtres humains, la nature. Ma famille. Et bien-sûr les textes (livre, pièce, presse), les films (cinéma, série, documentaire), la peinture, la photo, la musique. 

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Pour moi, sur scène, c’est tout notre être qui doit parler. Toute sa chair. Son âme. En cours on nous apprenait à être connecté à la terre et au ciel. Je trouve que la relation au plateau est pleinement de ce ordre. Il est important de se connecter à ses partenaires, sentir l’énergie d’un plateau, de la salle, celle de chacun pour créer ensemble et être là où il faut durant un temps suspendu avec le public. 

Cougette d'après le roman de Gilles Paris, mise en scène de Pamela Ravassard © Fabienne Rappeneau
Courgette d’après le roman de Gilles Paris, mise en scène de Pamela Ravassard © Fabienne Rappeneau

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Dans chaque cellule.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Des artistes aimants, bienveillants avec une envie commune de créer, de défendre un texte, des idées, un spectacle. 

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Partir en tournée avec des metteur(e)s en scène, des chorégraphes et une multitude d’artistes ami(e)s ou/et dont j’aime l’univers et l’humanité. Nous irions jouer les pièces phares de Shakespeare et quelques textes de Musset dans les théâtres les plus beaux du monde, les lieux les plus insolites auprès d’un public cosmopolite.
Ou plus simplement au projet de ma vie. Continuer à faire ce métier, créer, à être désiré, écouté́, à pouvoir jouer dans des spectacles et films qui m’animent pleinement et cela tout en profitant de ma famille. 

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Les Quatre Saisons de Vivaldi recomposée par Max Richter. 

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Courgette de Gilles Paris d’après Autobiographie d’une Courgette de Gilles Paris
Théâtre Tristan Bernard
64 rue du Rocher
75017 Paris.
A partir du 25 août 2023.
Les mardis et mercredis à 20h, les vendredis à 19h, les samedi à 17h et 20h30, relâche le 5 décembre.
Durée 1h25.

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