Blind Runner, Amir Reza Koohestani ©Benjamin Krieg
©Benjamin Krieg

Blind Runner d’Amir Reza Koohestani, chronique minimaliste de l’Iran actuel

Au Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d'Automne, Blind Runner d'Amir Reza Koohestani met en œuvre une partition économe pour dire l'oppression en Iran.

Blind Runner, Amir Reza Koohestani ©Benjamin Krieg
©Benjamin Krieg

Créé au Kunstenfestivaldesarts, actuellement à l’affiche du Théâtre de la Bastille jusqu’au 20 octobre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Blind Runner est un objet minimaliste : deux comédiens en survêtement, un plateau sans décor juste découpé par les lumières d’Éric Soyer et un écran, en fond, qui agrandit les visages.

Peu d’éléments pour un squelette de contexte : l’Iran, aujourd’hui ; un parloir puis une rue ; un mari, une épouse, et une deuxième femme, Parissa. L’épouse est emprisonnée pour avoir posté quelque opinion dissidente sur les réseaux sociaux — on le comprend, mais tout ne reste qu’allusion dans cette écriture brève et faussement utilitaire. À l’extérieur, le mari, en guide d’aveugle, aide Parissa à courir, laquelle a perdu la vue aux mains du gouvernement. Mais leurs entraînements, plutôt qu’une médaille, visent une traversée du tunnel sous la manche, clandestinement, durant les six heures qui séparent le dernier train du soir au premier du matin, pour fuir en Angleterre après avoir rejoint la France.

Dans la pièce, rien n’est chose unique : l’oppression politique encadre et détermine les échanges conjugaux, la discipline marathonienne cache une course pour survivre. Dans l’espace très cérébral qui lui sert de plateau, Amir Reza Koohestani orchestre savamment ces transpositions, où les enjeux banals du quotidien deviennent question de vie et de mort, même si l’exécution de ce dispositif dramaturgique s’avère, au visionnage, un peu sèche et rigide.

Il n’empêche que le talent de Koohestani, dont nous découvrions il y a peu la récente adaptation de La Mort de Danton au Kunstfest de Weimar, réside dans sa capacité à trouver l’équation la plus économe pour raconter un récit abreuvé à la réalité sociale et politique de l’Iran. Autrement dit, dans sa faculté de mettre beaucoup dans peu. Ici, l’oppression, la peur, l’amour, la rancœur, l’abnégation, la possibilité de voir, ou pas, la lumière au bout du tunnel.

Samuel Gleyze-Esteban

Blind Runner d’Amir Reza Koohestani
Festival d’Automne à Paris
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette, 75011 Paris

Du 5 au 20 octobre 2023
Durée 1h

Tournée
Du 24 au 26 octobre Triennale Milano Teatro – Italie
Les 28 et 29 octobre Teatro Astra, Festival delle Colline Torinesi – Italie
Du 2 au 4 novembre Théâtre populaire romand, La Chaux-de-Fonds – Suisse
Le 18 novembre Bundeskunsthalle – Bonn Allemagne
Les 24 et 25 novembre La Condition Publique – Roubaix (programmation dans le cadre de la saison nomade de La rose des vents, Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq)
Du 28 au 30 novembre 2023 Théâtre la Vignette – Montpellier

Avec Ainaz Azarhoush et Mohammad Reza Hosseinzadeh
Dramaturgie Samaneh Ahmadian
Assistant à la mise en scène Dariush Faezi
Lumières et scénographie Éric Soyer
Vidéo Yasi Moradi et Benjamin Krieg
Musique Phillip Hohenwarter et Matthias Peyker
Costumes Negar Nobakht Foghani
Traduction française et adaptation surtitrage Massoumeh Lahidji
Opératrice surtitres Negar Nobakht Foghani
Production Mehr Theatre Group

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