Je crois que dehors c’est le printemps de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti © Chiara Pasqualini

Gaia Saitta, retour à la vie 

Au théâtre du Rond-Point, Gaia Saitta présente "Je crois que dehors c'est le printemps", une œuvre rare autant que poignante.

Je crois que dehors c’est le printemps de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti © Chiara Pasqualini

Au théâtre du Rond-Point, Gaia Saitta présente Je crois que dehors c’est le printemps, une plongée vertigineuse au cœur du combat de reconstruction d’une mère face à la douleur d’un drame insoutenable. Sans pathos, l’artiste italienne insuffle à cette histoire vraie, humanité et abnégation. 

© Chiara Pasqualini

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’embrasser la carrière de comédienne, metteuse en scène et dramaturge ? 

Gaia Saitta : Je ne crois pas que c’était une envie, mais plutôt une nécessité. Dans la petite ville où nous habitions avec mes parents, il y avait un magnifique théâtre à l’italienne. La première fois où j’y suis allée, c’était pour un opéra de Verdi, Rigoletto. J’ai découvert un autre monde, quelque chose de très différent de ce que j’imaginais, un endroit où les histoires résonnent autrement, où les gens se rencontrent. Un lien magique unissait les spectateurs, comme si nous faisions tous partie d’une communauté. Cela m’a tellement bouleversée, que dès cet instant, j’ai su que je voulais participer à ce microcosme, en faire partie. Je n’ai cessé après cette expérience de passer ma jeunesse dans ce lieu qui me fascinait tant. Je suis une personne assez timide, très émotionnelle, mais quand je pénètre dans une salle de spectacle, tout disparaît. C’est comme si j’étais chez moi. Je n’ai plus d’angoisse, plus de peur. C’était donc une évidence pour moi, pour vivre mieux, je devais prendre cette voie. 

Quand vous montez un projet, qu’est-ce qui vous inspire ? 
Je crois que dehors c’est le printemps de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti © Chiara Pasqualini
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Gaia Saitta : C’est l’amour, un mouvement d’amour. C’est quand j’ai la sensation que les distances se réduisent entre une histoire, un visage, un paysage et moi. Je crois que j’ai toujours envisagé l’art dramatique comme un moyen de se rapprocher de l’autre. Quand je suis touchée, quand ma vulnérabilité est à nu, c’est là que tout commence. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur l’histoire d’Irina Lucidi ? 

Gaia Saitta : C’est un fait divers peu connu en France, mais très connu en Italie. Des mois durant, les médias ont parlé de l’affaire. Et puis il y a le très long entretien qu’a accordé Irina à la journaliste Conchita de Gregorio. Cela m’a profondément bouleversée. Ce n’était plus le drame sordide qui s’affichait en Une des journaux, mais le récit d’une femme, d’une mère qui face à l’indicible a refusé de se laisser abattre, qui a décidé de lutter pour tenter de vivre à nouveau. J’avais trente ans, j’ai ressenti en moi comme un appel, comme le besoin de faire entendre les mots de cette femme, qui a su dépasser rage et douleur pour apporter une parole lumineuse. Bien sûr, elle était en révolte, car elle n’a jamais accepté d’être la victime de sa propre histoire. C’est cela que je voulais transmettre. 

Comment avez-vous procédé pour porter ce récit à plusieurs voix sur scène ?

Gaia Saitta : Le processus de création a été long, car il était hors de question de tomber dans le glauque, mais bien de mettre en scène une communauté de gens pour réfléchir ensemble sur cette tragédie. C’est d’ailleurs pour cela que je demande à certains spectateurs de participer, de monter sur scène et de se glisser dans la peau de certains des protagonistes, le juge, la psy, la mère, etc. Par ailleurs, je sentais aussi que l’extrême douleur qu’Irina a ressentie ne pouvait être retranscrite. Il était donc important de trouver d’autres chemins pour faire comprendre la violence sans pour autant la mettre en scène. La meilleure manière de retranscrire cette histoire est de créer une communauté au plateau et dans la salle, de se laisser porter par la personnalité d’Irina, une femme qui porte sa violence au cœur de sa vie, mais qui n’est jamais passive, qui cherche toujours le positif, qui tend vers la lumière.

En effet, le drame affleure, mais jamais le spectacle ne tombe dans le pathos…
Je crois que dehors c’est le printemps de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti © Chiara Pasqualini
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Gaia Saitta : comme je le disais, je crois que c’est grâce à Irina. La rencontre avec elle m’a donné de la force, m’a permis d’épurer mon travail, de me consacrer à l’essentiel. Elle n’est jamais pathétique. Irina a connu les limites de la douleur que l’on peut ressentir, elle sait ce que c’est de souffrir, maintenant elle peut aller de l’avant. Pour retranscrire cela au plateau, je devais oublier les artifices, mes instruments de comédienne, m’effacer et laisser sa parole irriguait la scène. Clairement, cela a changé ma vie. Mettre en scène cette histoire a été pour moi quelque chose de radical, qui à voir avec le cœur, la chair. Je ne serais jamais plus pareil. Et d’ailleurs, c’est compliqué de rebondir, d’envisager d’autres projets. 

Vous parlez de la difficulté de continuer après une telle expérience. Avez-vous de nouveaux projets ? 

Gaia Saitta : j’ai passé cinq années sur ce spectacle. J’y ai mis beaucoup de mon énergie. C’était vital. Je devais aller au bout. Maintenant je suis engagée dans un nouveau projet qui est une adaptation du roman d’Elena Ferrante, Les Jours de mon abandon, et dont la première sera présentée au Théâtre National Wallonie-Bruxelles dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts en mai 2024.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Je crois que dehors c’est le printemps de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti 
Présenté en mars 20203 au Manège – Scène nationale transfrontalière de Maubeuge dans le cadre du Cabaret des curiosités.

reprise du 3 au 15 octobre 2023 au Théâtre du Rond-Point

conception et mise en scène de Gaïa Saitta & Giorgio Barberio Corsetti 
texte de Concita de Gregorio
adaptation théâtrale, interprétation – Gaïa Saitta 

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